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Les nouveautés de la politique migratoire européenne

The Gregoretti arrives in the Sicilian capital, Palermo, carrying more than 1,000 refugees and migrants who were rescued from the Mediterranean. Francesco Malavolta/UNHCR
La Commission européenne divulguera aujourd'hui le tant attendu agenda européen en matière de migration, mais une version préliminaire de la nouvelle politique a filtré et circule déjà.  

Les médias ont surtout retenu l’introduction d’un système qui imposera aux pays membres de l’Union européenne (UE) de se répartir les demandeurs d’asile arrivant par les pays situés en première ligne, comme l’Italie et la Grèce, selon des quotas calculés à partir de critères tels que la taille de la population, le produit intérieur brut (PIB) et le taux de chômage.

Au-delà de ce système de quotas controversé qui créera sans doute des divisions, le nouvel agenda comporte plusieurs mesures importantes susceptibles de réformer la politique migratoire européenne dans les années à venir.

Hausse des réinstallations de réfugiés

Par rapport aux États-Unis ou au Canada, par exemple, l’Europe accepte un nombre relativement faible de réfugiés à des fins de réinstallation. C’est d’ailleurs un reproche qu’on lui adresse couramment, surtout depuis le début de l’interminable crise syrienne, qui a produit 4 millions de réfugiés. La majorité d’entre eux ont été contraints de trouver refuge dans des pays frontaliers mal préparés pour les accueillir ou de tenter leur chance auprès de passeurs leur offrant de rejoindre l’Europe.

« Les [personnes déplacées ayant besoin d’une protection] doivent pouvoir atteindre l’Europe légalement et en toute sécurité », indique l’agenda préliminaire, qui préconise l’instauration d’un programme de réinstallation à l’échelle de l’UE avec un système de quotas pour les États membres.

Le document ne précise pas le nombre de réfugiés concernés par ces réinstallations, mais le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a recommandé un objectif de 20 000 places par an d’ici 2020.

Pour l’heure, on ignore encore comment fonctionnera le programme si certains pays, comme le Royaume-Uni, refusent de participer.

Coopération renforcée avec les pays tiers

Une ébauche de l’agenda rendue publique en mars laissait entendre que le renforcement de la coopération avec les pays d’origine et les pays de transit serait l’un des éléments clés du programme définitif. La version préliminaire, plus précise, stipule que le service diplomatique de l’UE – le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) – « collaborera avec les pays partenaires pour mettre en place des mesures concrètes afin de prendre les migrants en charge avant qu’ils n’atteignent les frontières de l’UE ». 

Outre le renforcement des aides allouées aux pays d’Afrique du Nord et de la Corne de l’Afrique accueillant un grand nombre de réfugiés, « un centre polyvalent pilote » sera créé au Niger d’ici la fin de l’année.

Cette structure servira sans doute de modèle pour l’établissement futur de centres analogues dans les pays d’origine et de transit. Il est envisagé, de manière assez vague, que ces centres « donnent aux migrants une idée précise des chances de réussite de leur périple et offrent à ceux qui sont en situation irrégulière des solutions d’assistance au retour volontaire ».

Des officiers de liaison seront détachés dans les principaux pays d’origine et de transit tels que l’Égypte, la Jordanie, le Maroc, le Sénégal, le Soudan et la Turquie, où ils seront chargés d’améliorer la coordination en matière de contrôle des migrations et de recueillir des informations relatives aux « principales évolutions de la situation migratoire ».

L’une des priorités de cette coopération renforcée avec les pays tiers sera notamment de sévir contre les réseaux de passeurs, qui peuvent couvrir des régions entières, voire des continents.

Meilleure application des décisions de retour

L’agenda préliminaire souligne que 39 pour cent seulement des décisions de retour concernant des migrants en situation irrégulière sont exécutées à l’heure actuelle. Cela s’explique en partie par le fait que les retours sont soumis à l’accord de rapatriement du pays d’origine. « L’UE devrait être prête à faire usage de l’ensemble des leviers et des mesures incitatives à sa disposition », indique le document, ajoutant que les États membres doivent eux aussi assumer leur rôle en appliquant comme il se doit la directive « retour », qui énonce les normes et les procédures régissant les retours de migrants depuis l’Europe.

