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Boko Haram accroît la pression sur le Niger

Diffa, Niger Jean de Lestrange/EU/ECHO
Waiting for water in Diffa, Niger

Les violences de Boko Haram augmentent de manière inquiétante dans la région de Diffa, au sud-est du Niger, et viennent aggraver une crise humanitaire pâtissant déjà d’un manque de fonds.

Lors de la dernière attaque en date, le 2 juillet, des djihadistes ont fait irruption à Ngalewa, près de Kablewa, où ils ont tué neuf personnes et enlevé 37 jeunes filles et adolescents. À la lueur de la nuit, les hommes armés ont pillé les réserves alimentaires du village et volé du bétail avant de s’échapper.

Le 29 juin, deux femmes kamikazes se sont fait exploser dans un camp de déplacés dirigé par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à Kablewa, près de Diffa, le chef-lieu de la région. La double explosion a tué quatre personnes, dont les deux kamikazes, et fait onze blessés.

Le gouverneur de Diffa, Dan Dano Mahamadou Lawaly, a donné l’ordre de transférer les 16 500 personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) réfugiées à Kablewa vers un nouveau camp situé à quelques kilomètres au nord de la Route Nationale 1, qui conduit à l’est vers la frontière tchadienne. Le sud de la route est considéré comme vulnérable aux attaques de Boko Haram, mouvement insurrectionnel né au Nigeria, mais qui opéreraient également au Niger depuis des îles du lac Tchad en grande partie abandonnées.

Boko Haram semble avoir pour stratégie de mettre la main sur le plus de provisions possibles avant la saison des pluies, qui fera monter les eaux de la rivière Komadugu, qui longe la frontière sud du Nigeria, la rendant plus difficile à franchir. Bamouni Dieudonné, directeur du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) au Niger, a expliqué à IRIN que cette menace croissante impliquait de conserver moins de nourriture et de médicaments dans les entrepôts proches de la frontière et donc d’augmenter la fréquence des approvisionnements. « Nous devons repenser notre méthode, qui consiste à stocker dans les entrepôts de la région des provisions pour trois mois. C’est devenu risqué. Cela va accroître les coûts et nous devrons stocker moins de produits. »

Un précédent alarmant

Si la multiplication des attaques était prévisible, l’attentat du camp de PDIP de Kablewa était inattendu, a dit M. Dieudonné. Boko Haram attaque relativement souvent des camps de PDIP dans le nord-est du Nigeria, mais jusqu’à présent, ce n’était pas le cas au Niger, où le mouvement a eu tendance à s’en prendre davantage à des cibles militaires.

L’attentat de Kablewa a généré des tensions entre les PDIP et les populations d’accueil, tensions accentuées par des heurts, cette semaine, lorsque des PDIP qui quittaient le camp se sont égarées dans des champs, compromettant les cultures. Ces affrontements ne sont peut-être qu’un incident isolé, mais on craint qu’ils reflètent le début d’une nouvelle intolérance à l’égard des PDIP, considérés maintenant comme une potentielle menace. « Ce serait une tendance nouvelle et préoccupante dans une région qui s’est montrée remarquablement accueillante envers les PDIP et les réfugiés », a dit M. Dieudonné.

Les 16 500 déplacés de Kablewa faisaient partie des 33 000 habitants d’une centaine de villages répartis sur 74 îles du lac Tchad qui ont reçu l’ordre de quitter leur île dans un délai de 48 heures, en mai 2015, en prévision d’une offensive de l’armée nationale dans le secteur. Ils avaient dans un premier temps été installés dans les villes de N’Guigmi et Diffa, avant d’être rassemblés à Kablewa. C’est la troisième fois qu’ils sont obligés de déménager, ce qui n’est pas tout à fait inhabituel dans ce conflit. Selon une enquête menée en avril par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 70 pour cent des résidents du camp de N’guel Madou Maï ont été déplacés au moins une fois, 42 pour cent « au moins trois fois ».

L’État nigérien a adopté une stratégie contre-insurrectionnelle sans ménagement. Après la première attaque de Boko Haram en 2015, il a fait évacuer les communautés de la région du lac et de la rivière Komadugu, détruisant l’économie locale, basée sur la pêche et la culture de poivron rouge. Il a également mis fin aux activités de mototaxi à Diffa, l’une des rares perspectives d’emploi pour les jeunes hommes. « La région de Diffa a toujours connu des difficultés économiques, et les mesures de sécurité strictes qui ont stoppé l’activité économique n’ont pas aidé », a dit Peter Kioy, responsable de projet de l’OIM dans la région. « Tout le monde est logé à la même enseigne [les PDIP et les populations d’accueil]. La plupart dépendent maintenant uniquement de l’aide internationale. Vous pouvez héberger une famille de PDIP, mais c’est la seule différence entre elle et vous. »

Food distribution at Kime Gana, N'guigmi, Diffa, Niger
Jean de Lestrange/EU/ECHO
Almost half of Diffa's population needs humanitarian aid

Manque de fonds et de nourriture

Sur les 700 000 personnes qui, selon les estimations, vivent à Diffa, deux tiers sont des PDIP, des personnes de retour ou des réfugiés. Au total, 340 000 d’entre elles ont besoin d’une aide humanitaire. Le Niger accueille à lui seul 50 pour cent des réfugiés nigérians de la région du bassin du lac Tchad. Pourtant, seulement 17 pour cent des 139 millions de dollars nécessaires pour mettre en œuvre une opération d’aide humanitaire adéquate ont été financés.

