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La peur persiste chez les PDIP du Soudan du Sud

Two women sit at the UNMISS base in Rumbek, Lakes State, South Sudan. 18 February 2014 Jessica Hatcher/IRIN
Les 101 personnes terrées dans les deux grandes tentes et le bloc sanitaire de la base des Nations unies de Rumbek, au Soudan du Sud, forment l’un des plus petits groupes de civils désormais sous protection des Casques bleus, mais leurs conditions de vie et leurs peurs sont représentatives de celles des quelque 75 000 personnes vivant dans des bases du même type à travers tout le pays.

« Nous n’avions jamais connu ça », a dit Rejoice Chan, qui travaille comme responsable du relèvement, de la réintégration et de la consolidation de la paix auprès de la mission des Nations unies au Soudan du Sud (MINUSS).

Une dizaine de camions et de véhicules blindés de transport de troupes forment un mur de trois mètres de haut à l’une des extrémités du camp. À deux reprises, les PDIP ont été la cible de jets de pierre de la part de la communauté d’accueil. Les camions servent de barrière et ont un effet dissuasif. « Ils pensent qu’il y a quelqu’un à l’intérieur », a dit un habitant du camp.

Ici, les Nations unies font ce qu’elles peuvent – offrir une protection, un abri, une assistance médicale limitée et des conseils aux PDIP, et coordonner l’aide – mais il ne s’agit pas d’une solution permanente. « Nous ne sommes pas une organisation humanitaire, nous sommes là pour le maintien de la paix », a dit Mme Chan.

Pour Klaus Steiglitz, vice-président de Sign of Hope – une organisation humanitaire internationale – ce conflit revient à tirer sur le fil dont est fait le tissu social du pays. « Depuis l’éclatement du conflit, l’entente entre tribus que l’on observait en ville a fait place à la discorde », a-t-il dit.

Les étudiants d’ethnie nuer ayant choisi d’étudier à Rumbek ne se sentent désormais en sécurité qu’avec la protection des Nations unies dans cette ville majoritairement dinka.

Lorsque la crise a commencé, certaines des PDIP de Rumbek travaillaient comme policiers à la frontière avec l’État de Warab, majoritairement dinka lui aussi. David Kiuch en fait partie. Il raconte avoir été désarmé par ses supérieurs au motif de son appartenance ethnique. Lorsqu’une dispute a éclaté entre des membres des deux ethnies et que ceux qui étaient encore armés ont abattu trois personnes, M. Kiuch a fui avec les autres Nuer. Les autorités les ont rattrapés et les ont remis à la police de Rumbek qui les a ramenés ici, rapporte-t-il.

Mary Nyataba, 28 ans, une Nuer originaire de Bentiu, traversait l’État des Lacs à bord d’un bus lorsque la crise a éclaté. Elle est aussitôt descendue du véhicule et a demandé à un motard de la conduire à la base de la MINUSS la plus proche. « Je ne connais personne ici à Rumbek », a-t-elle dit.

L’insécurité et la peur ont irradié à travers tout le pays, divisant les deux plus grands groupes ethniques du Soudan du Sud. Le 18 décembre, plus de 100 Nuer sont arrivés à la base de la MINUSS à Rumbek. Ils avaient appris que les Nations unies garantiraient leur sécurité. En application de son mandat de protection des civils, la MINUSS les a laissés entrer.

Une forte prévalence de diarrhée

Deux mois plus tard, la grande majorité s’y trouve encore. Avec l’arrivée prévue de nouveaux soldats de maintien de la paix, l’espace vient à manquer. L’assainissement pose problème : il n’y a pas de lave-mains à la sortie des latrines et les médecins de la MINUSS se plaignent d’une forte prévalence de diarrhée. De nombreux habitants disent ne pas avoir de moustiquaire. Avec deux grandes tentes seulement, l’une pour les hommes et l’autre pour les femmes, nombreuses sont les personnes contraintes de dormir à l’extérieur. Les réserves de charbon et de bois de chauffage sont limitées.

« La situation est plus chaotique à Juba qu’ici [...] bien qu’il n’y ait rien du tout ici »
Le Programme alimentaire mondial procède actuellement à des distributions de nourriture. L’organisation a jugé qu’il s’agissait d’une situation d’urgence, ce qui signifie que leur aide ne pourra se prolonger au-delà de trois mois, nous a révélé un fonctionnaire des Nations unies à Rumbek. Les organisateurs du camp ignorent ce qu’il adviendra au-delà de cette période. « La MINUSS n’est pas en position de pourvoir aux besoins », a dit Mme Chan.

La situation est intenable, mais les solutions ne sont pas évidentes. Quarante-neuf personnes ont demandé à retourner à Bentiu.

