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Qu’attendre des sommets de New York sur les réfugiés ?

Les sommets de la semaine prochaine changeront-ils la donne ?

Syrian refugee children at a tent used as a mosque at the Islahiye refugee camp in Hatay, Turkey. (July 2012) Jodi Hilton/IRIN
Syrian refugee children at a tent used as a mosque at the Islahiye refugee camp in Hatay, Turkey (July 2012)

Le Sommet des Nations Unies sur les réfugiés et les migrants qui se tiendra à New York lundi prochain a été annoncé comme un évènement pouvant changer la donne en matière de protection des réfugiés et de droit des migrants, mais que peut-on vraiment en attendre ? Et le Sommet des dirigeants sur les réfugiés organisé par le président américain Barack Obama donnera-t-il lieu à de nouveaux engagements substantiels concernant la réinstallation des réfugiés et le financement des actions menées en la matière ?

Une semaine avant ces deux réunions de haut niveau sans précédent visant à juguler la crise migratoire mondiale, voici ce que l’on sait et ce que l’on ignore :

Ce que l’on sait

Un projet de déclaration, sur lequel les 193 États membres sont tombés d’accord début août, a déjà été rendu public et sera officiellement adopté lors du sommet des Nations Unies le lundi 19 septembre.

Ce document établit une longue liste de vagues engagements visant à résoudre les causes profondes des déplacements massifs de réfugiés et de migrants : respecter leurs droits, combattre la xénophobie et l’exploitation, renforcer les efforts de recherche et sauvetage, pallier les déficits de financement, etc. Tout cela en reconnaissant, paradoxalement, le droit des États à gérer et à contrôler leurs propres frontières et à « prendre des mesures pour prévenir les passages frontaliers irréguliers ».

Les observateurs des négociations ayant abouti sur ce projet ont remarqué que le texte original avait perdu en consistance au fil des réunions. Le texte se résume maintenant presque à « nous envisageons de faire ceci », a dit à IRIN Josephine Liebl, conseillère en politique humanitaire pour Oxfam qui a assisté à une bonne partie des négociations de juillet à New York. « Le texte original était plus résolu ».

À la dernière minute, les États-Unis et plusieurs autres États membres ont refusé de s’engager à mettre un terme à la rétention des enfants. Ils ont préféré y faire référence comme mesure de « dernier ressort » et promettre de s’efforcer de mettre fin à cette pratique.

D’autres mesures brillent encore davantage par leur absence, notamment l’engagement de réinstaller 10 pour cent de la population mondiale de réfugiés par an (soit environ 2,1 millions de personnes en 2015). Ce point faisait pourtant partie des recommandations du secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon pour le sommet, mais le projet de déclaration se limite à une intention « d’accroître le nombre et la diversité des voies de droit offertes aux réfugiés » pour être admis dans des pays tiers.

Le Pacte mondial sur le partage des responsabilités concernant les réfugiés qui était censé faire partie des résultats clés du Sommet est lui aussi passé à la trappe.

Pactes et Cadres — quelle différence ?

Ce « Pacte mondial » devait établir une feuille de route pour l’application de certains des principaux engagements de la déclaration. Les premières moutures ont cependant déçu par leur manque de détails concrets concernant les mécanismes qui devaient forcer les États à agir.

Plutôt que de corriger ces faiblesses, le pacte a été abandonné et remplacé par un Cadre d’action global pour les réfugiés sur lequel devront s’appuyer les mesures mises en place pour faire face aux déplacements massifs de réfugiés. Ce « cadre d’action » devra servir de base à la mise au point d’un pacte mondial qui devrait être adopté en 2018.

Des États membres, principalement africains et latino-américains, ont justifié cette décision de remettre l’adoption de ce pacte à deux ans par l’argument selon lequel il devrait suivre le même calendrier que le Pacte mondial pour des migrations sans danger, régulières et ordonnées, qui devrait être adopté en 2018.

Les associations de la société civile, insatisfaites des premières moutures du pacte, n’ont plus qu’à espérer que ce délai de deux ans permette d’aboutir à un document plus convaincant.

En attendant, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) coordonnera l’application du nouveau cadre d’action, qui n’est pas très différent des meilleures pratiques déjà mises en œuvre en réponse à la crise des réfugiés. Il n’est donc pas surprenant que le HCR semble satisfait de cette décision.

« Même pendant les négociations, ils semblaient plutôt contents du document final », a dit à IRIN Wies Maas, qui coordonne les travaux du comité d’action de la société civile en vue du sommet. « D’après ce que nous en avons compris, ils se sentent confirmés dans leur mandat. »

Quid des engagements envers les migrants ?

L’attention portée aux réfugiés et aux migrants par le biais de ce sommet a été saluée par des associations de défense des droits des migrants qui ont vu dans cet évènement une rare occasion de mettre les besoins de protection des migrants et ceux des réfugiés sur un pied d’égalité. Mais, encore une fois, la déclaration n’a pas su esquisser des engagements concrets.  

« [Le document] parle beaucoup de la protection des droits des migrants quel que soit leur statut, mais on ignore ce que cela donnera dans la pratique », a dit Monami Maulik, coordinatrice du plaidoyer pour la Global Coalition on Migration (GCM).

