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EXCLUSIF : L’OCHA licencie plus de 170 employés et engage de profondes réformes

O'Brien in CAR Nektarios Markogiannis/MINUSCA

Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies réduira ses dépenses d’au moins 20 millions de dollars en 2017. Les coupes, qui correspondent à 10 pour cent du budget précédent, entraîneront au moins 173 licenciements. Elles s’accompagneront de réformes internes dont la mise en oeuvre a été déclenchée par le rapport accablant d’une institution indépendante.

Dans des notes datées du mois de novembre adressées au personnel de l’OCHA et rapportées en exclusivité par IRIN, le directeur de l’OCHA – le chef de l’humanitaire des Nations Unies Stephen O’Brien – a dit que les bailleurs de fonds n’avaient pas réussi à répondre aux demandes croissantes. Il a expliqué que techniquement, cela était déjà vrai depuis quelques années, mais que l’OCHA avait réussi à combler le déficit en puisant dans ses réserves. Or celles-ci sont maintenant épuisées.

« Il est regrettable que les ressources de l’OCHA n’aient pas augmenté au même rythme que les besoins humanitaires mondiaux », a dit à IRIN Per Örnéus, l’ambassadeur de la Suède pour les affaires humanitaires, dans une déclaration envoyée par courriel. La Suède est l’un des principaux donateurs de l’OCHA ; elle a par ailleurs augmenté les fonds destinés à l’organisation en 2017, notamment pour financer une nouvelle unité de réforme. « Mais ce processus de changement peut, s’il est bien géré, favoriser le développement d’un OCHA plus fort, plus efficace et plus stratégique », a ajouté M. Örnéus.

En 2016, l’OCHA a augmenté son budget, le fixant à 323,9 millions de dollars, mais il n’a pas réussi à trouver le soutien nécessaire. Les fonds alloués par les bailleurs de fonds sont en effet restés au même niveau qu’en 2015, soit plus près de 280 millions de dollars. Selon des documents obtenus par IRIN, le budget initial pour 2017 sera de 260 millions de dollars, soit environ 10 pour cent de moins que les dépenses de 2015 et 2016 et plus de 60 millions de dollars de moins que la cible initiale pour 2016.

Les coupes coïncident par ailleurs avec le début d’une profonde restructuration interne recommandée par une étude externe. L’examen fonctionnel, un document de 155 pages dont la rédaction a été terminée en juillet et dont IRIN a obtenu une copie, appelle à la mise en oeuvre de changements majeurs dans la gestion, le personnel, les finances, les ressources humaines, les priorités et la culture de l’organisation.

map of humanitarian work
OCHA
UN response plans mapped in OCHA's Global Humanitarian Overview 2017

Le moral était déjà bas : selon le Boston Consulting Group, une étude sur la culture organisationnelle avait placé l’OCHA dans le dernier quartile par rapport aux niveaux de 38 organisations à but non lucratif comparables. Les dysfonctionnements au sein de l’organisation en sont responsables. Les consultants ajoutent en effet que « les difficultés rencontrées dans les autres domaines de l’examen [fonctionnel] ont eu un impact négatif sur l’implication et la satisfaction du personnel de l’OCHA ».

À court terme, l’OCHA fermera des bureaux au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et en Mauritanie. L’agence réduira en outre sa présence en Colombie, à Haïti, au Myanmar, au Pakistan et aux Philippines. Les sommes dépensées en Éthiopie, en Irak, au Nigeria, au Soudan du Sud, en Syrie et au Yémen seront amputées, mais celles allouées au Cameroun et à la Libye seront augmentées. En Afghanistan, en République démocratique du Congo, en Somalie et au Soudan, de vastes bureaux verront leurs effectifs réduits. Un bureau régional en Asie centrale fermera ses portes. Certains postes à New York et à Genève seront finalement supprimés.

Problèmes de gestion

En juillet 2016, le Boston Consulting Group a finalement terminé de rédiger les conclusions de son « examen fonctionnel » détaillé de l’OCHA. Le rapport avait été commandé par M. O’Brien peu de temps après son entrée en poste, survenue plus d’un an plus tôt.

