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En Israël, l’accueil des réfugiés s’organise

Anti racism protests in Tel Aviv in 2012 Flickr.com/sashakimel
Manifestation contre le racisme à Tel-Aviv, en Israël (photo d’archives)
Sur Facebook, la demande était simple : « Homme recherche toit ». La réalité derrière ce message l’était peut-être un peu moins. Fin août, des activistes israéliens ont commencé à demander à leurs concitoyens d’accueillir des étrangers – des demandeurs d’asile ou des réfugiés sortant tout juste de détention – chez eux.

Dan Levi, un étudiant de Jérusalem sur le point de célébrer ses 27 ans, compte parmi ceux qui ont répondu à l’appel. Lorsqu’il a appris que des centaines d’hommes, originaires du Soudan et d’Érythrée pour la plupart, avaient urgemment besoin d’un endroit – n’importe où – où dormir, il a proposé ce qu’il y avait de disponible dans sa colocation : un canapé, une clé et un jeu de draps soigneusement pliés.

« Je n’ai pas personnellement vécu leur situation, mais j’ai beaucoup d’empathie [pour les réfugiés]. J’ai ressenti le besoin d’agir », a dit M. Levi à IRIN.

Au terme de plusieurs années de bataille judiciaire, la Cour suprême israélienne a décidé le mois dernier que 20 mois – la période maximale de détention des réfugiés et demandeurs d’asile de sexe masculin d’un centre de détention situé dans le désert - était une durée excessive.

Alors, dans les jours qui ont précédé la date butoir de remise en liberté fixée par la Cour, près de 1 200 hommes ont quitté le centre de détention d’Holot. Mais il y avait un hic : leur libération s’assortissait d’une interdiction de vivre ou de travailler à Tel-Aviv ou à Eilat, les deux villes concentrant l’essentiel des quelque 45 000 réfugiés que compte le pays. Faute de pouvoir retourner à leurs amis, famille ou communauté, nombre d’entre eux se sont retrouvés à la rue.

Moran Mekamel, la responsable du groupe Étudiants de l’université Ben Gourion pour les réfugiés et les demandeurs d’asile, est à l’origine de l’appel « Homme recherche toit » posté sur Facebook pour appeler les Israéliens vivant en dehors des villes interdites à se proposer comme hôtes.

Cette bénévole de 30 ans a été agréablement surprise de la réponse suscitée. En une heure environ, 30 personnes s’étaient déjà proposées pour accueillir 70 personnes environ. « En quelques heures, nous disposions déjà d’une longue liste de personnes offrant leur aide en de très nombreux points à travers tout le pays », a-t-elle dit. « Il y avait une communauté juive pratiquante à Jérusalem, un écovillage [autre part]. » Dans les jours qui ont suivi, quelques hôtels ont même offert de les héberger gratuitement.

À contre-courant

La communauté réfugiée a elle aussi été prompte à réagir en prenant en charge la plupart des ex-détenus, mais les Israéliens ordinaires ont comblé les lacunes. Ainsi, pour leur première nuit de liberté la semaine dernière, trois hommes ont dormi chez Mme Mekamel à Be’er Sheva, dans le sud d’Israël.

L’écrasante majorité des réfugiés et demandeurs d’asile d’Israël viennent du Soudan ou d’Érythrée. Fuyant la persécution politique ou la guerre, ils arrivent généralement par voie terrestre en passant par l’Égypte.

La plupart atterrissent à Holot, un centre de détention situé dans le désert de Nogev, dans le sud du pays, symbole de la « loi anti-infiltration » d’Israël. Les demandeurs d’asile sont autorisés à quitter le centre la journée – bien qu’il n’y ait guère plus à voir alentour que du sable à perte de vue – mais n’ont pas le droit de travailler. Ils reçoivent une modeste allocation hebdomadaire. Bien que les détenus de longue date aient été libérés, d’autres ont été cités à comparaître à Holot. La bataille judiciaire continue.

Les réfugiés et demandeurs d’asile ont la possibilité de quitter le pays suivant une procédure de « déportation volontaire », mais la sécurité des personnes ayant opté pour cette solution est source de vive inquiétude. Au printemps, trois hommes ayant quitté le pays de leur propre gré auraient été tués en Libye par l’État islamique autoproclamé. 

Le gouvernement a également été accusé de minimiser le danger que représente un retour au pays pour les Érythréens. Le ministre israélien de l’Intérieur, Silvan Shalom, a prétendu que la durée du service militaire en Érythrée était de 18 mois seulement, alors qu’il peut se prolonger plusieurs décennies et s’assortir de travaux forcés, à en croire les Nations Unies et de nombreux groupes de défense des droits de l’homme, poussant nombre d’Érythréens à fuir un régime totalitaire répressif. 

En avril, Israël a commencé à délivrer des ordres de déportation prévoyant le renvoi de personnes vers des pays tiers comme le Rwanda et l’Ouganda, pourtant décrits par de nombreuses personnes expulsées par le passé comme offrant des conditions précaires et peu d’opportunités. En cas de refus, les migrants peuvent être envoyés dans une prison plus stricte.

Ainsi, de nombreux migrants africains en Israël vivent dans la peur. Les trois réfugiés contactés par IRIN ont refusé de s’exprimer publiquement.

D’après Mme Mekamel, la question « se heurte à une vaste incompréhension » en Israël, où les politiciens emploient le terme « infiltrés » pour désigner les réfugiés et prétendent qu’il s’agit de migrants économiques.

Exemple révélateur de ce décalage, de nombreux Israéliens se sont proposés pour accueillir des femmes et des enfants, ignorant que seuls des hommes avaient été détenus.

M. Levi n’a pas vu d’objection à accueillir un étranger de sexe masculin. Il ne se considère pas comme un activiste, mais s’intéresse à la question des réfugiés et des demandeurs d’asile en Israël depuis quelque temps. Alors quand l’appel a été publié, il est allé accueillir Abdallah – un Soudanais de la province en guerre du Darfour – à la gare routière de Jérusalem.

À lire également : Prison ou pauvreté : l’impossible choix des réfugiés expulsés d’Israël

Abdallah - qui travaillait comme cuisinier à Tel-Aviv avant ses 17 mois de détention - est rarement à la maison étant donné qu’il est le plus souvent dehors, à la recherche d’un emploi. Mais M. Levi est content de l’héberger. Selon lui, nous avons perdu un sens de l’accueil et la bonté qui devrait être naturel.

« Ça n’a vraiment rien de compliqué, et ce n’est pas si admirable », a-t-il insisté. « Il s’agit seulement de laisser un homme dormir sur mon canapé. »

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