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Déplacées et négligées, les victimes de la sécheresse en Éthiopie sont désespérées

IDP camp Somali region, Ethiopia James Jeffrey/IRIN

Des cadavres de dromadaires pourrissent aux abords des camps de fortune établis dans la région éthiopienne asséchée de Somali. Leurs propriétaires, des éleveurs autrefois fiers de leur autonomie, font appel à l’aide du gouvernement pour rester en vie.

En Éthiopie, la sécheresse est si grave que les gardiens de troupeaux nomades, les plus endurcis des survivants, sont au bord du gouffre. Ceux qui ont de la chance reçoivent des denrées alimentaires et de l’eau saumâtre, mais la majorité des nomades, qui se sont installés dans des campements improvisés dans les zones les plus reculées, doivent se débrouiller seuls.

« On appelle cette sécheresse la “sima”. Cela veut dire “tout le monde est affecté”. Je n’ai jamais entendu parler d’une sécheresse comme celle-ci, même quand j’étais enfant », a dit Abdu Karim, 82 ans.

Les habitants de la Corne de l’Afrique sont en difficulté après trois années successives presque sans pluie. En Somalie et au Yémen, la famine est une crainte réelle. Si la région isolée du sud de l’Éthiopie a été épargnée par les combats qui ont aggravé la crise qui affecte ses voisins, la sécheresse n’en a pas été moins brutale. « Après avoir perdu la majorité de leur bétail, ils ont aussi dépensé l’argent qu’ils avaient mis de côté pour maintenir en vie les quelques animaux qu’il leur restait », a expliqué Charlie Mason, directeur humanitaire de Save the Children. « Pour ceux qui ont tout perdu, il n’y a plus rien d’autre à faire que de se rendre jusqu’à un site d’assistance mis en place par le gouvernement pour obtenir de la nourriture et de l’eau ».

L’économie de la région repose sur l’élevage. Ici, la perte de bovins, de moutons, de chèvres et de dromadaires aurait coûté plus de 200 millions de dollars aux éleveurs. Elle représente non seulement un manque à gagner, mais les prive aussi de la viande et du lait qui sont le pilier du système de survie des éleveurs.

L’année dernière, plus de 10 millions de personnes ont été affectées par une sécheresse induite par El Niño. Le gouvernement a déboursé la somme inégalée de 700 millions de dollars et la communauté internationale a complété pour atteindre les 1,8 milliard de dollars nécessaires pour répondre à leurs besoins.

Cette année, l’appel de fonds lancé pour venir en aide aux 5,6 millions de personnes affectées par la sécheresse, principalement dans le sud et l’est du pays, s’élève à 948 millions de dollars. À ce jour, seulement 23,7 millions de dollars ont été reçus.

« L’action lancée par le gouvernement l’année dernière était assez remarquable », a dit Edward Brown, directeur de World Vision en Éthiopie. « Nous avons évité la catastrophe. Mais aujourd’hui, les déficits de financement sont plus importants des deux côtés. La capacité des Nations Unies est limitée dans la quête de grands bailleurs de fonds — les États-Unis parlent déjà de réduire l’aide extérieure ».

Sous pression

Le gouvernement dispose d’un programme de protection sociale bien établi : géré par la Banque mondiale, il vient en aide aux personnes qui souffrent d’insécurité alimentaire chronique, généralement avec des projets « argent contre travail ». Mais il ne prend pas en compte les personnes affectées par les catastrophes soudaines, comme la sécheresse actuelle. Celles-ci relèvent d’un nouveau programme distinct, qui peine à recenser toutes les personnes dans le besoin.

La région de Somali compte 58 camps destinés aux personnes déplacées à l’intérieur de leur pays (PDIP) et qui reçoivent une aide gouvernementale. Mais cela ne représente qu’une petite partie des 222 camps qui accueillent près de 400 000 déplacés identifiés au cours d’une étude menée par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ; 44 pour cent de ces camps ont signalé ne pas avoir d’accès à la nourriture et seulement 31 pour cent des sites disposaient d’une source d’eau accessible en 20 minutes de marche.

« Les gens survivaient grâce à ce qu’ils trouvaient à manger ou à vendre, mais il n’y a plus rien », a expliqué un travailleur humanitaire expérimenté, après s’être rendu dans un camp situé à 70 km à l’est de la ville de Dolo Ado, au sud du pays, où 650 familles d’éleveurs déplacés vivaient sans aucune aide. Les seuls animaux encore en vie dans le camp étaient une vache famélique, dont la cage thoracique saillait sous la peau, et son veau nouveau-né. Des personnes trop faibles pour se déplacer ont été signalées dans certains abris.

