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Le MOAS navigue en eaux troubles en Asie du Sud-Est

A ship run by the Migrant Offshore Aid Station rescues people attempting to enter Europe by boat on the Mediterranean Sea in 2014 MOAS
Un bateau de la Migrant Offshore Aid Station secoure des migrants tentant d’atteindre l’Europe par bateau, en Méditerranée en 2014
Après avoir passé l’été à secourir des migrants en Méditerranée, le navire – propriété d’un millionnaire américain - de l’ONG MOAS (Migrant Offshore Aid Station, que l’on pourrait traduire par « base embarquée d’aide aux migrants ») projette de renouveler l’opération en Asie du Sud-Est. Mais il pourrait naviguer en eaux troubles, dans cette région où la réglementation en matière de droit des migrants et des réfugiés est plus sévère et moins transparente qu’en Europe.

Tout d’abord, l’équipage du MOAS est confronté à un dilemme qui ne se posait pas en Europe : où débarquer les personnes qu’ils retrouvent dérivant en mer sur des embarcations de fortune ? Contrairement aux pays européens, la plupart des nations du Sud-Est asiatique n’ont pas ratifié la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, qui donne à ces derniers le droit de demander l’asile.

La réticence de la Thaïlande, de la Malaisie et de l’Indonésie à permettre aux réfugiés et aux migrants de débarquer sur leur territoire n’est plus un secret depuis que les trois pays ont abandonné plusieurs milliers de personnes à leur sort en mer plus tôt cette année. Il s’agissait de Bangladais fuyant la pauvreté et de Rohingyas, une minorité musulmane victime d’apartheid dans l’ouest du Myanmar.

Voir : Glimmer of hope for Southeast Asia’s migrants (Une lueur d’espoir pour les migrants du Sud-Est asiatique) 

Alors qu’elles enquêtaient sur des réseaux de traite et de trafic d’êtres humains début 2015, les autorités thaïlandaises et malaisiennes ont découvert des prisons au beau milieu de la jungle, le long de leur frontière commune, que jouxtaient des tombes contenant les corps des victimes de trafiquants. De peur d’être arrêtés en vertu des mesures de coercition mises en place suite à cette découverte, les passeurs et les trafiquants d’êtres humains ont abandonné leurs bateaux en laissant au moins 5 000 réfugiés à la dérive, d’après l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

En mai, après avoir commencé par repousser les bateaux en dehors de leurs eaux territoriales, la Malaisie et l’Indonésie ont finalement cédé à la pression internationale et accepté d’accueillir une partie des réfugiés et migrants échoués - mais à l’unique condition qu’ils soient réinstallés dans un autre pays sous un an.

Voir : Lucky escape for Rohingya boys who take the bait (Coup de chance pour les jeunes Rohingyas ayant mordu à l’hameçon) 

La situation est tout autre en Europe, où les migrants secourus en Méditerranée sont immédiatement conduits dans des centres où ils peuvent recevoir une attention médicale et enregistrer leur demande d’asile.

Nulle part où débarquer

On ignore à quel endroit le MOAS prévoit de débarquer les personnes qu’il secoure dans le golfe du Bengale ou la mer d’Andaman. Le porte-parole de l’ONG, Chris Peregin, a refusé de répondre à cette question et n’a pas donné suite à notre second courriel.

« Nous tentons actuellement de prendre contact avec toutes les parties prenantes dans la région pour discuter de la voie à suivre », a dit M. Peregin, en ajoutant qu’« aucune autre information ne [pouvait] être rendue publique à ce stade ».

Environ 11 500 personnes ont été secourues par le MOAS en Méditerranée, selon l’organisation. Cette initiative basée à Malte est née de la volonté de Christopher Catrambone, l’entrepreneur américain à la tête du groupe Tangiers qui prospère en assurant des personnes travaillant en zones de conflit.

