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L’Irak échoue à s’attaquer aux causes profondes de la violence

A 3-meter-wide trench, expected to be 58-km long when completed, is being dug around the city of Kirkuk in an attempt to reduce terrorist attacks in the city. Kirkuk, an ethnically mixed city home to Kurds, Arabs and Turkmen, is disputed by the semi-auton Ali Arafa/Metrography
Dans la province de Kirkuk, au nord de l’Irak, la construction d’une tranchée de 58 kilomètres est en cours autour de la ville de Kirkuk pour protéger ses habitants d’origines ethniques variées contre les attentats à la bombe et les assassinats dont ils sont régulièrement la cible.

Cette mesure, comme d’autres mesures sécuritaires récentes, ne servira finalement pas à grand-chose car elle ne s’attaque pas aux causes profondes de la violence, disent les experts.

La région de Kirkuk, riche en pétrole, est au cœur d’une lutte de pouvoir entre le gouvernement central à Bagdad et la région kurde semi-autonome au nord, gouvernée par le gouvernement régional kurde. En centre-ville de Kirkuk, on peut entendre de nombreuses langues : Arabes, Kurdes, Turkmènes, sunnites, chiites et chrétiens assyriens y cohabitent, et les citoyens de chacun de ces groupes aspirent par-dessus tout à la sécurité.

La tranchée s’inscrit dans le contexte d’une dynamique plus vaste, d’envergure nationale, en faveur de la sécurité en Irak. En juillet, le taux de violence a atteint son niveau record en cinq ans. Plus tôt cette année, les autorités ont annoncé le renforcement des points de contrôle de sécurité de la ville, les attaques meurtrières continuant de faire des victimes par dizaines.

Au moins 58 personnes ont été tuées dans des attentats à la bombe à travers tout le pays le 15 septembre, alors qu’un autre attentat avait fait au moins 21 victimes la veille, à un enterrement. Des attaques terroristes sectaires coordonnées ont désormais lieu tous les quelques jours, tandis que les dirigeants locaux et nationaux se querellent sur le meilleur moyen d’en finir avec la violence. L’International Crisis Group (ICG) a dit dans un rapport récent que « la résurgence d’une guerre civile sectaire est un sérieux risque ».

À Kirkuk, un attentat suicide particulièrement brutal, dans un café, a fait plus de 30 victimes le 12 juillet. La police a réagi en fermant tous les cafés de la ville pendant trois jours.

Fin août, le brigadier général Sarhad Qadir, chef de police à Kirkuk, a dit à Rudaw (un journal d’information en ligne dont le siège est à Erbil) que les forces de police de la ville ne pouvaient pas faire face : « Les groupes armés peuvent mener des attaques quand ils veulent et où ils le veulent, car rien ne les en empêche ». 

Tranchée

Pour un coût estimé de 2,8 millions de dollars US, la tranchée mesurera à terme trois mètres de large et deux mètres de profondeur, selon Qasim Hamza, ministre adjoint au Conseil provincial de Kirkuk.

« Le projet limitera les attaques terroristes contre les habitants de Kirkuk », a dit à IRIN Hasan Toran, président du Conseil provincial.

Mais la tranchée fait déjà l’objet de controverses. Les paysans arabes et turkmènes au sud de la ville se plaignent qu’elle traverse leurs terres, et les coupe de leur source d’eau.

« Notre gagne-pain c’est la terre », a dit Salah Sami, qui garde du bétail dans le village de Chardaglu, à 12 km au sud de Kirkuk. « S’ils ne nous donnent pas d’eau, les villageois quitteront ces terres… Nous avons près de 10 000 animaux qui risquent de mourir de faim ».

Mais M. Toran a dit que d’éventuelles « attaques contre des paysans » seraient plus que compensées par le gain de sécurité que la tranchée représente pour la ville.

Pendant ce temps, les politiciens arabes de Kirkuk craignent que la désillusion envers le gouvernement provincial kurde majoritaire ne fasse qu’exacerber les tensions ethniques au sein de la ville. Les experts disent que la marginalisation des paysans arabes sunnites pourrait renforcer les groupes terroristes opérant dans la région, qui se nourrissent de la déception envers le gouvernement local.

Réponses au pic de violence

Les analystes estiment que la tranchée est susceptible d’arrêter un faible pourcentage des attaques contre la ville à court terme, mais que les groupes armés finiront par trouver à s’adapter.

« Toutes les améliorations à court terme en matière de sécurité pourraient être contrebalancées à long terme si la communauté sunnite se sent visée par le gouvernement pour un crime qu’elle n’a pas commis »
« Jusqu’alors, les dirigeants politiques n’ont pas donné l’impression d’être disposés aux compromis nécessaires pour mettre fin à l’escalade de violence », a dit l’ICG dans son mensuel CrisisWatch. « Au lieu de ça, le gouvernement a réclamé davantage d’armes aux États-Unis et le soutien des renseignements pour "combattre le terrorisme" ». Le gouvernement a arrêté plus de 670 personnes au mois d’août, a dit l’ICG, dans le cadre d’une nouvelle opération militaire baptisée « La revanche des martyrs ». 