Le rapport a identifié plusieurs éléments nuisant au travail de l’OCHA, notamment la concurrence entre les centres de pouvoir des bureaux de New York et de Genève et entre les dirigeants de l’organisation ; la fragmentation et les chevauchements des postes entre les diverses équipes ; et l’incapacité à tirer parti des économies d’échelle.

Une Unité de gestion du changement a été créée après la publication du rapport. Elle sera dirigée par Bruce Aylward. M. Aylward a notamment dirigé la riposte de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) à la flambée d’Ebola en Afrique de l’Ouest et procédé à la restructuration complète de l’action de l’OMS dans les années qui ont suivi.

Les auteurs du rapport du Boston Consulting Group ont reconnu « la nature complexe du portfolio » de l’OCHA, mais cela ne les a pas empêchés de critiquer ouvertement la façon dont l’organisation est gérée.

« Les membres de l’équipe de direction ne travaillent pas bien ensemble », ont écrit les consultants. « Il y a une polarisation établie et un manque de confiance entre de nombreux membres de la haute direction de l’OCHA. Ils ne se voient pas comme les membres d’une même équipe unie. » Les auteurs du rapport indiquent par ailleurs que les défauts du modèle de gestion « ont donné lieu à un dysfonctionnement organisationnel à grande échelle ».

An excerpt from the 2016 OCHA functional review

Des bailleurs de fonds ont dit à IRIN qu’ils étaient satisfaits de la nomination de M. Aylward. Certains ont cependant souligné que les réformes internes seront affectées par les coupes, et ce, quelle que soit la forme qu’elles prendront. Comme l’a dit un employé de l’OCHA : « Malheureusement, la crise budgétaire et les coupes ont nui un peu au processus d’examen fonctionnel. En effet, les actions qui seront prises à partir de maintenant pour mettre en oeuvre les recommandations seront affectées par la diminution de nos ressources. »

Divisions et rivalités

Parmi la dizaine de diplomates, d’employés des Nations Unies et de travailleurs humanitaires interviewés par IRIN, plusieurs se sont plaints des « fiefs » qui divisent l’OCHA.

« Soit vous êtes dans le fief de Ging, soit vous n’y êtes pas », a dit un responsable humanitaire qui a travaillé en étroite collaboration avec les Nations Unies pendant des années, faisant référence au directeur des opérations de l’OCHA. Selon les consultants, le département de John Ging supervise environ 77 pour cent du personnel [de l’OCHA], avec un contingent de 92 personnes au siège social. Des dizaines d’employés relèvent directement de lui ou de son adjoint. Le rapport signale qu’une aussi vaste « étendue des responsabilités » est « inhabituelle » et « contraste fortement avec les niveaux de référence dans les secteurs privé et public ».

John Ging at press concerence
Evan Schneider/UN
John Ging has been OCHA's director of operations since 2011

Les dynamiques personnelles font aussi l’objet d’un examen minutieux : « Tout le monde sait que ces personnes [la haute direction] ne s’entendent pas les unes avec les autres. Cela apparaît relativement évident lorsqu’on lit l’examen fonctionnel », a dit à IRIN un initié bien placé.

Pour ajouter aux malheurs de l’organisation, un audit daté du 12 décembre 2016 a révélé que la gestion des ressources humaines de l’OCHA était « partiellement satisfaisante ».

Le syndicat des employés des Nations Unies a réagi de façon énergique à l’annonce du budget 2017.

« C’est n’importe quoi », a dit à IRIN Ian Richards, Secrétaire exécutif du Conseil de coordination du personnel de l’Office des Nations Unies à Genève, dans une déclaration. « Les coupes n’ont pas grand-chose à voir avec l’examen fonctionnel récemment mené par le Boston Consulting Group, dont les services sont par ailleurs loin d’être bon marché. »

« Nous cherchons à obtenir des raisons claires permettant de justifier le choix des postes destinés à être supprimés et un examen comparatif déterminant de façon juste qui doit rester, mais nous n’y arrivons pas. La direction se montre réticente à faire preuve de transparence. Cela vient confirmer nos soupçons et prouver que la dimension de règlement de comptes et de favoritisme est pratiquement aussi importante que l’assainissement des finances. »

Rôle essentiel

L’OCHA supprimera plus de 400 postes sur un total d’environ 2 200. Puisque nombre de ces postes ne sont pas pourvus, toutefois, le nombre réel de licenciements sera en réalité légèrement supérieur à 170.