L’aide est insuffisante pour subvenir aux besoins de tous. IRIN s’est entretenu avec des déplacés installés à Maina Kadari, l’un des 140 sites de regroupement spontané de la région. Leur grief est simple : ils manquent de nourriture. Interrogés alors qu’ils tuaient les heures chaudes de l’après-midi sous une tente en attendant le coucher du soleil et la rupture du jeûne du ramadan qui l’accompagne, les hommes estimaient que près de 70 pour cent d’entre eux n’obtenaient pas de ration alimentaire et devaient compter sur l’esprit de partage de leurs amis. « Nous n’avons pas assez de moyens pour distribuer [des rations] à 100 pour cent des PDIP, a reconnu M. Kioy. Les besoins dépassent largement l’aide apportée. »

Les hommes de Maina Kadari ont également dit à IRIN qu’ils se sentaient abandonnés par l’État. En 2015, on leur a ordonné de quitter leurs villages au nord de la ville nigériane de Damasak, âprement disputée par les parties au conflit. Ils ont dû payer eux-mêmes leur transport, mais ils sont quand même partis, car, ont-ils dit, ils faisaient confiance aux autorités. Ils ont amèrement critiqué le gouvernement de ne leur avoir apporté aucune aide.

Ce sentiment d’injustice et l’absence de perspectives risquent d’accentuer l’attrait de Boko Haram aux yeux des jeunes hommes en colère, a dit Aboubaker Issa, animateur de groupes de jeunes à Diffa. « [Les PDIP] s’installent dans de nouveaux lieux sans aucune aide et ils n’ont pas tous la même capacité de résilience, a-t-il dit à IRIN. Les mesures [du gouvernement] ont donc poussé de nombreux jeunes à rejoindre les rangs de Boko Haram. »

Attente

Un rapport de Médecins Sans Frontières particulièrement critique envers l’intervention humanitaire mise en place à Diffa a notamment remarqué que les organisations humanitaires contestaient rarement les restrictions d’accès imposées par l’armée. « L’histoire a montré que les tactiques de contre-insurrection des militaires pouvaient être dévastatrices pour les populations locales », peut-on lire dans le rapport. « Il n’y a eu que peu de tentatives, voire aucune, pour vérifier les allégations des autorités [nigériennes] quant aux conditions des populations vivant à l’intérieur des zones d’accès restreint. Un répondant à l’enquête issu du gouvernement a même souligné que personne ne connaissait les conditions de ceux qui vivaient encore sur les îles du lac Tchad, même si l’on sait que des milliers de personnes y étaient retournées en s’opposant aux ordres militaires. »

Les PDIP de Maina Kadari ont dit attendre que le gouvernement déclare que leur retour ne présente plus de danger. La sécurité n’est cependant pas le seul problème : ils auraient besoin d’aide pour restaurer leurs maisons, pour rebâtir des systèmes de protection contre les inondations et pour prendre un nouveau départ. Selon l’OIM, moins de 12 pour cent des personnes interrogées à N’guel Madou Maï étaient prêtes à rentrer chez elles. Et la recrudescence de l’insécurité risque de faire largement baisser ce chiffre.

À Diffa, on se sent en sécurité. La Force spéciale mixte multinationale, coalition du Bénin, du Cameroun, du Tchad, du Niger et du Nigeria pour la lutte contre Boko Haram, y a installé une base. Des soldats nigériens lourdement armés traversent la ville à toute allure dans des « technicals », soulevant des nuages de poussière, et l’aéroport compte au moins un avion d’attaque au sol SU-25 entretenu par l’Ukraine.

Boko Haram n’est d’ailleurs pas toujours victorieux : en avril, l’armée a tué 57 insurgés lors d’un affrontement dévastateur. Les militaires sont également à la recherche des enfants enlevés à Ngalewa et sont déterminés à accomplir leur mission avec plus de succès que dans la saga des filles de Chibok au Nigeria. Mais les forces de sécurité atteignent leurs limites. Le mois dernier, le Niger a prolongé l’état d’urgence dans certains secteurs de Tillaberi et Tahoua, à l’ouest du pays, à la suite d’attaques répétées de djihadistes basés au Mali. « L’État fait ce qu’il peut pour assurer la sécurité, mais il a besoin du soutien [de la communauté] internationale, a dit M. Dieudonné. Toutes ces menaces auxquelles il est confronté viennent de l’étranger. »

Article rédigé avec l’aide d’Aboubacar Sidi

as-oa/ag-ld

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