Même bien avant le sommet, la GCM et d’autres associations de défense des droits des migrants semblaient déjà avoir largement reporté leur attention sur la mise au point du « Pacte migration » au cours des deux prochaines années. On ignore encore cependant qui dirigera ce processus. Certains s’inquiètent d’en voir confier la responsabilité à l’Organisation internationale des migrations (OIM), qui devrait intégrer le système des Nations Unies à l’occasion du sommet du 19 septembre

« Certains de nos membres dans différents pays s’inquiètent du rôle de l’OIM dans les rapatriements librement consentis et, si son mandat ne change pas, de ce que cela signifierait », a dit Mme Maulik à IRIN.

Quel rôle pour la société civile ?

Le sommet accueillera 229 ONG et organisations de la société civile du monde entier, mais celles-ci ont peu de chances d’avoir une quelconque influence sur les résultats de la réunion, déjà en grande partie prédéterminés.

« C’est un évènement de haut niveau et nous savons que le document a déjà fait l’objet d’un accord. Ce n’est donc pas une occasion d’influencer les débats, mais une occasion de rappeler aux États membres leurs responsabilités et la nécessité qu’ils fassent preuve de davantage d’initiative, » a dit Mme Liebl d’Oxfam.

Le sommet pourrait offrir une tribune aux États pour y annoncer des plans nationaux visant à mettre en œuvre les différents engagements avancés dans la déclaration. Selon un observateur membre de la société civile, il est cependant peu probable que de tels espoirs se réalisent.

Plusieurs personnalités de la société civile ont été soigneusement sélectionnées pour intervenir à la plénière d’ouverture et lors des tables rondes qui auront lieu tout au long de la journée et qui traiteront de thèmes variés. Sept associations — dont six sont basées en Afrique — ont cependant vu leur participation refusée sur objection de certains États membres.

« Cela ne présage rien de bon en matière de dialogue avec la société civile lors du processus d’élaboration du pacte », a dit Mme Maulik, de GCM, qui conteste cette décision.

La grande inconnue

Certains ayant déjà perdu tout espoir de voir le sommet des Nations Unies déboucher sur un engagement de poids, ils se raccrochent à la possibilité d’obtenir des résultats plus tangibles du Sommet des dirigeants sur les réfugiés organisé le lendemain par le président Barack Obama en marge de l’Assemblée générale.

Car si le sommet des Nations Unies laisse peu de place à la surprise, on ignore totalement ce que donnera la réunion des dirigeants du mardi 20 septembre.

Les objectifs officiels de ce sommet sont de doubler le nombre de réfugiés réinstallés ou admis par d’autres voies de droit dans des pays tiers, d’augmenter de 30 pour cent les financements de l’aide humanitaire et d’accroître le nombre de réfugiés scolarisés ou ayant le droit de travailler d’un million respectivement.

Seuls les États disposés à faire de « nouvelles et importantes » promesses ont été invités. La liste des participants n’a pas encore été rendue publique, mais on y attend entre 30 et 35 pays, dont les facilitateurs que sont le Canada, l’Éthiopie, l’Allemagne, la Suède et la Jordanie.

Les fonctionnaires du département d’État américain sont restés muets comme des tombes quant à la teneur des nouveaux engagements.

« D’après ce que nous avons pu comprendre, les engagements ont été très difficiles à obtenir », a dit Julien Schopp, directeur de l’action humanitaire à Interaction, une alliance américaine d’ONG internationales qui a mené l’appel aux dirigeants du sommet visant à les inciter à être davantage à l’écoute de la société civile, appel qui est resté sans réponse.

Si les pays font réellement de nouvelles promesses importantes, l’une des préoccupations majeures reste de savoir qui sera chargé de s’assurer qu’elles seront véritablement tenues, d’autant plus que l’évènement est organisé par une administration américaine sortante.

« Nous l’avons vu ces trois dernières années, du Sommet mondial sur l’action humanitaire à la conférence de Londres pour la Syrie : chacun arrive avec quelque chose qui a de l’allure, mais six mois plus tard, pratiquement rien n’a été appliqué », a dit M. Schopp.

Et même si les dirigeants du sommet tiennent leurs promesses, il s’agit d’un évènement à caractère unique, a rappelé Mme Liebl.

« Il ne résout aucun des problèmes plus structurels ni le manque de mécanisme ou d’accord généralisé pour partager la responsabilité [envers les réfugiés] de manière continue et pas seulement à l’occasion d’une conférence de donateurs », a-t-elle dit à IRIN.

« Nous attendions un projet de société, une volonté politique, des dirigeants affirmant qu’il existe une manière rationnelle de résoudre ce problème et que ce n’est pas impossible. »

Au mieux, a ajouté Mme Liebl, les sommets peuvent représenter le début d’un processus conduisant à un meilleur accord pour les réfugiés et les migrants sur lequel il faudra vraiment travailler au cours des deux prochaines années si l’on veut que les nouveaux cadres d’action, pactes et engagements soient efficaces.

(PHOTO DE COUVERTURE : Deux enfants réfugiés syriens dans une tente servant de mosquée au camp d’Islahiye à Hatay, en Turquie. Jodi Hilton/IRIN​)

ks/ag-ld/amz 

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