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Améliorer la résilience au changement climatique dans les bidonvilles kenyans

Mukulu slum, Nairobi Lou del Bello/IRIN

La vie dans le bidonville kenyan de Mukuru est difficile, mais quand il pleut, elle devient franchement misérable : les rues et les habitations sont inondées et les égouts débordent. 

Chaque pluie torrentielle rend la plus grande zone d’implantations sauvages de Nairobi un peu plus miteuse, un peu plus pauvre et sa population un peu plus précaire.

D’après les projections climatiques pour l’Afrique de l’Est, les pluies devraient augmenter dans certains secteurs de la région, ce qui aura des conséquences pour les plus vulnérables, c’est-à-dire, notamment, pour les 60 pour cent des habitants de la capitale qui vivent actuellement dans des implantations sauvages.

Se promener dans Mukuru suffit à se rendre compte de l’ampleur des difficultés. Dans une cour transformée en mare depuis la dernière crue éclair se reflètent les baraques en métal qui l’entourent et qui demeureront inaccessibles tant que l’eau ne se sera pas évaporée, ce qui pourrait prendre plusieurs semaines.

Pour rejoindre la rue principale, les habitants traversent la cour en sautant sur les pierres à peine apparentes à la surface de l’eau. À quelques pas de là, un pont enjambe la rivière et mène à l’autre partie du bidonville, où se trouve l’école. Lorsque la rivière sort de son lit, le pont est inaccessible et les enfants ne peuvent plus se rendre en cours, parfois pendant des mois.

Insécurité

Il est particulièrement difficile de trouver des solutions à la situation de Mukuru, car une partie du bidonville est construite sur un terrain privé. Les habitants subissent donc une grande insécurité foncière : ils risquent à tout moment d’être expulsés et de perdre le peu qu’ils ont. Une situation qui ne les incite pas à faire des projets sur le long terme. 

Mukuru slum, Nairobi
Lou del Bello/IRIN
When the river floods it get a lot worse

Sachant que ces risques vont être amplifiés par le changement climatique, des militants d’universités et d’instituts de recherche locaux se rassemblent pour mener des actions à Mukuru. Ils tentent de renforcer la résilience des habitants en concertation avec ces derniers et mettent au point des outils juridiques et financiers pour obliger les autorités locales à leur rendre des comptes.

Shadrack Mbaka, de Slum Dwellers International (SDI), est l’un des cerveaux du projet. Ce qui l’a poussé à agir, c’est de voir que « les implantations sauvages [ont] été écartées des projets de développement » de la mairie de Nairobi.

SDI mène des études en partenariat avec l’université Strathmore, le Centre de recherches pour le développement international, l’université de Nairobi, l’institut Katiba et Muungano wa Wanavijiji, un réseau d’habitants de bidonvilles, afin de mettre au point des recommandations pour améliorer Mukuru. 

L’absence d’eau courante et d’assainissement est l’un des principaux problèmes du bidonville. Sur plus de 800 foyers interrogés à Mukuru, seulement quatre pour cent disposaient d’une salle de bain adéquate, seulement sept pour cent de toilettes correctes et à peine 29 pour cent avaient un accès à l’eau suffisant.

Christine Wayua subvient aux besoins de sa famille en confectionnant des bijoux en perles multicolores. Elle travaille sur un petit établi devant sa maison, dans un étroit passage qui donne sur l’une des rues principales de Mukuru.

« Lorsqu’il pleut, c’est une catastrophe pour les habitants », a-t-elle dit à IRIN. « Il y a beaucoup d’inondations et ce n’est pas que de l’eau de pluie : c’est de l’eau mélangée aux égouts et ça entre dans les maisons. » 

Cela peut conduire à des épidémies de maladies liées à l’eau, comme le choléra, qui n’est pas rare dans les bidonvilles kenyans.

