L'Inde a effectué « un travail remarquable » pour limiter le nombre de victimes du cyclone Phailin qui a frappé la côte orientale du pays le 12 octobre, note Tom Mitchell, responsable du programme sur le changement climatique de l'ODI. Le bilan s'élève actuellement à 38 victimes. En comparaison, le cyclone qui a balayé l'État d'Odisha en 1999 avait fait plus de 10 000 victimes.
Au moins 12 millions d'habitants des États les plus pauvres de l'Inde - Odisha, Andhra Pradesh et Bihar - ont été touchés par le cyclone Phailin et leurs moyens de subsistance ont été détruits, ce qui a renforcé leur vulnérabilité aux catastrophes naturelles et les a enfoncés un peu plus dans la pauvreté, a dit M. Mitchell. On ne dispose pas, pour l'heure, d'estimations officielles, car une partie des zones touchées se trouvent toujours sous les eaux, mais le gouvernement a reconnu que les biens, les cultures et le bétail ont subi des « dégâts importants ».
M. Mitchell a pris en compte l'impact du cyclone Phailin pour illustrer les conclusions de la dernière étude de l'ODI, qui examine le parallèle entre les futures concentrations de pauvreté et les zones les plus susceptibles d'être exposées aux catastrophes naturelles comme les sécheresses et les inondations. Selon l'étude, dont M. Mitchell est l'un des co-auteurs, dans deux décennies, l'Inde possèdera le plus grand nombre de personnes « encore susceptibles de se trouver en situation de pauvreté en 2030 et une des populations les plus exposées aux risques ».
Sandeep Chachra, directeur administratif d'ActionAid India, note que « l'ampleur des destructions, combinée à la fréquence croissante de ces phénomènes climatiques extrêmes, anéantit les années de travail consacrées au développement par les gouvernements et les organisations de la société civile ».
Pour ces raisons, les interventions liées au changement climatique et aux catastrophes naturelles doivent être associées étroitement aux efforts de réduction de la pauvreté figurant à l'agenda du développement pour l'après-2015, selon les spécialistes.
Faire le lien entre les catastrophes et la pauvreté
L'étude de l'ODI, intitulée La géographie de la pauvreté, des catastrophes et des conditions climatiques extrêmes en 2030, remet en cause la sagesse de l'une des recommandations du Groupe de personnalités de haut niveau des Nations Unies fixant la date limite de l'éradication de la pauvreté sous toutes ses formes à 2030. Le Groupe de personnalités de haut niveau des Nations Unies - co-présidé par Susilo Bambang Yudhoyono, le président indonésien, Ellen Johnson Sirleaf, la présidente libérienne, et David Cameron, le Premier ministre du Royaume-Uni - a été chargé de proposer un cadre de développement global pour l'après-2015, le délai limite pour la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).
« Si la communauté internationale est réellement déterminée à éradiquer la pauvreté d'ici à 2030, alors elle doit placer la GRC [gestion des risques de catastrophes] au cour des efforts d'éradication de la pauvreté », indique le rapport. « Sans cela, l'objectif d'éradication de la pauvreté ne sera pas atteint ».
Le rapport de l'ODI, qui étudie la relation entre les catastrophes et la pauvreté, conclut « qu'en 2030, jusqu'à 325 millions de personnes extrêmement pauvres pourraient vivre dans les 49 pays les plus exposés aux risques de catastrophes naturelles et de conditions climatiques extrêmes si aucune action concertée n'est réalisée ".
« Nous suggérons qu'une cible soit ajoutée à l'objectif de développement d'éradication de la pauvreté post-2015 : pour 'construire la résilience et réduire le nombre de victimes causées par les catastrophes' », a dit M. Mitchell.
Neha Rai, chercheuse auprès de l'Institut international de l'environnement et du développement (IIED), approuve les conclusions du rapport : « Il est fondamental que l'agenda de l'après-2015 intègre des cibles en matière de catastrophes naturelles et de changement climatique. Cela arrivera si les objectifs de l'après-2015 mettent au cour des agendas mondiaux et nationaux les objectifs de développement durable [une conclusion proposée par Rio+20]. Sur le terrain, cela nécessiterait une planification concertée des questions de développement et de changement climatique ».
Elle a expliqué que cela se produisait dans certains pays déjà, comme le Bangladesh et le Népal qui « voient un lien direct entre la réduction de la vulnérabilité et les investissements dans la gestion globale des catastrophes et les actions d'adaptation ».
Les ministres de ces pays « intègrent donc la résilience au climat dans la planification du développement », a-t-elle dit dans un email à IRIN.
Nécessité d'instaurer des changements fondamentaux
Mais l'État Odisha n'a pas suivi cet exemple. « La préparation [aux catastrophes] ne commence pas ou ne s'arrête pas en envoyant d'urgence des personnes dans des abris », a noté le journaliste Jay Mazoomdar dans un article publié sur le site d'investigation indien Tehelka.
Selon M. Mazoomdar, si les autorités de l'État d'Odisha compétentes en matière de catastrophes avaient réalisé une étude pour identifier les zones et les communautés vulnérables aux catastrophes, cela aurait permis d'atténuer l'impact du cyclone. Par exemple, une étude aurait permis de mettre en place une « évacuation ciblée », qui « aurait permis aux populations d'avoir davantage de temps et d'espace pour minimiser d'autres pertes. Le bétail aurait pu être mieux protégé. Les familles évacuées auraient pu mettre davantage de biens à l'abri. Les opérations de secours et de réhabilitation auraient été moins difficiles, plus rapides et plus efficaces ».
Mme Rai de l'IIED indiquent qu'il faut changer la planification gouvernementale pour améliorer la résilience face aux chocs climatiques et à la réduction de la pauvreté.
« Sur le plan conceptuel, cela impliquerait également de supprimer les contradictions entre les OMD axés sur la croissance et le développement durable. Cela nécessiterait de redéfinir le développement - compris comme la croissance économique - pour réaliser les OMD », a-t-elle dit.
« Le modèle actuel, qui est centré sur la croissance, aggrave les problèmes induits par le climat (il se caractérise par une augmentation des gaz à effets de serre), ce qui entraîne un accroissement des vulnérabilités à long terme. Compter sur un développement modeste et écologique de tous les membres de la communauté internationale (pays développés, pays en développement) pourrait nous aider à réaliser les objectifs de l'après-2015 d'une manière collaborative », a expliqué Mme Rai.
Elle se fait l'écho des propos tenus par un groupe de scientifiques éminents dans une tribune publiée en début d'année : « Il ne suffit pas de prolonger les OMD, comme certains le suggèrent, car les hommes transforment la planète de diverses manières, ce qui pourraient saper les acquis du développement ». Les populations sont de plus en plus exposées à un nombre croissant de chocs climatiques.
Selon M. Mitchell, l'objectif de développement devrait garantir que la gestion des risques de catastrophes ne s'axe pas seulement sur le fait de sauver des vies, mais aussi sur la protection des moyens de subsistance.
L'étude de l'ODI s'inscrit dans la lignée des appels de la communauté internationale en faveur de la prise en compte des relations entre les chocs climatiques, la gestion des risques de catastrophes et les objectifs de développement, pas uniquement dans le contexte des OMD, mais dans le traité climatique nouvellement proposé, et d'un nouveau projet pour protéger l'humanité des catastrophes naturelles et remplacer le traité de Hyogo - ce qui interviendra en 2015.
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