Nyakuma Wuor, 24 ans, ressent le poids du confinement, après deux mois passés dans cette enceinte de 100 m2. Elle aimerait pouvoir rentrer à Bentiu, bien qu’on y signale des affrontements. Elle n’a plus de nouvelles de son mari depuis le début de la crise, mais pense que son enfant de six ans se trouve à Bentiu avec sa grand-mère. « Il nous faut des écoles », a-t-elle dit. « J’en ai assez de cette situation. On se sent reclus et on s’ennuie à force de rester au même endroit. Je ne me sens pas bien ou heureuse du tout. »

« À Juba, c’est pire qu’ici. »

Plus de 20 personnes ont demandé à être conduites à Juba, une initiative à laquelle se sont fermement opposés les fonctionnaires de la MINUSS. Les deux bases militaires de la capitale abritent actuellement 30 000 personnes. Les conditions sont désastreuses et la saison des pluies, en avril, approche à grands pas. « La situation est plus chaotique à Juba qu’ici. À Juba c’est encore pire, bien qu’il n’y ait rien du tout ici », a dit Mme Chan.

Le gouverneur de l’État des Lacs a tenté de rassurer les Nuer quant à leur sécurité, rapportent les membres locaux du comité du camp de PDIP. Mais selon les habitants, son discours ne reflète pas la réalité sur le terrain. Samuel Lam, un représentant des PDIP de Rumbek, a dit qu’une femme s’était fait ligoter à une chaise au marché central rien que pour avoir parlé le nuer. Des civils ont appelé la police, elle s’est fait arrêter et a subi un interrogatoire d’une heure. Depuis, tous les habitants du camp qui se rendent en ville – que ce soit pour moudre du maïs ou se procurer des biens de première nécessité – le font sous escorte de la Non-violent Peace Force, une organisation américaine de consolidation de la paix.

Ça fonctionne bien, d’après M. Lam, étudiant en première année d’économie à l’université de Rumbek. Les cours ont repris mi-février, mais il n’est pas prêt à y retourner. Pour l’instant, il s’occupe en donnant des cours à des étudiants plus jeunes que lui. Il place ses espoirs dans les pourparlers de paix d’Addis Abeba. « Le pays se trouve face à un dilemme », a-t-il dit.

Affrontements

Dans tout le pays, des dizaines de milliers de personnes attendent, recluses dans des bases, et la tension monte. En janvier, le Secrétaire général adjoint des Nations unies aux droits de l’homme, Ivan Simonovic, a jugé « sans précédent » une telle ouverture des bases des Nations unies à des personnes dans le besoin. Pour l’heure, elles abritent environ 75 000 civils à l’échelle nationale.

Les bases où cohabitent des membres de plusieurs ethnies doivent faire face aux affrontements interethniques. À Malakal, les Nations unies ont fait état d’affrontements dans un camp abritant 21 568 personnes. Tandis que les combats faisaient rage à l’extérieur de la base, les tensions atteignaient un niveau critique à l’intérieur. « Simultanément, des affrontements intercommunautaires ont éclaté dans l’enceinte du site de protection des civils […] également pris entre les tirs croisés », signale un rapport de la MINUSS.

Les troupes de la MINUSS et les unités de police constituées ont pu maîtriser la situation, mais le bilan des pertes humaines est élevé. Dix personnes sont décédées à l’hôpital de la MINUSS, à la suite de blessures reçues aussi bien à l’intérieur du camp que dans les affrontements survenus dans la zone de protection des civils. « Les affrontements à l’extérieur du camp ont contraint les troupes de la MINUSS à employer leurs efforts à protéger le périmètre du camp contre cette menace externe. Les violences ont ensuite de nouveau éclaté dans la zone de protection des civils à l’intérieur du camp de la MINUSS », indique la déclaration de la mission.

L’évacuation aérienne des bases des Nations unies n’est pas envisageable tant que les civils ne sont pas confrontés à une menace imminente, explique Mme Chan. Les PDIP de Rumbek ont demandé leur relocalisation au gouvernement. « Cette requête a été rejetée par le gouvernement, car [l’État des] Lacs est calme », semblerait-il. Calme ou pas, la peur et le ressenti d’une menace sont incontestables.

Les Nations unies appellent toutes les parties à respecter l’accord de cessez-le-feu. Dans tout le Soudan du Sud, 872 900 personnes ont été déplacées, selon le bulletin de mise à jour du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies en date du 17 février. Le plan de réponse à la crise n’est financé qu’à hauteur de 18,5 pour cent - 1,04 milliard reste encore à réunir. Le début de la saison des pluies est prévu dans moins de deux mois. Il devient urgent de décider du sort des personnes réfugiées dans les bases des Nations unies.

jh/cb-xq/ld


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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