La nouvelle politique européenne suggère d’accorder à l’agence de contrôle des frontières Frontex un mandat légal lui permettant non seulement de coordonner les retours avec les États membres, comme c’est déjà le cas, mais aussi d’entreprendre ses propres opérations. Les implications d’une telle mesure ne manqueront pas de susciter l’inquiétude des groupes de défense des droits de l’homme.

Renforcement des frontières extérieures

Les normes de l’UE en matière de gestion des frontières extérieures entreront en vigueur en 2016. La nouvelle initiative « Frontières intelligentes » fera appel à la technologie pour créer un registre des mouvements transfrontaliers des ressortissants de pays tiers.

Les pays frontaliers de l’Union européenne seront encouragés à sécuriser leurs propres frontières à l’aide de financements européens et de l’appui de Frontex.

Un régime d’asile européen véritablement commun

L’agenda préliminaire reconnaît que les différents régimes en vigueur dans l’UE sont loin d’être harmonisés, ce qui explique pourquoi les demandeurs d’asile se dirigent souvent vers des pays spécifiques dans lesquels leur demande a davantage de chances d’être acceptée. Un nouveau processus de suivi permettra de garantir que les règles relatives à l’asile sont appliquées uniformément dans l’ensemble des pays membres.

La promesse est faite de sévir contre les « abus » du régime d’asile. « Un trop grand nombre de demandes [d’asile] sont infondées », signale le document. Il ajoute que 55 pour cent des demandes déposées dans l’UE l’an dernier se sont soldées par une décision négative. Le document ne précise pas le pourcentage de ces décisions ayant été infirmées en appel. Au Royaume-Uni, le rapport est d’environ un sur quatre, d’après Amnesty International UK.  

Le traitement rapide des demandes d’asile infondées est cité comme étant l’un des moyens de lutter contre de tels abus. Le système accéléré mis en place au Royaume-Uni pour l’examen de certaines demandes comporte cependant de sérieuses lacunes. Les demandeurs d’asile, par exemple, n’ont pas vraiment l’occasion de défendre leur dossier avant qu’il ne soit rejeté. 

L’agenda reconnaît également que le système de Dublin, qui a été conçu pour dissuader les demandes d’asile en cascade (asylum shopping) et garantir que les demandes sont traitées dans le pays où le demandeur d’asile a été enregistré à son arrivée, ne fonctionne pas comme il le devrait. Les pays en première ligne par lesquels arrivent la grande majorité des migrants, comme l’Italie et la Grèce, n’ont pas la capacité de traiter un tel volume de demandes. Ils autorisent donc souvent les demandeurs d’asile à poursuivre vers le nord sans les enregistrer. La nouvelle politique insiste pour que les États membres appliquent les règles relatives au relevé des empreintes digitales et promet l’adoption d’une nouvelle approche dite « des points d’accès ». Le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO, de l’anglais European Asylum Support Office) et Europol aideront ainsi les États membres situés en première ligne à traiter les demandes d’asile plus rapidement.

La Commission européenne s’est par ailleurs engagée à évaluer la nécessité d’une révision en profondeur du système de Dublin en 2016.

Nouveaux canaux légaux de migration

L’introduction de cette section de l’agenda stipule « sans migration, la population en âge de travailler dans l’UE reculera de 17,5 millions dans les 10 prochaines années » et souligne l’importance de la migration pour l’économie européenne. On s’aperçoit pourtant rapidement que cette nouvelle politique est à mille lieues de l’ouverture des frontières préconisée par certains experts.

L’accent est clairement mis sur le développement de programmes pour attirer des migrants hautement qualifiés dans l’ensemble de l’UE afin de contrer la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Un certain nombre de « bricolages » sont également proposés en matière de politiques de visa afin de « maximiser l’impact économique positif » en attirant davantage de touristes d’affaires et de loisirs tout en limitant la migration irrégulière.

Sur le long terme, l’agenda recommande de collaborer avec les États membres de l’UE pour développer un bassin de travailleurs migrants qualifiés que les employeurs pourront sélectionner avant leur arrivée dans le pays.

Le document préliminaire de la nouvelle politique européenne suggère de faciliter les déplacements de migrants d’un pays à l’autre au sein de leur propre région afin de réduire la probabilité qu’ils tentent de gagner l’Europe. Les initiatives encourageant la mobilité des travailleurs au sein de régions comme l’Afrique de l’Ouest « peuvent contribuer de manière significative au développement local », indique le document.

ks/ag- gd/amz 
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