Certains employés affirment que la proportion de coupes sur le terrain est élevée par rapport à celle qui prévaut dans les sièges sociaux. D’autres disent que les suppressions d’emplois surviennent au moment opportun pour être utilisées de manière relativement stratégique. « Il y a définitivement un élément de rationalisation », a dit un fonctionnaire de l’OCHA actuellement déployé sur le terrain. Il a ajouté que certains des bureaux dont on prévoyait réduire les effectifs ou qu’on envisageait de fusionner présentaient des aspects superflus et que la flexibilité était dès lors importante.

Le fonctionnaire avec qui IRIN s’est entretenu a cependant marqué une pause lorsqu’on lui a demandé de quelle façon les coupes affectaient l’ensemble des secteurs de l’organisation. Il a signalé qu’elles étaient justifiées à certains endroits – comme dans les bureaux où les capacités excédentaires étaient concentrées –, mais qu’elles semblaient dans d’autres cas être simplement mises en oeuvre pour satisfaire les exigences en matière de restrictions. « J’aurais aimé voir un peu plus de variations dans la façon dont ils ont procédé », a dit le fonctionnaire, faisant référence à la manière dont les coupes semblent avoir été faites dans tous les pays importants en crise.

boy with kite
OCHA
The cover of OCHA's 2016 flagship brochure

Bien que tous les bailleurs de fonds avec qui IRIN s’est entretenu aient dit que l’OCHA devait apprendre à vivre avec ses moyens, nombreux sont ceux qui ont aussi manifesté leur sympathie par rapport aux difficultés auxquelles l’organisation sera confrontée et qui, malgré leurs critiques, ont dit continuer de croire qu’elle jouerait un rôle important à l’avenir.

« L’OCHA est justement censé veiller à la protection des principes humanitaires et s’assurer que le système dans son ensemble est à la hauteur des valeurs et des engagements que nous avons pris au fil des années », a dit à IRIN Joel Charny, directeur du Conseil norvégien pour les réfugiés-USA, une importante ONG partenaire. « À mon avis, ce rôle a une importance cruciale. »

Dans un courriel adressé à IRIN, l’OCHA a indiqué que l’examen fonctionnel « reflétait l’engagement [de M. O’Brien] de s’assurer que l’OCHA répond aux objectifs qu’il s’est fixés qu’il est optimalement structuré, géré et doté en personnel ». Faisant écho aux donateurs, l’organisation a décrit le budget 2017 comme un « budget de transition » et insisté sur le fait qu’il « ne reflète pas encore les nouvelles structures et priorités stratégiques qu’OCHA pourrait adopter ».

(PHOTO DE COUVERTURE : Stephen O’Brien visite un camp à Saint-Saveur, en République centrafricaine. Nektarios Markogiannis/MINUSCA)

so/ag-gd/amz 

* Traduction de l'extrait de l’examen fonctionnel de l’OCHA: 

Conclusion 3 : Les membres de l’équipe de direction ne travaillent pas bien ensemble et les perspectives relatives à des dirigeants spécifiques teintent la façon dont sont perçues toutes les actions.

Conclusion 3.1 : Il y a un manque de confiance entre les membres de l’équipe de direction.

À tous les niveaux de l’organisation, le personnel a identifié le manque de confiance comme un élément problématique important. Le manque de confiance entre les membres de l’équipe de direction se manifeste de diverses façons. D’abord, comme nous l’avons mentionné précédemment dans ce rapport, le manque de confiance empêche la libre circulation de l’information entre les divisions. Un partenaire interne a commenté : « Le partage d’informations se fait de façon très ponctuelle ; il n’existe aucune norme indiquant ce qu’il faut partager et à quel moment ; cela dépend uniquement de moi. Personne n’ose rendre accessibles aux autres des informations qui pourraient être remises en cause ou avec lesquelles d’autres pourraient interférer pendant un temps. Il n’y a donc pas de procédure formelle. Cela nous ramène à la culture : il n’y a pas de culture de confiance sur laquelle peut s’appuyer le partage d’informations au sein de l’OCHA. »

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