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« Urgence permanente » en Afghanistan

Samar Khel camp for Afghans displaced by war, near Jalalabad Bilal Sarwary/IRIN
Samar Khel camp, near Jalalabad, where Afghans displaced by war have taken shelter

Bibi Mariam était en train de traire sa vache quand celle-ci a soudain poussé un hurlement et s’est écroulée dans une marre de sang.

L’autoproclamé État islamique (EI) et les Taliban s’affrontaient près de son village, dans la province afghane de Nangarhar. La balle perdue qui a tué sa vache a finalement convaincu Mme Mariam de fuir — comme tant d’autres Afghans, plus nombreux que jamais, déplacés par le conflit.

« Elle aurait pu me toucher moi ou n’importe lequel de mes enfants », a dit Mme Mariam, dans le nouveau logement de fortune abritant sa famille : une petite tente dans un camp de déplacés près de Jalalabad, la capitale de la province.

Mme Mariam fait partie des plus de 623 345 personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) ayant fui le conflit en 2016 en Afghanistan — un chiffre sans précédent, d’après le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA).

« Ce chiffre effarant confirme également une tendance inquiétante : le nombre de familles poussées à fuir de chez elles augmente chaque année en Afghanistan », a dit Danielle Moylan, porte-parole d’OCHA. « On compte trois fois plus de PDIP en 2016 qu’en 2014, et six fois plus qu’en 2012. »  

Au vu de la tendance actuelle, les Nations Unies prévoient qu’en 2017, au moins 450 000 personnes de plus viendront grossir les rangs des déplacés à l’intérieur du pays. En plus de cela, l’Afghanistan peine à subvenir aux besoins des 616 620 personnes refoulées par l’Iran et le Pakistan l’année dernière. Ce dernier pays a averti qu’il commencerait à expulser les Afghans qui n’auront pas quitté son territoire d’ici mars. Les Nations Unies s’attendent à ce qu’environ un million d’Afghans de plus soient expulsés, alors que la plupart n’ont plus de logement dans lequel réaménager.

« Avec ce flux constant de familles déplacées, c’est un état d’urgence permanente qui est devenu la norme en Afghanistan, » a dit Mme Moylan.

« Aucun avenir »

Nombre de ces personnes déplacées quittent leur lieu d’origine pour la première fois et sont contraintes de vivre dans des camps temporaires où la survie est une lutte quotidienne.

Mme Mariam n’était jamais sortie de sa vallée isolée du district de Pachir Aw Agam, où elle a élevé cinq enfants avec l’aide de son mari jusqu’à ce que ce dernier se fasse tuer, pris dans les feux croisés de la police et des combattants de l’EI. Ces six derniers mois, la situation devenait de plus en plus dangereuse à mesure que l’EI gagnait du terrain dans la région. Les membres du mouvement commençaient à attaquer les maisons et à se disputer le territoire avec les Taliban.

Mme Mariam et ses enfants ont laissé derrière eux la ferme familiale et leur bétail. Aujourd’hui, ils survivent avec les maigres revenus que ses fils tirent de la vente de biscuits qu’elle cuisine dans un four à bois. La famille souffre généralement de la faim et les conditions de vie sont misérables. Ils dorment à même le sol, sur des bâches et le camp ne compte ni dispensaire, ni école.

« À Jalalabad, je ne vois aucun avenir pour mes filles ou mes fils », a dit Mme Mariam, sanglotant de désespoir face aux difficultés auxquelles sa famille semble condamnée. « Leur enfance est brisée. » 

 
Amir Jan with his children by their tent in Samar Khel, a camp outside Jalalabad where people displaced by war have taken shelter
Bilal Sarwary/IRIN
Amir Jan with his children by their tent in Samar Khel, a camp outside Jalalabad where people displaced by war have taken shelter
 

Essor de l’EI

Seize ans après l’invasion américaine qui a renversé le régime Taliban, la tentative des États-Unis de reconstruire l’Afghanistan se solde par un désastre. Fin 2014, Washington avait retiré presque toutes ses troupes et l’Armée nationale afghane devait prendre en charge la sécurité du pays. Mais les forces gouvernementales ont connu quelques difficultés et ont perdu le contrôle de nombreux districts.

La plupart des territoires perdus par le gouvernement sont occupés par les Taliban. Mais début 2015, l’EI s’était installé dans l’est du pays et annonçait son intention de prendre le contrôle d’une zone appelée « Khorasan », en référence à une région antique qui couvrait une bonne partie de l’Afghanistan actuel ainsi qu’une partie de l’Iran et de l’Asie centrale.

Le mouvement, connu sous le nom de Daesh en Afghanistan, concentre ses activités sur l’est du pays, notamment sur la province de Nangarhar, à la frontière avec le Pakistan. Dans certaines zones, des milices locales sont apparues pour combattre l’EI, tandis que d’autres ont rejoint les Taliban ou les forces gouvernementales. Mais l’EI a étendu ses mortels tentacules à l’ensemble du pays.

En juillet, deux kamikazes ont frappé une manifestation pacifique de la minorité chiite hazara à Kaboul, la capitale, faisant 80 morts. L’EI a revendiqué cet attentat ainsi que l’explosion d’une mosquée chiite en novembre, toujours à Kaboul, qui a fait au moins 40 morts.

La lutte contre l’EI se déroule principalement dans trois districts de Nangarhar, d’après Attaullah Khogyani, porte-parole du gouverneur de la province. Selon lui, l’EI a commencé les combats à Achin en 2015, puis s’est introduit dans les districts de Pachir Aw Agam et Chaprihar en 2016.

« Nous menons des attaques aériennes et des opérations terrestres contre eux. Nous soutenons également la résistance locale contre eux et [nous épaulons] l’ALP », a-t-il dit en faisant référence à la Police locale afghane, une force créée par le gouvernement qui recrute parmi la population locale pour combattre les insurgés.

Amir Jan, une personne âgée d’Achin, a dit que son fils avait rejoint un soulèvement local contre l’EI et avait été tué au combat. Des membres de l’EI ont alors signifié clairement à la population que si elle ne soutenait pas le mouvement, elle n’était pas invitée à rester.

« Un matin, des combattants de Daesh se sont présentés à ma porte et m’ont dit de partir et quand j’ai essayé d’emporter des choses avec moi, ils m’ont frappé », a-t-il dit dans une interview devant la tente occupée par sa famille dans le camp de Samar Khel, en périphérie de Jalalabad. « Je suis parti les mains vides. »

bs/jf/ag-xq/amz

(PHOTO DE COUVERTURE : Le camp de Samar Khel, près de Jalalabad, qui accueille des Afghans déplacés par la guerre CRÉDIT PHOTO : Bilal Sarwary/IRIN)

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