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Aide humanitaire amateur : les bonnes intentions ont leurs limites

Women arriving with donations Luke Cody/IRIN
Habituellement, le Hive Warehouse de Kingsland Road, dans l’est de Londres, est vide le dimanche. Le weekend dernier pourtant, il fourmillait d’activité. Un flot incessant de voitures s’arrêtait à l’extérieur pour déposer des sacs de dons. Des bénévoles les transportaient à l’étage, où des dizaines d’autres, de tous âges et toutes origines sociales, les vidaient, les triaient et les réemballaient. Les bénévoles allaient d’une femme dont la famille avait survécu à l’holocauste à Natalie Bennett, chef du parti vert britannique, en passant par le colocataire musicien des organisateurs.

L’initiative s’appelle CalAid et aide entre 2 000 et 4 000 migrants et réfugiés qui campent actuellement à Calais. Jasmine O’Hara, 25 ans, l’a créée après avoir vu des reportages télévisés du camp, appelé « la jungle », et y être allée avec son frère. Le billet qu’elle a écrit sur Facebook après sa visite a été partagé 65 000 fois. « Des gens ont commencé à demander ce qu’ils pouvaient faire pour aider », a-t-elle dit à IRIN. « Nous avons donc créé CalAid et annoncé que nous allions collecter des dons. »

Dans toute l’Europe, les initiatives lancées spontanément par des citoyens et des associations se sont multipliées en réponse à la crise des réfugiés. En Macédoine, Gabriela Andreevska se rend tous les jours à la frontière pour distribuer de la nourriture et de l’eau au flux d’arrivants. À Kos, Kerry Horafiou apporte du matériel pour les enfants des camps dans le cadre de son association Kos Kindness. À Lesbos, les réfugiés sont souvent accueillis non pas par les autorités locales, mais par ce que Joel Hernandez, blogueur travaillant pour l’Institut des politiques de migration, appelle « une équipe hétéroclite et changeante d’humanitaires en herbe » — bénévoles locaux, militants et touristes désireux de faire leur part. 

Tout comme CalAid, de nombreuses initiatives ont commencé par une personne et une idée qui a fait boule de neige. Elles sont typiquement petites, non officielles, peu structurées et utilisent Facebook comme principal outil de communication. CalAid n’existe que depuis un mois et n’a pas de statut juridique. En Grèce, Kos Kindness, mis sur pied à l’origine par des femmes grecques pour aider les enfants grecs, a évolué pour aider les réfugiés. L’association compte maintenant des bénévoles qui organisent des points de collecte et le transport du matériel dans toute l’Europe. Help for refugees in Molyvos, qui vient en aide à ceux qui arrivent à Lesbos, s’est attiré des soutiens jusqu’au Brésil et aux États-Unis.

« Lorsqu’il s’agit de la force collective de la population et des médias sociaux, il est parfois vrai qu’un plus un égal 16 000 », a dit Bryndis Bjorgvinsdottir, millitante islandaise.
Parmi les bénévoles, nombreux sont ceux qui n’ont jamais rien fait de tel avant. Certaines initiatives se sont montées en quelques heures pour répondre à des situations particulières et, dans certains cas, vont à l’encontre des démarches des autorités locales. Le 4 septembre, lorsque le gouvernement hongrois a interrompu les liaisons internationales en train en raison du nombre de réfugiés à la station de Budapest, des militants autrichiens ont demandé par Facebook à des bénévoles de traverser la frontière en voiture pour aller les chercher. En deux jours, plus de 140 voitures sont parties de Vienne pour aller prendre des centaines de réfugiés.

Ces réponses innovantes et spontanées à la crise des réfugiés, qui s’organisent généralement sur les réseaux sociaux, sont de plus en plus courantes. Le modèle de collecte de biens de seconde main mis en oeuvre par CalAid est relativement ancien. Kos Kindness demande à ses sympathisants d’acheter des produits sur Amazon en utilisant la fonction « liste d’envies » pour orienter les donateurs vers les produits adéquats. De cette manière, les donateurs prennent également en charge les frais de transport. Une autre association, Help Calais, a suivi cet exemple.

En Allemagne, Refugees Welcome met en relation des réfugiés sans hébergement avec des personnes disposées à les accueillir. Inspiré d’Airbnb, le site encourage également les utilisateurs qui ne souhaitent pas accueillir de réfugiés chez eux à participer aux frais d’hébergement mensuels. Lancée en 2014, cette initiative a jusqu’à présent placé 138 réfugiés et aide à la mise en ligne d’initiatives similaires dans 20 pays.

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Nombre de ces nouvelles associations rencontrent toutefois rapidement les mêmes problèmes auxquels sont confrontées quotidiennement les organisations humanitaires traditionnelles. À CalAid, l’enthousiasme et la force d’engagement sont palpables. Mais ceux qui trient les dons y trouvent des costumes d’Halloween et des vêtements sales. Quatre-vingt-dix pour cent des habitants de la jungle sont des hommes et les organisateurs de CalAid ont clairement dit qu’ils ne voulaient pas de vêtements de femmes ou d’enfants, mais les gens en apportent quand même. « Environ 20 pour cent de ces dons sont inutiles », a dit un organisateur en soupirant. Ils ont par ailleurs reçu tellement de dons qu’ils manquent d’espace de stockage à Londres comme à Calais. Migration Aid, une initiative bénévole en Hongrie rencontre le même problème.

« Une aide technique serait réellement bienvenue. Nous essayons de trouver une solution. »
En France, le Secours catholique du Pas-de-Calais, qui regroupe quelques retraités locaux, a signalé qu’il recevait des costumes tachés, des talons aiguilles et de la lingerie érotique. « Avant, cela nous faisait rire », a dit Pascal Froehly, bénévole, au Guardian. « Mais nous ne sommes plus vraiment d’humeur à rire. » Les marchés de seconde main se multiplient : des migrants revendent ainsi des bouteilles d’huile que des bénévoles pleins de bonnes intentions leur ont données en trop grandes quantités. 

Les collectes de dons à l’étranger pour des associations comme Kos Kindness rencontrent par ailleurs des difficultés logistiques. Certains ont lancé des appels à financements pour couvrir les frais de transport. La coordination s’est également révélée difficile. Les livraisons ponctuelles par des bénévoles dans les camps de Calais sont de plus en plus source de chaos.

D’autres associations collectent plus d’argent qu’elles ne peuvent en dépenser ou en gérer. Mme Horafiou a suspendu son appel à financements GoFundMe le 3 septembre après avoir reçu plus de trois fois la somme de 2 000 livres britanniques qu’elle avait demandée. « Je suspends [cet appel] — nous devons d’abord en dépenser une partie », a-t-elle écrit aux sympathisants de Kos Kindness sur Facebook.

Ce dimanche matin, dans l’excitation bouillonnante de la collecte de CalAid, les organisateurs se sont trouvés un peu dépassés et ont dû improviser au fur et à mesure. Comme pour Mme Horafiou, ce ne sont pas les dons qui manquent, ni l’argent, ni l’enthousiasme, ni l’engagement, ni les capacités d’improvisation ou les réseaux. En revanche, aucun d’entre eux n’a d’expérience dans le fonctionnement de l’aide humanitaire, qu’il s’agisse de logistique, de distribution, de gestion de camp ou de collecte de fonds. « Une aide technique serait réellement bienvenue », a dit James Fisher, porte-parole de l’association. « Nous essayons de trouver une solution. »

iw/ks/ag-ld/amz 
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