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La guerre oubliée de la RDC

FARDC soldiers on the Kanyaruchinya frontline on the outskirts of the eastern DRC city of Goma (August 2013) Guy Oliver/IRIN
Malgré le décès de son principal commandant, Paul Sadala, mieux connu sous le nom de « Morgan », il y a plus d’un an, la milice Simba continue de semer le chaos à Mambasa, un vaste territoire de plus de 35 000 kilomètres carrés situé dans la province d’Ituri, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).

Dans la nuit du 5 au 6 décembre, des miliciens armés ont attaqué deux installations minières situées entre les villes de Niania et d’Isiro.

Pendant l’attaque, 47 personnes ont été kidnappées, une femme a été violée par neuf assaillants et des marchandises de valeur ont été emportées dans la forêt. Il ne s’agit là que d’un incident parmi plusieurs autres survenus en décembre. Quelque 40 autres civils, des femmes, pour la plupart, ont également été kidnappés par la milice Simba dans la région minière de Bakaiko.

« Nous n’avons aucune nouvelle de ces otages », a dit à IRIN Alfred Bongwalanga, administrateur du territoire de Mambasa.

Les violences ne semblent pas près de cesser dans la région, qui compte quelque 500 000 habitants. À la mi-décembre, les miliciens Simba ont distribué des dépliants dans lesquels ils menaçaient d’attaquer deux autres localités : Mabukusi et Epulu.

« Les services de sécurité ont récupéré des dépliants dans plusieurs villages », a dit M. Bongwalanga à Radio Okapi. « C’est exactement ce qui s’était produit à Mabukusi. Ils nous avertissent avant de mener l’assaut », a-t-il dit, faisant référence à une attaque perpétrée contre ce village en novembre.

Une milice prospère

D’après le président de la société civile de Mambasa, Kiski Maulana, des centaines de civils – des femmes, pour la plupart – ont été enlevées dans le cadre d’attaques perpétrées par la milice Simba dans l’ensemble de la province d’Ituri au cours de la dernière année. Nombre de ces femmes ont aussi été violées. La milice incendie également les foyers des habitants, les forçant du même coup à partir.

« Depuis la mort de Morgan (en avril 2014), deux autres chefs ont pris les commandes du groupe. Il s’agit de Manu et de Mangaribi, des proches alliés de l’ancien chef rebelle », a dit M. Maulana. « La milice Simba demeurera active tant que ces deux leaders ne seront pas appréhendés. »

Le terme « milice Simba » est large utilisé pour faire référence aux divers groupes Maï-Maï qui opèrent dans la région. On ignore le nombre de combattants que comptent ces groupes. Selon M. Bongwalanga, ils sont particulièrement actifs à Bakaiko, une région isolée située à l’intersection des territoires de Mambasa, de Béni et de Lubero.

« Ils encerclent les régions minières et les villages. Ils tuent un certain nombre de civils, en kidnappent d’autres, violent les femmes et volent les marchandises de valeurs, comme les minerais », a-t-il dit.
Wasukundi Makeom, un journaliste local de Mazingira, une chaîne de télévision et de radio communautaire, a dit à IRIN que les membres de la milice Simba étaient de simples criminels et qu’ils n’avaient pas de desseins politiques particuliers.

M. Maulana est du même avis. « Ils n’ont pas d’idéologie claire », a-t-il dit. « Tout ce qu’ils font, c’est saboter les efforts de l’Okapi Wildlife Reserve (un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO qui occupe environ un cinquième de la forêt d’Ituri). Ce sont simplement des criminels qui sont impliqués dans le vol et le trafic de ressources naturelles, notamment les minerais et le bois. Ils n’ont aucun désir de contrôler un jour Mambasa. »

« Et pour obtenir des armes, ils attaquent les soldats congolais qui ont pour mission de protéger certaines installations minières ainsi que l’Okapi Wildlife Reserve », a ajouté M. Bongwalanga. « Il semble qu’ils s’en sortent plutôt bien, car il y a maintenant moins de soldats sur ces sites. »

Du malheur d’être une femme à Mambasa

Le groupe de défense des droits de l’homme GADHOP a documenté des cas de violences sexuelles perpétrés contre des femmes par les miliciens Simba. Il a enregistré 150 enlèvements et viols en 2015 seulement.

Ces hommes ne sont pas seulement des trafiquants de ressources naturelles : ils sont aussi les auteurs de nombreuses violences sexuelles, a expliqué le secrétaire permanent du GADHOP, Jérémie Kasereka Kitakya.

« Lorsqu’ils encerclent les régions minières et les villages, ils s’emparent des femmes qui tentent de fuir et les ramènent à leurs camps pour servir d’esclaves sexuelles. Elles doivent subir cela pendant plusieurs mois », a dit M. Kitakya.