« Il est tout bonnement impossible de reproduire ici l’intervention menée en Méditerranée », a averti Chris Lewa, la directrice du Projet Arakan de défense des droits des Rohingyas. « Aucun pays n’autorise le débarquement. »

Si le MOAS tente de débarquer des migrants, son équipage pourrait encourir des sanctions juridiques, d’après Mme Lewa.

« Aucun navire transportant des migrants et des réfugiés ne peut pénétrer les eaux territoriales sans autorisation : ils pourraient être arrêtés pour trafic d’êtres humains », a-t-elle ajouté.

Les représentants du MOAS prévoient de rencontrer des agences d’aide humanitaire [aujourd’hui] à Bangkok, la capitale thaïlandaise, pour discuter de leurs plans.

La fin d’une migration de masse ?

Le MOAS trouvera-t-il des personnes à secourir ? Là encore, la mission est rendue difficile par la situation actuelle en Asie du Sud-Est.

« Une fois que les pluies de mousson se seront calmées, on s’attend à ce que plusieurs dizaines de milliers de Rohingyas - entre autres – reprennent leurs périlleuses traversées maritimes », a dit M. Catrambone dans un communiqué du 23 septembre annonçant son intention d’élargir la mission du MOAS.

La saison des moussons touche à sa fin. Ces dernières années, la météo ensoleillée s’est accompagnée d’une migration maritime de masse au départ des côtes de l’État de Rakhine, au Myanmar, et du sud du Bangladesh. D’après le HCR, plus de 94 000 personnes ont fui ces régions par la mer depuis janvier 2014.

Rien n’indique le début d’une migration de masse pour le moment, contrairement à l’année dernière où le phénomène était déjà observable à la même époque, a dit Jeff Labovitz, chef de mission auprès de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en Thaïlande.

« Je crois qu’à un moment donné, les gens vont à nouveau tenter de prendre la mer », a-t-il dit. « Je ne crois pas que ça ait cessé, mais je doute que nous assistions à l’afflux massif observé ces deux dernières années en particulier. »

La donne a changé cette année avec les mesures de coercition ayant marginalisé les passeurs et les trafiquants d’êtres humains, pour le moment du moins. Au-delà de ça - et du fait que les pays de la région ne soient pas signataires de la Convention sur le statut des réfugiés - d’autres aspects différencient ces schémas de migration de la situation en Méditerranée.

Les distances à parcourir en mer sont bien plus importantes en Asie du Sud-Est. Il n’existe pas d’« étape » comme la Libye, où les migrants peuvent gagner de l’argent pour financer leur voyage. Et le phénomène n’explose pas, contrairement en l’Europe où une foule de personnes cherche à fuir la guerre en Syrie.

Un autre élément clé susceptible de réduire les mouvements migratoires au départ du Bangladesh est l’accord en cours de négociation avec la Malaisie, qui accepterait d’accueillir un demi-million de migrants bangladais par an pendant trois ans.

« Ces personnes n’auraient plus besoin de prendre la mer », a dit M. Labovitz de l’OIM. « Je pense que c’est très positif. »

Le Myanmar, en revanche, reste un électron libre. Le résultat des élections qui se tiendront le mois prochain pourrait être un facteur incitatif pour les Rohingyas. Alors qu’ils bénéficiaient du droit de vote aux précédentes élections, ils en ont été privés cette année.

Voir : When Myanmar votes, Rohingya must stay home (Lorsque le Myanmar vote, les Rohingyas doivent rester chez eux) 

Il fait peu de doute que les partis nationalistes d’ethnie rakhine remporteront les élections dans l’État de Rhakine. Ça pourrait être une mauvaise nouvelle pour les Rohingyas, qui sont près de 140 000 à vivre en camps depuis qu’une foule de bouddhistes les a contraints au déplacement lors de deux épisodes de violence sectaire en 2012.

« Ces élections sont un évènement d’une grande importance, susceptible d’entraîner une migration massive de Rohingyas », a dit Mme Lewa.

jf/ag-xq/amz 

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