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Le problème des rebelles sud-soudanais au Congo

soliders in a tank Albert González Farran
Victorious SPLA government soldiers in Malakal

La dernière chose dont l’est du Congo a besoin, c’est de davantage de groupes armés. L’arrivée de centaines de rebelles sud-soudanais dans cette région sujette aux violences est donc source d’inquiétude.

En juillet, selon la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO), 755 combattants de l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) dans l’opposition seraient entrés sur le territoire de la République démocratique du Congo (RDC) à la suite d’affrontements à Juba, la capitale du Soudan du Sud.

Voyant qu’ils perdaient la bataille contre les soldats du président Salva Kiir, ces hommes fidèles à l’ancien vice-président Riek Machar ont fui avec ce dernier dans le parc national de la Garamba, qui couvre un large pan de territoire dans le nord-est du Congo. Ils ont ensuite été évacués par la MONUSCO.

Visiteurs indésirables

Les violences à Juba ont brisé l’accord de paix qui avait été négocié à grand-peine entre M. Kiir et M. Machar. Et les combattants sud-soudanais sont venus grossir la liste des groupes rebelles étrangers que l’est du Congo ne veut pas accueillir, mais dont il a du mal à se débarrasser.

Cette liste comprend des combattants des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), des Forces nationales de libération burundaises et de deux mouvements ougandais : les Forces démocratiques alliées (ADF) et l’Armée de résistance du Seigneur. Ces groupes, ainsi que des milices du cru tout aussi violentes, terrorisent la population depuis plusieurs dizaines d’années.

La MONUSCO a répondu à l’inquiétude croissante de la population en soulignant qu’elle évacuait les membres de l’APLS dans l’opposition pour des raisons humanitaires et à la demande du gouvernement congolais.

La mission de maintien de la paix a dit avoir remis 117 Sud-Soudanais aux autorités congolaises et cantonné les autres dans trois de ses bases de l’est de la RDC, où ils ont reçu de la nourriture et des soins médicaux. Ces bases sont soumises à des mesures de sécurité strictes et la MONUSCO fait tout son possible pour minimiser les risques.

Congolese civilians carry their belongings as they escape the recent fighting between Congolese government forces and rebels close to Rutshuru in North Kivu in the east of the Democratic Republic of Congo on 20 May 2012
Siegfried Modola/IRIN
Congolese civilians escape the fighting between Congolese government forces and rebels close to Rutshuru in North Kivu, eastern Democratic Republic of Congo (May 2012)

L’ampleur de la déstabilisation causée par la présence rebelle a été mise en relief par un appel d’un porte-parole de l’APLS dans l’opposition demandant le retour des hommes vers les zones soi-disant contrôlées par le mouvement de l’autre côté de la frontière.

Mauvais souvenirs

Bien que la MONUSCO affirme avoir désarmé tous les combattants de l’APLS dans l’opposition avant qu’ils ne quittent la Garamba, cela n’a pas suffi à dissiper les inquiétudes de la population de l’est du Congo, région où il est facile d’obtenir des armes.

La société civile réclame de plus en plus vivement la réinstallation des hommes de M. Machar hors de la RDC. D’autant plus que l’ancien vice-président a annoncé le mois dernier, alors qu’il était en exil à Khartoum, qu’il continuerait la lutte armée.

« Comme les combattants sud-soudanais, les FDLR […] sont elles aussi entrées au Congo avec leurs armes, sous couvert d’opérations humanitaires », a dit Jean-Paul Lumbu Lumbu, avocat de renom au Nord-Kivu.

« Après avoir profité de l’hospitalité légendaire des Congolais, ces rebelles des FDLR pillent, violent et tuent de pauvres civils. »

Le professeur Nissé Mughendi, maître de conférence en relations internationales à l’Université catholique de Graben, à Butembo, a dit à IRIN que le cantonnement de combattants de l’APLS dans l’opposition représentait une menace pour l’ensemble de la région des Grands Lacs.

« Il ne faut pas oublier que les voisins du Congo ont toujours pris la présence de leurs rebelles [dans ce pays] comme prétexte pour des interventions militaires », a-t-il dit.

« La présence de combattants sud-soudanais sur le sol congolais ne fait que perturber les relations entre le Congo et leur pays d’origine, le Soudan du Sud, et ses alliés. »

Dans une note adressée au gouvernement, un groupe d’une trentaine d’élus locaux, d’avocats, de médecins, d’hommes d’affaires et de chefs religieux a appelé à leur réinstallation dans n’importe quel autre pays africain.

« La coalition craint que l’excuse du droit de poursuite présentée par le Rwanda contre les rebelles des FDLR pour justifier leurs incursions répétées en RDC, puis par l’Ouganda contre les rebelles de l’ADF, puisse un jour être utilisée par le gouvernement sud-soudanais contre les rebelles [aujourd’hui cantonnés au Congo] », pouvait-on lire sur cette note.

A Congolese woman and her child walk past a UN peacekeepers’ base near Bunagana, eastern DRC (May 2012)
Siegfried Modola/IRIN
A Congolese woman and her child walk past a UN peacekeepers’ base near Bunagana, eastern DRC (May 2012)

Erreurs

M. Mughendi estime que les autorités congolaises ont fait une erreur en acceptant un nouveau groupe de rebelles étrangers sur son territoire. « Il faut d’abord résoudre les problèmes des autres groupes armés étrangers avant d’en créer d’autres », a-t-il dit.

Sous la pression citoyenne, le gouvernement a donné à une MONUSCO frustrée un ultimatum pour réinstaller les Sud-Soudanais, mais sans fixer d’échéance ferme.

On ignore si certains rebelles ont demandé l’asile, ce qui restreindrait la marge de manœuvre du gouvernement. La menace de leur « expulsion » a néanmoins été approuvée par Juba.

« Il va de soi qu’ils devraient quitter la RDC. Mais la solution ne doit pas venir exclusivement de la MONUSCO, » a dit Félix Bass, porte-parole des forces de maintien de la paix des Nations Unies.

« La RDC, le Soudan du Sud, les pays de la région et les organisations internationales comme l’Union africaine et les Nations Unies doivent aussi y participer », a-t-il dit.

M. Mughendi se réjouit quant à lui de voir que le gouvernement répond « à la pression de la population du Nord-Kivu » et impose des exigences.

Mais, a-t-il ajouté, il est peut-être trop tard pour mener une action efficace à court terme.

« Les combattants de l’APLS dans l’opposition se trouvent déjà sur le territoire congolais et leur rapatriement dépend désormais des intérêts des acteurs internationaux », a-t-il dit. « Ils vont devoir trouver un État prêt à les accueillir. »

Si les hommes n’ont pas encore renoncé à leur loyauté envers M. Machar, un tel État risque d’être difficile à trouver.

cs/oa/ag-ld/amz

PHOTO DE COUVERTURE : Des soldats victorieux de la branche gouvernementale de l’APLS à Malakal, par Albert González Farran

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