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La Grèce fait-elle bien de réfréner le bénévolat ?

Salam Aldeen of volunteer group Team Humanity helps refugees disembark from a boat arriving on the Greek island of Lesvos Jodi Hilton/IRIN
La semaine dernière, cinq jeunes bénévoles européens ont été arrêtés sur l'île grecque de Lesbos, puis accusés de trafic de clandestins. Doit-on y voir un excès de zèle répressif à l'égard de groupes ne demandant qu'à aider, ou une tentative de juguler un effort de sauvetage amateur aux airs de dangereux n'importe quoi ?

Salam Aldeen, le Danois à la tête du groupe de bénévoles Team Humanity, faisait partie des personnes arrêtées. M. Aldeen est arrivé à Lesbos le 8 septembre, six jours après que le corps du petit Alan Kurdi, trois ans, eut échoué sur une plage turque. Capté par l'objectif d'un photographe, ce drame a marqué un tournant dans la crise des migrants et s’est accompagné d’un vaste élan mondial d'empathie pour les réfugiés et d’un afflux de bénévoles et d'ONG sur les îles grecques.

Des bénévoles venus aider les enfants et les vieillards à débarquer de leurs bateaux pneumatiques, les réchauffer à l'aide de couvertures thermiques, leur distribuer de l'eau et de la nourriture. Mais beaucoup d'entre eux ne se sont pas enregistrés officiellement auprès des autorités locales, laissant craindre que certains n'aient ni les qualifications ni la formation nécessaires pour agir en qualité de premiers intervenants.

Voir : L’effet bénévole

Au départ, la mission de M. Aldeen et des autres bénévoles de la Team Humanity consistait essentiellement à guetter les bateaux, à les aider à accoster sans encombre, et à escorter leurs passagers depuis les plages jusqu'aux camps. Malgré l'arrivée de l'hiver et de conditions autrement plus dangereuses, les migrants continuaient de tenter la traversée depuis la Turquie. Team Humanity a levé 30 000 euros de dons pour l'achat d'un bateau de sauvetage, afin de patrouiller la côte de Lesbos et venir en aide aux embarcations en détresse.

« Nous avons secouru pas moins de 700 personnes », a précisé à IRIN le porte-parole du groupe, Ayman El Ghiouane.

Appel de détresse

Jeudi, M. Aldeen et son coéquipier Mohammad Abbassi ont capté l'appel d'un bateau en détresse. M. Aldeen en a averti les gardes-côtes grecs, qui ont dit ne pas pouvoir intervenir faute d’en connaître les coordonnées.

Les bénévoles de la Team Humanity ont alors pris la mer à la recherche de l'embarcation en train de couler. Ils ont été interceptés par les gardes-côtes avant d'avoir pu la localiser, puis arrêtés pour trafic de clandestins présumé.

Après un séjour de trois jours dans la cellule surpeuplée d'une prison de Mytilène, les bénévoles ont finalement été remis en liberté moyennant 5 000 euros de caution chacun, à l'exception de M. Aldeen dont la caution s'élevait à 10 000 euros. Il est aujourd'hui tenu de se présenter à la police une fois par semaine jusqu'à la tenue du procès, qui pourrait n'avoir lieu que dans quelques mois.

Un cas loin d’être isolé

Le jour de l'arrestation de M. Aldeen et de son équipe, trois secouristes espagnols ont également été appréhendés et mis en prison sur la base d'accusations analogues.

« Cela s'inscrit dans le cadre d'une recrudescence des incidents impliquant une action policière à l'encontre des bénévoles en Grèce », a fait remarquer Peter Bouckaert de Human Rights Watch dans un communiqué vendredi.

Plus tôt ce mois-ci, la police grecque et Frontex - l'agence européenne de surveillance des frontières - ont commencé à mener des contrôles aléatoires visant les ONG et les bénévoles présents sur les îles grecques, afin de vérifier leur inscription auprès des autorités municipales et leur affiliation à une ONG enregistrée. Cette volonté de « restaurer un sentiment de sécurité » intervient alors qu'il a été signalé que des individus se faisaient passer pour des réfugiés pour subtiliser leurs affaires ou les bateaux utilisés par les migrants pour rejoindre les îles.

Le 11 janvier, sept bénévoles travaillant à Lesbos ont été arrêtés pour le vol de gilets de sauvetage dans une décharge municipale. Ils ont affirmé à la police qu'ils projetaient d'en faire des matelas pour les migrants, qui passent bien souvent la nuit sous la tente, directement à même le sol glacé.

Alison Thompson est une infirmière australienne jouissant d'une grande expérience du bénévolat en de nombreux endroits du globe, dont Lesbos. D'après elle, la police a récemment commencé à interdire l'usage de balises lumineuses pour aider les migrants à diriger leurs bateaux sans danger. Même les feux de camp et les petites lampes solaires sont désormais interdits, a-t-elle dit à IRIN.

Trouver le bon équilibre

« Les autorités grecques ont le droit de faire appliquer la loi grecque et d'exiger du professionnalisme – il est important que les personnes accomplissant des travaux dangereux tels que des missions d'assistance médicale ou de sauvetage en pleine mer soient qualifiées et dûment formées », a dit M. Bouckaert. « Mais le travail accompli par les bénévoles sur les îles grecques est d'une importance capitale et permet de sauver des vies. »

Plus tôt le jour de leur arrestation, les bénévoles de la Team Humanity avaient été approchés par les gardes-côtes alors qu'ils secouraient les passagers d'un bateau en train de couler, notamment un enfant présentant des symptômes d'hypothermie. Après avoir constaté que tout était en ordre, les gardes-côtes ont poursuivi leur route.

« Le médecin des gardes-côtes nous a dit plus tard que si nous n'étions pas intervenus, ces personnes seraient mortes. L'enfant serait mort d'hypothermie, ça ne fait aucun doute », a dit M. Aleen.

« De nombreuses personnes vont mourir désormais.»

Un porte-parole de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à Lesbos a défendu l'action des bénévoles sur l'île : « L'incroyable générosité des bénévoles et groupes de bénévoles fait partie intégrante de l'aide aux réfugiés ».

Répondant aux questions d'IRIN, Aikaterini Kitidi a ajouté que les interventions policières « devaient être dûment justifiées et proportionnées, et effectuées dans le respect des droits des personnes concernées».

Plus de 850 000 personnes ont effectué la traversée en bateau entre la Turquie et la Grèce depuis 2015. Près de 60 pour cent des embarcations arrivent par Lesbos, qui a accueilli pas moins de 6 000 migrants et réfugiés par jour au plus fort du mouvement en octobre. Malgré l'hiver, le nombre d'arrivants reste élevé : plus de 30 000 migrants et réfugiés ont pris la mer direction la Grèce rien que pour les deux premières semaines de 2016. Depuis le début de l'année, 77 personnes sont décédées en tentant la périlleuse traversée hivernale.

jh/ks/ag-xq/amz
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