En septembre dernier, IRIN s’est rendu à Manguredjipa, dans le territoire voisin de Lubero, pour rencontrer un groupe de femmes ayant réussi à échapper aux miliciens Simba. Les femmes ont parlé de la douloureuse expérience qu’elles avaient vécue en tant qu’esclaves sexuelles dans les camps forestiers des Simba.

« Être une femme à Mambasa est un vrai malheur », a dit Kasoki, une femme dans la quarantaine ayant réussi à échapper à la milice en juillet 2015 après avoir passé environ un mois en captivité. « La milice attaque les villages et, en plus de tout voler, ils violent aussi les femmes. Pire encore, ils ramènent les victimes avec eux dans la forêt pour leur servir d’esclaves sexuelles. »

« Sur le chemin des camps, et après notre arrivée, on nous oblige à avoir des relations sexuelles avec les hommes. Ces derniers nous violent chacun leur tour, sans respecter nos cycles menstruels. C’est la pire épreuve que j’ai eue à supporter de ma vie. »

Les femmes qui servent d’esclaves sexuelles ne peuvent avoir d’enfants, même lorsque le père est un milicien.

Anne, une jeune fille de 14 ans dont les parents ont été tués alors qu’elle était encore bébé, se rappelle les trois mois qu’elle a passés en captivité au début de 2015.

« Les miliciens forçaient les femmes qui tombaient enceintes à avorter. Ils nous donnaient des coups de pied dans le ventre pour tuer les fœtus. »

« Un jour, le milicien qui était devenu mon partenaire et avec qui je vivais dans la forêt a même voulu m’ouvrir le ventre pour voir si mon fœtus était bien mort. Si ses amis n’étaient pas intervenus, je pense que je serais morte. »

Certaines femmes tentent de fuir, en vain. Elles sont rapidement traquées, capturées de nouveau et ramenées au camp. Si elles ont de la chance, elles sont simplement torturées et leur vie est épargnée.

« Une fois, j’ai essayé de fuir », a dit à IRIN une autre femme, Kavira. « Les miliciens m’ont amenée devant leur chef, Morgan. Après m’avoir déshabillée, Morgan et son ami proche, Manu, ont utilisé des branches de palmier pour me torturer. Ils m’ont frappée très fort dans le dos et partout sur le corps. »
« J’avais des blessures partout. Je n’oublierai jamais ce jour-là », a-t-elle dit en montrant à IRIN son dos marqué de cicatrices.

De la nécessité d’une campagne militaire importante

À Ituri, plusieurs sources ont dit à IRIN qu’il n’y avait jamais eu d’opération conjointe entre la force des Nations Unies (MONUSCO) et l’armée congolaise (FARDC) contre la milice Simba.

« Tout ce que je sais, c’est qu’il n’y a jamais eu d’opération conjointe dans le sens propre du terme », a dit à IRIN Laurent Sam Oussou, un porte-parole de la MONUSCO à Ituri.

« Nous avons deux bases d’opérations dans la région de Mambasa : Biakato et Madimba. L’armée congolaise vient tout juste d’installer sa 31e brigade à Mambasa. Nous effectuons régulièrement des patrouilles sur le terrain. Cette présence peut faciliter la préparation d’opérations conjointes. »

Selon le GADHOP, toutefois, une intervention militaire urgente est nécessaire pour faire cesser les violences perpétrées par les Simba dans la région.

« À l’heure actuelle, l’armée semble se concentrer sur les groupes armés étrangers. Elle oublie que les milices comme la Simba commettent aussi des atrocités », a averti M. Kitakya.

« Si nous lançons des opérations militaires à grande échelle, les Simba ne résisteront pas. Ils ne sont pas suffisamment bien équipés ou organisés pour le faire. »

M. Makeo, le journaliste local, a également exhorté le gouvernement congolais à renforcer la présence militaire et policière à Mambasa.

« Les forces de sécurité sont absentes ou faiblement représentées dans de nombreux villages. Les miliciens profitent de cette situation pour attaquer les civils. Ils savent que [les forces de sécurité] mettront du temps à intervenir, en particulier dans les régions forestières isolées et les nombreux villages qui ne sont accessibles qu’à pied.

« Il est dès lors nécessaire de restaurer l’autorité de l’État, d’ouvrir de nouveau ces endroits. »

M. Oussou, de la MONUSCO, a exhorté les habitants de Mambasa à faire confiance et à apporter leur soutien aux soldats de maintien de la paix des Nations Unies.

« Ils doivent continuer de nous donner des informations et se tenir loin de ces milices. Il y a également des gens qui ont conclu des marchés avec les miliciens Simba pour s’enrichir grâce au trafic de ressources naturelles. Ils doivent abandonner ce comportement pour nous permettre de dissoudre ces milices. »

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