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Les travailleurs humanitaires menacés par les tensions communautaires au Myanmar

A UNHCR member of staff discusses accommodation with colleagues and displaced people at the Ohn Taw Gyi IDP camp near Sittwe, capital of Rakhine state UNHCR/P.Behan
UNHCR has struggled to deliver services to urban refugees
Les tensions continuelles entre les communautés bouddhiste et musulmane dans l’État de Rakhine, dans l’ouest du Myanmar, exposent les humanitaires à des risques, gênant leur travail auprès de plus de 127 000 personnes déplacées.

« L’accès aux PDIP [personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays] devient de plus en plus compliqué à cause des intimidations constantes [qui visent des travailleurs humanitaires] par certains membres de la communauté locale », a constaté le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) à Yangon.

Plusieurs organisations humanitaires, dont l’ONG (organisation non gouvernementale) d’assistance médicale Médecins Sans Frontières, rapportent que leurs employés ont eu à faire face aux accusations des habitants de l’État de Rakhine, principalement bouddhistes, qui leur reprochent de favoriser la minorité musulmane de l’ethnie rohingya.

La majorité des déplacés sont des Rohingyas mais, d’après les estimations gouvernementales, il y aurait aussi des centaines de bouddhistes parmi eux.

Le personnel local visé

« À cause du climat de tension actuel ; menaces et intimidations émanant de quelques habitants radicaux de l’État de Rakhine, nos partenaires sur place ont beaucoup de difficultés à garder et à recruter du personnel national », a déclaré Matthias Eick, le porte-parole de l’Office d’aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO) en Asie du Sud-Est, qui a apporté 1,8 million de dollars d’aide aux communautés rakhine et rohingya de l’État de Rakhine.

Des déclarations publiques sporadiques contre les organisations humanitaires internationales remettent en cause l’acheminement de l’aide humanitaire, a ajouté M. Eick.

Le harcèlement verbal vise principalement les travailleurs humanitaires locaux, qu’ils soient bouddhistes ou musulmans.

« Il arrive que le personnel autochtone soit la cible de violences intercommunautaires à cause de son appartenance à l’une des ethnies, et il n’est pas forcément protégé par son rôle ou son statut de travailleur humanitaire », a déclaré à IRIN Larissa Fast, chercheuse aux États-Unis à l’Institut Kroc d’études internationales pour la paix et co-auteur d’un rapport récent sur les dangers rencontrés par les humanitaires dans le monde entier.

Les règles gouvernementales contraignantes concernant les déplacements des travailleurs humanitaires et les autorisations pour accéder aux communautés vulnérables représentent un autre obstacle au bon acheminement de l’aide humanitaire. Alors que le gouvernement a assuré aux organisations humanitaires internationales et à leurs donateurs qu’ils pourraient intervenir auprès des PDIP sans aucune limitation, « les menaces des communautés bouddhistes du Rakhine contre le personnel des Nations Unies et les travailleurs des ONGI [ONG internationales] » ont continué, a déclaré Phil Robertson, directeur adjoint de Human Rights Watch  pour l’Asie. Il a ajouté que les familles de ces travailleurs étaient aussi exposées.

Des discours haineux

Les violences intercommunautaires entre les musulmans et les bouddhistes gangrènent l’État de Rakhine depuis le mandat d’un ancien chef d’État, Ne Win, qui avait, dans les années 1960, lancé une campagne visant à définir l’identité nationale comme birmane et bouddhiste. Considérés comme des « colons bengalis », les membres de l’ethnie rohingya, à majorité musulmane, en étaient exclus.

Depuis longtemps, même si parfois l’État l’interdisait, la persécution des Rohingyas a conduit à une ségrégation croissante entre les communautés. Les Rohingyas sont apatrides depuis la loi de 1982 qui leur refuse la citoyenneté birmane et, dans le nord de l’État de Rakhine, leur liberté de mouvement est limitée à trois communes.

Selon les Nations Unies, les deux vagues de violence communautaire de juin et d’octobre 2012 entre les Rohingyas et leurs voisins bouddhistes rakhines ont tué près de 200 personnes, déplacé environ 127 000 et détruit près de 10 000 maisons.

D’après le Projet Arakan, une ONG de défense des droits des Rohingyas, ils sont quelque 25 000 Rohingyas à avoir fui le Myanmar par bateau vers l’Inde, la Malaisie, le Sri Lanka et la Thaïlande depuis l’explosion de violence en juin 2012.

Selon les ONG et leurs donateurs, des prospectus, des manifestations et des discours émanant de membres extrémistes de la communauté bouddhiste Rakhine ont propagé une pensée anti-musulmans et anti-Rohingyas.

Le 28 mars dernier, Tomas Ojea Quintana, rapporteur des Nations Unies sur les droits de l’homme au Myanmar, a exprimé son inquiétude au sujet des discours haineux qui ont suivi l’explosion de violence intercommunautaire dans l’État de Mandalay au centre du pays.

Alors que les médias locaux ont annoncé que le gouvernement du Myanmar avait déployé plus de 6 000 unités de police et de gardes-frontières ainsi que 51 régiments militaires dans l’État de Rakhine, « rien n’a été fait pour arrêter les provocateurs », a déclaré Chris Lewa, directrice du Projet Arakan.

L’aide humanitaire dans la tourmente

D’après le gouvernement, malgré l’insécurité, il reste encore 10 organisations internationales à l’œuvre dans environ 90 camps de réfugiés dans l’État de Rakhine.

« Les besoins les plus urgents sont dans l’ordre : la nourriture, le logement, les médicaments et la scolarisation », a déclaré Oddny Gunmaer, fondatrice et directrice de plaidoyer pour Partners Relief & Development, une ONG internationale qui assure une aide d’urgence dans l’État de Rakhine depuis six mois.

Partners Relief & Development estime que des dizaines de milliers de PDIP vivent actuellement dans des « abris rudimentaires » dans des zones non recensées. Les ONG ont signalé qu’ils reçoivent peu voire aucune aide gouvernementale et internationale dont les camps officiels bénéficient.

Trouver des logements pour les PDIP non recensés, dont beaucoup vivent en marge des camps officiels dans des huttes de paille recouvertes de chaume, devient un besoin urgent à l’approche de la mousson qui débute en mai.

ECHO a déclaré que les autorités doivent également affecter des terrains sûrs pour les camps exposés à un risque d’inondation imminent.

Une étude du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), réalisée en juillet dernier, mentionne un autre problème critique : à Sittwe, capitale l’État de Rakhine, 23,4 pour cent des enfants âgés de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë, à la fois générale et grave ; 2 000 enfants sont en danger de mort.

« Un garçon de quatre ans et demi est venu à la clinique en décembre dernier ; il n’avait rien ingurgité d’autre que de l’eau depuis 15 jours et il pesait seulement 6 kg », a ajouté Mme Gunmaer.

À l’occasion d’une récente réunion avec le Comité central pour le rétablissement de la paix et de la stabilité dans l’État de Rakhine, une délégation parlementaire mise en place pour rétablir la sécurité au Rakhine, le président U Thein Sein a remercié les organisations des Nations Unies pour leur présence et leur aide auprès des PDIP et il a déclaré que le rétablissement de la paix et de la stabilité au Rakhine était « indispensable ».

dm/pt/rz-fc/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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