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Terreur et haine en Israël et en Palestine

Riot police of the Palestinian Authority block access to the Bethlehem checkpoint during Land Day demonstrations on March 30, 2012 Ryan Rodrick Beiler/Shutterstock.com
Après les frappes aériennes israéliennes sur Gaza, qui ont fait des douzaines de morts, et l’appel au calme du Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, qui a dénoncé une situation « sur le fil du rasoir », la tension monte entre les Palestiniens et les Israéliens.

Certains travailleurs palestiniens affirment avoir été licenciés sans préavis, dans une atmosphère de haine et de peur qui empêchent beaucoup de personnes de se rendre à leur travail, de prendre les transports en commun ou même de quitter leur domicile.

Récemment, Sami, un Palestinien de Jérusalem-Est âgé d’une vingtaine d’années, a reçu un appel du magasin juif de Jérusalem-Ouest où il travaille depuis plusieurs années.

« Ils… m’ont dit de ne pas venir, car j’étais arabe. Je n’ai plus de travail depuis deux semaines », a déclaré Sami, qui vit avec ses parents, plusieurs de ses frères et sœurs et ses deux fillettes dans un appartement exigu. De la même manière, Mohammad, 16 ans, a appris que le restaurant dans lequel il travaillait à Tel-Aviv n’avait plus besoin de lui.

Depuis l’enlèvement de trois adolescents israéliens il y a quelques semaines, les relations entre Arabes et Israéliens dans la ville sont de plus en plus conflictuelles. Les adolescents avaient été retrouvés morts la semaine dernière, près de la ville d’Hébron en Cisjordanie, ce qui a entraîné quelques jours plus tard le meurtre d’un adolescent, soi-disant en représailles.

Dans les jours qui ont suivi, un Palestinien de 16 ans, Mohammed Abou Khdeir, a été attaqué et tué par des colons juifs d’extrême droite ; il aurait été brûlé vif. Le 8 juillet, en réaction à la tournure des événements et aux tirs de roquette en provenance de l’autre côté de la frontière, le gouvernement israélien a commencé à bombarder plusieurs centaines de cibles dans l’enclave de Gaza.

La colère monte des deux côtés ; des groupes d’habitants juifs attaquent les communautés arabes et les Palestiniens manifestent et lancent parfois des attaques, eux aussi. À Jérusalem, des foules d’Israéliens qui scandaient « mort aux Arabes » ont tenté de pénétrer dans les quartiers palestiniens. Des affiches, sur lesquelles on peut lire : « assez de paroles, nous réclamons vengeance », ont été collées dans toute la ville à l’adresse du gouvernement israélien.

Étant donné ce qui se passe depuis deux ou trois semaines, il est probable que la situation en Cisjordanie devienne de plus en plus explosive
Oscillant entre l’arabe et l’hébreu qu’il parle presque couramment, Sami a indiqué que beaucoup d’amis israéliens lui téléphonent pour prendre de ses nouvelles, mais que sa famille et d’autres Palestiniens vivent dans la peur d’une attaque de groupes d’extrême droite.

« Les Arabes ne se rendent plus dans le centre-ville depuis que tout ça a commencé », a-t-il dit, en fumant une cigarette et en consultant son téléphone pour voir les dernières informations ou les éventuels appels à l’aide de ses amis. Sur l’écran de son téléphone défilaient des photos de Mohammed Abou Khdeir, le jeune sauvagement assassiné, ainsi que des vidéos des dernières nouvelles. « Nous ne laissons pas nos enfants sortir, même si c’est ramadan », a-t-il déclaré.

Selon Yezid Sayigh, associé principal du Carnegie Middle East Center (un groupe de réflexion du Moyen Orient), cela fait des années que la situation n’a pas été aussi explosive. « Il y a un climat très polarisé à Jérusalem et en Cisjordanie », a-t-il dit. « Étant donné ce qui se passe depuis deux ou trois semaines, il est probable que la situation en Cisjordanie devienne de plus en plus explosive », a-t-il ajouté.

Il est difficile d’évaluer le nombre de personnes licenciées, car il faut distinguer la désinformation des véritables informations qui font le tour des réseaux sociaux. D’après un document largement diffusé, une grande chaîne de supermarchés aurait renvoyé tous ses employés palestiniens. Rami Levy, le propriétaire de la chaîne du même nom, a vigoureusement contesté l’authenticité du document. « Nous employons des gens sans tenir compte de leur nationalité. Ceux qui disent le contraire sont des menteurs. C’est tout simplement faux », a-t-il déclaré à IRIN.

Ala Khatib, directeur général de Kav LaOved (ligne d’appel pour les travailleurs), une organisation qui protège les droits des travailleurs en Israël, a déclaré qu’il n’avait pas encore eu directement affaire à des employés licenciés en raison de leur nationalité, mais qu’il s’agissait d’une préoccupation majeure. Le 7 juillet, l’organisation a publié un communiqué qui condamne tout acte de ce type : « Le degré de haine est... évident sur le marché du travail israélien. Nous avons été témoins de reportages médias [sic] de travailleurs arabes qui sont persécutés ou attaqués en Cisjordanie et en Israël, parfois par une foule déchaînée, du simple fait de leur origine ethnique, ainsi que d’un appel à agir en licenciant ‘au moins’ les travailleurs arabes ».