Resident Christine Wayua strings beads in Mukuru
Lou del Bello/IRIN
Christine Wayua at work

Profilage

SDI et ses partenaires tentent de trouver des solutions à la vulnérabilité des habitants du bidonville en partant des initiatives locales, avec l’aide de personnes comme Mme Wayua. 

Ils ont commencé par établir le profil de Mukuru, en comptant les habitants et les ménages. Ils se sont ensuite réunis avec la population pour imaginer de nouvelles infrastructures mieux conçues pour le bidonville. Ils sont ainsi parvenus à un projet concerté, grâce auquel ils peuvent susciter l'attention des responsables politiques, qui étaient jusqu’à présent restés sourds aux besoins du bidonville.

Mme Wayua a conscience du changement climatique et reconnaît qu’il peut exacerber les problèmes de la communauté. Mais elle est pragmatique et cherche à aller à l’essentiel plutôt qu’à se préparer pour l’avenir.

En ce qui concerne Mukuru, elle pense que la propriété foncière est la source du problème. « Nous avons besoin de davantage de garanties nous assurant que nous pourrons continuer à occuper ce terrain à l’avenir, » a-t-elle expliqué.

La coalition de militants qui s’est attelée à trouver des solutions pour Mukuru étudie différentes stratégies pour améliorer le régime foncier et les droits de propriété, en convertissant par exemple des propriétés privées en terrains communautaires, puis en établissant un fonds foncier communautaire. Ce fonds permettra de défendre les droits constitutionnels d’accès au logement, à l’eau, à la santé et à l’assainissement.

Regardez le film d’IRIN sur Mukuru : The Right to Stay (Le droit de rester)

Une autre approche consiste à favoriser l’habitabilité, la sécurité et l’accessibilité économique. Cela passe notamment par des initiatives visant à améliorer les services grâce à des « partenariats communautaires » et des « structures de gestion communautaire ». Ces initiatives cherchent notamment à contrer l’influence des cartels, qui contrôlent les services et font que les prix à Mukuru, comme dans d’autres bidonvilles, sont plus élevés que dans les banlieues de classe moyenne de Nairobi.

« Il est essentiel que les gens réalisent que c’est à eux de protéger et d’améliorer la communauté, » a dit Mme Wayua.

Elle a donné l’exemple d’un endroit désigné comme décharge, où la communauté pouvait se débarrasser de ses déchets : « Mais personne ne veut y apporter ses déchets. Ils les jettent dans n’importe quel espace inoccupé le plus proche. »

Selon M. Mbaka, la population s’investit de plus en plus et cela va entraîner un changement de comportement. Même la collecte des déchets pourrait, à terme, être une réussite.

Trying to make ends meet in Mukuru
Lou del Bello/IRIN
Trying to make ends meet in Mukuru

Citadins pauvres

Répondre aux « réalités complexes de Mukuru » permettrait de développer des « solutions à long terme » dont pourront bénéficier les autres bidonvilles du Kenya, peut-on lire dans une étude de l’université Strathmore.

Nairobi compte 158 implantations sauvages surpeuplées. La majorité de la population de la ville y vit, mais elles n’occupent que 1,6 pour cent de la superficie territoriale. 

Ces terrains d’une superficie marginale sont exposés aux catastrophes naturelles et les habitations sont généralement peu solides. Mais les citadins pauvres sont particulièrement vulnérables en raison du « manque de préparation aux risques et de l’incapacité à réagir lorsqu’un malheur se produit », a dit David Dodman, spécialiste en résilience auprès de l’Institut international pour l’environnement et le développement. 

« On ne peut dissocier le processus de croissance démographique rapide, qui se traduit par un nombre grandissant de personnes vivant dans des lieux de plus en plus dangereux, des changements que connaît actuellement le climat et qui pourraient rendre ces lieux encore plus risqués. »

ldb/oa/ag-ld/amz

PHOTO DE COUVERTURE : Mukuru après la pluie. Par Lou del Bello

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