L’opération s’est concentrée sur l’arrestation à grande échelle de « terroristes » présumés dans des zones majoritairement arabes sunnites en périphérie de la capitale, Bagdad, et sur la saisie d’armes. Si l’opération rencontre un certain succès, elle comporte aussi – tout comme la tranchée de Kirkuk - certains risques.

« Toutes les améliorations à court terme en matière de sécurité pourraient être contrebalancées à long terme si la communauté sunnite se sent visée par le gouvernement pour un crime qu’elle n’a pas commis », a dit Hayder al Khoei, chercheur associé du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord auprès de la Chatham House à Londres.

Les experts disent que la montée de la violence dans la province de Kirkuk est liée au renforcement, ces derniers mois, d’al-Qaïda et d’autres groupes extrémistes à l’échelle nationale. L’instabilité que suscitent les désaccords relatifs au partage du pouvoir fait de Kirkuk une cible facile pour ces groupes.

Partage du pouvoir

Prévu pour 2007, le référendum sur le statut de Kirkuk n’a toujours pas été organisé et il n’y a pas eu d’élections locales depuis 2005. Le Conseil provincial est composé de six membres représentant le groupe arabe, neuf membres représentant le groupe turkmène, et 26 membres représentant l’alliance kurde. Arabes et Turkmènes se plaignent d’être sous-représentés (bien que l’alliance kurde englobe plusieurs ethnies), tandis que les membres kurdes du conseil arguent que la faible représentation arabe est due au boycott arabe des élections provinciales de 2005.

« Le partage du pouvoir n’est pas équitable à Kirkuk », a dit Mohammed Alkelal, le chef du groupe arabe du Conseil provincial de Kirkuk. « Le pouvoir sécuritaire est contrôlé par les groupes kurdes ».

En avril, les forces de sécurité du gouvernement national majoritairement chiite ont violemment réprimé les manifestations d’Arabes sunnites contre le gouvernement à Hawija, au sud de la ville de Kirkuk. Les affrontements se sont soldés par plusieurs dizaines de morts. L’incident a provoqué une flambée de violence dans tout le pays, ont dit les analystes, et M. Alkelal dit que les répressions violentes de ce type ont exacerbé les tensions ethniques à Kirkuk.

Afin de garantir leur protection, un nombre croissant de Turkmènes à Kirkuk réclament l’établissement de leur propre police chargée de la sécurité des zones turkmènes.


« Nous voulons des policiers pour les Turkmènes, de la même manière que les Kurdes ont leur "asayish" », a dit Mohammed al Salihe, un habitant turkmène chiite, en faisant référence aux forces de sécurité du gouvernement régional kurde. « Nous voulons le pouvoir pour les Turkmènes de Kirkuk, et une présence policière dans les rues turkmènes. Nous avons le sentiment que cela renforcera la sécurité, et que ça sera un endroit plus sûr ».

M. al Salihe vit à proximité d’une école de police et d’une mosquée chiite – toutes deux cibles d’attaques. L’attentat perpétré dans un café le 12 juillet a également eu lieu près de chez lui.

Ce désir d’une police ethniquement définie s’inscrit dans une tendance plus large, alors que le gouvernement central a appelé les chefs tribaux à rétablir les Sahwa (« réveil » en arabe) dans tout l’Irak pour endiguer l’insurrection et localiser la sécurité. Les Sahwa étaient des groupes de combattants arabes sunnites établis par l’armée américaine en 2006/07 pour s’attaquer aux insurgés sunnites comme Al-Qaïda. 

C’est un autre exemple, dit Sinan Ismael, un journaliste kurde travaillant à Kirkuk, d’une mauvaise approche du problème sécuritaire. Il croit que la réponse aux problèmes de Kirkuk réside dans un partage efficace du pouvoir.

Un autre analyste politique travaillant pour une ONG à Kirkuk, qui a souhaité rester anonyme, a dit qu’aller dans le sens de forces de sécurité ethniquement définies ne ferait qu’anéantir les chances de cohésion, en ajoutant que la tenue d’élections était la seule solution aux problèmes de la ville.

Mais les élections provinciales sont reportées depuis des années en raison de plaintes de la part des Arabes et des Turkmènes concernant le registre électoral, qui selon eux comporte un nombre disproportionné de Kurdes.

L’impasse politique dans laquelle se trouve Kirkuk est également le reflet de désaccords plus profonds au sein du gouvernement irakien, car les experts disent que les Arabes sunnites se sentent exclus du processus décisionnel à Bagdad.

« La première étape doit être le rétablissement de la confiance et la mise en place de politiques inclusives », a dit M. Ali, de l’Institute for the Study of War.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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