Des campements de fortune sont apparus dans les endroits où les éleveurs, épuisés, se sont arrêtés. Plus ils sont loin de la capitale régionale, Djidjiga, moins ils ont de chances de recevoir l’aide offerte par le gouvernement. Des tensions opposent en outre le gouvernement fédéral et l’autorité semi-autonome de la région.

Pastoralist IDPs in Ethiopia
James Jeffrey/IRIN
IDPs are falling through the cracks

« Il y a une logique derrière la limitation du nombre de sites d’assistance temporaire —fournir de l’aide à des populations disséminées dans une si grande zone représenterait un immense défi », a dit M. Mason. « Les autorités font de leur mieux. C’est une catastrophe naturelle qui a affecté un grand nombre de personnes dans une zone plus grande que le Royaume-Uni ou la Nouvelle-Zélande, et nous luttons contre la montre pour acheminer suffisamment de nourriture et d’eau potable à suffisamment de gens dans les temps ».

Mais étant données les restrictions de déplacement imposées pour des raisons de sécurité dans la région de Somali, et la crainte bien connue des agences d’aide humanitaire de se mettre à dos le gouvernement, il est très difficile d’évaluer le nombre de personnes qui sont passées entre les mailles du filet et qui ne reçoivent pas d’aide.

Réfugiés et PDIP

Le gouvernement éthiopien fait preuve de plus de transparence à l’égard des réfugiés à qui il vient en aide. Le pays a maintenu sa politique de la porte ouverte et accueille actuellement environ 800 000 réfugiés.

Deux très grands camps ont été installés aux abords de Dolo Ado, où les frontières éthiopienne, kényane et somalienne se rejoignent. Les rangées de toits de tôle ondulée qui étincellent sous le soleil abritent quelque 40 000 Somaliens qui ont fui la crise alimentaire et le conflit qui sévissent dans leur propre pays.

« Je suis venu avec ma famille à cause de la sécheresse et de la peur », a expliqué Hasaam Muhammed Ali, 51 ans. Il est arrivé au camp de Buramino en 2012 avec ses deux femmes et leurs 17 enfants. « Les gens ont des opinions différentes, mais je sais ce qu’il y a là-bas. Je n’y retournerai pas. Peut-être que j’y retournerai si le pays obtient la paix, comme l’Éthiopie ».

Les réfugiés se plaignent de maux de tête et de démangeaisons dus à la chaleur ambiante de 38 à 42 degrés Celsius, et de la réduction récente de leur ration mensuelle de céréales, passée de 16 kilos à 13,5 kilos. Mais ils ont la garantie de recevoir cette ration, ainsi que de l’eau, et de bénéficier de services de santé et d’éducation — qui ne sont pas accessibles aux PDIP hébergées dans un camp établi aux abords de Dolo Ado.

« Nous ne nous opposons pas à l’aide aux réfugiés — il faut les aider, car ils sont confrontés à des problèmes plus importants. Mais nous ressentons de la frustration, car le gouvernement et les ONG ne nous donnent rien », a expliqué Abiyu Alsow, 70 ans, entourée de femmes, d’enfants et de quelques hommes âgés, tous installés près d’abris de fortune en forme de dôme, construits avec des bâtons et des morceaux de tissus. Les maris n’étaient pas là : ils essayaient d’obtenir de l’argent auprès de leurs parents, du travail pour la journée en ville ou de faire du charbon pour leur utilisation personnelle ou pour le vendre.

« Quand les gens traversent les frontières, le monde s’y intéresse davantage », a dit Hamidu Jalleh du Bureau de la coordination de l’aide d’urgence des Nations Unies (OCHA). « En particulier s’ils fuient un conflit, c’est une question encore plus captivante. Mais le sujet des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays ne [génère] pas la même attention ».

À Siti, dans le nord de la région de Somali, les camps de PDIP établis après les sécheresses de 2015 et de 2016 sont toujours pleins. Il faut environ sept à dix ans aux éleveurs pour reconstituer leurs troupeaux après des pertes de plus de 40 pour cent, selon une étude menée par l’Institut international de recherche sur le bétail (ILRI) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). « Les actions humanitaires menées à travers le monde permettent d’aider les gens qui traversent ces crises importantes et d’éviter la perte de vies », a dit M. Mason « Mais le soutien financier n’est pas suffisant pour remettre les gens sur pied ».

Et la crise qui secoue l’Éthiopie est loin d’être finie. Les principales pluies de printemps (Gu/Ganna) ont enfin commencé dans certaines parties de la région de Somali, mais elles sont arrivées avec un mois de retard. Selon les prévisions, elles seront inférieures à la moyenne et ne régénèreront pas suffisamment les pâturages pour que les éleveurs, qui ont tant perdu, reconstruisent leur vie.

jj/oa/ag-mg/ld

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