Le dernier rapport d’évaluation sur le changement climatique de l’autorité de référence mondiale a été publié et les nouvelles ne sont pas bonnes. Ce rapport aura-t-il un impact sur la conférence annuelle des Nations Unies qui se déroulera en Pologne dans quelques semaines et qui doit déboucher sur un accord pour ralentir le réchauffement climatique ?
IRIN a interrogé quelques experts sur les négociations et l’impact possible du Cinquième rapport d’évaluation (AR5) – réalisé par le groupe de travail I du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) – sur la conférence de Varsovie, qui se tiendra du 11 au 22 novembre.
À l’occasion de la sortie du rapport, Thomas Stocker, coprésident du groupe de travail, a indiqué qu’en 2011, les émissions rejetées représentaient déjà plus de la moitié de l’objectif du bilan carbone, fixé pour empêcher une augmentation des températures du globe de deux degrés Celsius – un niveau que les scientifiques jugent catastrophique pour l’humanité depuis longtemps.
Si le réchauffement continue à ce rythme, nous pourrions subir les pires conséquences du changement climatique d’ici les 20 ou 30 prochaines années. Le concept de bilan carbone n’est pas nouveau, mais c’est la première fois qu’il est utilisé par le GIEC pour illustrer la gravité de la situation. D’après une autre prédiction inquiétante de M. Stocker, les températures du globe terrestre devraient, dans tous les cas, augmenter d’un degré et demi d’ici la fin du siècle.
Le GIEC a envisagé quatre scénarios possibles, fondés sur différents niveaux d’émissions de dioxyde de carbone d’origine humaine – des niveaux de 15 à 40 pour cent des émissions présentes pendant plus de 1 000 ans dans l’atmosphère – et un réchauffement continu de l’atmosphère.
« La possibilité offerte par le bilan carbone d’une transparence accrue et de l’obligation de rendre des comptes peut inciter certains pays à réviser leurs engagements et encourager les autres à faire de même »
Ces conclusions vont-elles être débattues par les participants de la 19e Conférence des Parties (COP19) de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) à Varsovie ?
Selon Sven Harmeling, coordonnateur du plaidoyer sur le changement climat auprès de l’ONG CARE International, le concept de « bilan carbone » implique clairement que l’on ne peut pas se contenter de prévoir des objectifs de réduction des émissions pour une année donnée comme 2050, ce qui est souvent au centre du débat. « Si nous nous y prenons trop tard pour commencer à réduire les émissions, le "bilan carbone" sera pratiquement épuisé - ce qui signifie que le peu de carbone restant nous permettra de tenir à peine plus d’une vingtaine d’années. Ceux qui disent que nous avons encore le temps de réfléchir à d’autres options se trompent. Plus de la moitié du bilan carbone a déjà été utilisé – ce qui est extrêmement inquiétant, car il n’y aura pas de réduction drastique des émissions du jour au lendemain. »
Selon M. Harmeling, c’est « un signal d’alarme à prendre très au sérieux » et « les gouvernements doivent s’employer à plafonner les émissions le plus tôt possible, puis de les diminuer, indépendamment des données sur le bilan carbone. Plus vite nous changerons complètement de système en faveur d’un développement à faibles émissions, mieux ce sera. »
Ce n’est plus une question secondaire
Selon Harjeet Singh, coordinateur international pour la réduction des risques de catastrophes (RRC) et l’adaptation au changement climatique (ACC) à ActionAid, les discussions sur le « bilan carbone » dans les négociations de la CCNUCC ont jusqu’à présent été « largement reléguées au "second plan" ». Mais, comme le GIEC a souligné le problème, M. Singh pense que cela va « devenir un élément clé des négociations officielles à Varsovie ».
« Le rapport a une nouvelle fois montré le besoin urgent de réduire les émissions », a déclaré M. Singh. « [La] conférence de Varsovie doit fixer des objectifs ambitieux pour les pays développés… et accorder des financements aux pays en voie de développement pour leur permettre de prendre un chemin plus écologique et de lutter contre les effets du changement climatique. »
Richard Klein, un scientifique du Stockholm Environment Institute (SEI), a affirmé que « la notion de "bilan carbone" était une bonne façon d’illustrer l’ampleur du problème ». M. Klein est également l’un des principaux auteurs du rapport spécial sur la gestion des risques d’événements extrêmes et de catastrophes en vue d’une meilleure adaptation aux changements climatiques [Managing the Risks of Extreme Events and Disasters to Advance Climate Change (SREX)] publié par le GIEC. « Les représentants des pays [à Varsovie], ainsi que tous ceux qui s’intéressent aux résultats des débats sur le climat, prendront note des conclusions du GIEC, mais je doute que cela change subitement la dynamique des négociations », a-t-il déclaré.
« La possibilité offerte par le bilan carbone d’une transparence accrue et de l’obligation de rendre des comptes peut inciter certains pays à réviser leurs engagements et encourager les autres à faire de même », a ajouté M. Klein dans un courriel adressé à IRIN. « Quoiqu’il en soit, je pense que le bilan carbone est un puissant outil de communication pour informer le public et les autres parties prenantes de "l’écart des émissions" (la différence entre les réductions d’émissions totales nécessaires et les réductions totales d’émissions promises par l’ensemble des pays). »
Saleemul Huq, un scientifique de l’Institut international de l’environnement et du développement (IIED), est l’un des auteurs du prochain rapport du groupe de travail II du GIEC qui portera sur les effets du changement climatique. Selon lui, même si le «bilan carbone » est un « concept utile », il aura certainement plus d’impact lors de la COP21, qui se tiendra en 2015.
En 2012, tous les participants de la CCNUCC ont décidé la mise en place d’une procédure d’examen d’une durée de trois ans. Cette procédure a pour rôle de vérifier la pertinence des objectifs de réduction des émissions qui visent à maintenir la hausse des températures du globe en dessous de 1,5 degré Celsius. Elle doit aussi vérifier si le monde est sur la bonne voie pour réduire suffisamment les émissions et ralentir ainsi le changement climatique.
La procédure d’examen rendra son rapport à l’occasion de la COP21, rapport dont s’inspirera le nouvel accord de lutte contre le changement climatique.
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