Dans la bande de Gaza, où les trois jours de bombardements ont fait au moins 66 morts, ceux qui avaient un travail l’ont perdu.

Issa, âgé de 33 ans et père de trois enfants, enseigne dans une école locale. Il n’a pas été payé depuis plusieurs mois à cause de la crise budgétaire, qui a frappé le gouvernement du Hamas après le renversement du gouvernement égyptien dirigé par les Frères musulmans, qui soutenait le parti islamiste palestinien. Depuis les dernières attaques, sa famille vit cloîtrée et il n’y a plus de travail.

« Nous n’en sommes pas à nos premières attaques israéliennes à Gaza, mais il y a toujours la crainte que le pire reste à venir pour nos familles et nos proches, et pour la bande de Gaza en général », a déclaré Issa. « Nous rompons le jeûne sous les bombardements, ici et là, et nous entamons le jeûne à l’aube sous les bombardements, ici et là. Comment cela va-t-il finir cette fois, Dieu seul le sait ».

Montée de la peur en Israël

Au sein de la communauté israélienne aussi, la peur monte. Entre deux sanglots, Ayelet, une jeune mère de la ville d’Omer, située près de la frontière avec la Cisjordanie, explique qu’elle est terrorisée à l’idée que ses deux jeunes enfants puissent être blessés. Le week-end dernier, un groupe de Palestiniens a manifesté non loin de son domicile.

« [Ils] avaient le visage masqué et lançaient [des cocktails Molotov] sur des voitures qui passaient dans le quartier », a-t-elle dit, ajoutant qu’elle pourrait envisager de déménager. « J’en ai assez. Il n’y a pas de sécurité à Omer, il n’y en a jamais eu. Chaque fois que [les Palestiniens] s’estiment lésés, ils manifestent violemment... Pourquoi est-ce que le gouvernement ne fait rien ? »

Le porte-parole de la police israélienne, Micky Rosenfeld, a déclaré que des unités supplémentaires ont été mobilisées à Jérusalem, afin de prévenir et d’endiguer « les troubles et le climat d’insécurité général, notamment les [conflits] éventuels entre Juifs et Arabes ».

« La police israélienne intervient pour mettre fin aux violences qui ont éclaté depuis le début du ramadan [le 29 juin] et les funérailles [de Mohammed Abou Khdeir]. Il y a des troubles dans différents quartiers arabes... à cause de centaines de Palestiniens masqués, et la police israélienne doit maintenir l’ordre, car les tensions sont vives. »

Vers une escalade ou un apaisement du conflit ?

L’évolution du conflit demeure incertaine. Daniel Levy, directeur du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient au Conseil européen des relations internationales, et ancien conseiller du gouvernement israélien, affirme que, s’il espère un apaisement des violences dans les prochains jours, il est difficile de le prévoir avec exactitude à cause du climat de division actuel.

« Nous sommes encore dans une spirale d’escalade, plutôt que l’inverse... Cela pourrait s’aggraver considérablement, mais je pense que c’est une question de jours plutôt que de semaines [avant que le calme ne revienne]. Mais je crains que cela ne dégénère rapidement si un événement grave comme [l’assassinat de Mohammed Abou Khdeir ou des adolescents israéliens] survient dans une période d’agitation extrême comme celle-ci. »

Selon M. Sayegh, du Carnegie, durant les dernières frappes aériennes israéliennes sur Gaza en 2012, le calme était resté à Jérusalem-Est et dans la bande de Gaza occupée par Israël, mais cette crise entre les deux territoires met les forces israéliennes à rude épreuve. « Il y a un climat de confrontation à un moment de grande frustration chez les Palestiniens, car le processus de paix est au point mort. »

Pourtant, selon M. Levy, même s’il y a eu de vifs échanges entre le gouvernement israélien et l’Autorité palestinienne, et même si le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a ordonné à l’armée d’intensifier son offensive sur Gaza, aucun camp ne se prépare vraiment à un conflit prolongé. « Je crois qu’aucun des camps n’a de stratégie à long terme selon laquelle un affrontement persistant serait favorable pour lui », a-t-il déclaré.

Quoi qu’il en soit, s’ils sont nombreux à refuser de se plier à l’extrémisme des deux camps ennemis, les troubles actuels empoisonnent jusqu’aux principes fondamentaux de la coexistence, même fragile, qui régnait. À Jérusalem-Est, où les soldats étaient déployés d’un côté de la rue, faisant face à des habitants révoltés lors d’une confrontation nocturne, certains pensent que quelque chose a changé à tout jamais.

Ehab Nashibi, qui vit dans le quartier, a vu sa fille adolescente se retrouver au milieu des affrontements avec l’armée. Il reste désormais chez lui pour veiller sur sa famille.

« Je ne peux aller nulle part, je ne me sens pas du tout en sécurité chez moi... les [colons] nous ont toujours causé des problèmes. Ils nous jetaient des choses, maintenant ils passent devant chez moi et nous lancent des insultes », a-t-il expliqué. « Je n’ai jamais rien eu contre les Juifs et j’ai inculqué cela à mes enfants. Honnêtement, je suis maintenant en train de changer d’avis. »

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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