Cette politique est le résultat de plus d’un an de consultations, mais les responsables de l’aide reconnaissent que le plus difficile est à venir : le gouvernement doit encore mettre en pratique la politique avec le soutien des organisations d’aide humanitaire.
« Les PDIP ne veulent pas d’une aide d’urgence – des tentes, des abris, de l’aide alimentaire, etc. Elles veulent des solutions », a dit Aidan O’Leary, chef du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) en Afghanistan.
La nouvelle politique sur les PDIP est confrontée à une réalité difficile sur le terrain. Celle-ci a récemment été illustrée par l’exode des agriculteurs des provinces de Ghor et de Badghis affectés par la sécheresse et les conflits vers la ville de Hérat, à l’ouest du pays. Les responsables du gouvernement local souhaitent toujours que les PDIP rentrent rapidement chez elles, mais celles-ci ont tendance à vouloir rester.
« Je pense que l’aspect clé de la politique sur les PDIP qui est avancé est d’élaborer une gamme plus large de solutions plutôt que de simplement dire aux gens “retournez là d’où vous êtes venus”. Le modèle d’urbanisation a en effet démontré que les gens qui migrent vers les centres urbains ont tendance à ne pas retourner dans les régions rurales par la suite. »
Partir ou rester
Selon des interviews menées par IRIN sur trois sites différents de la ville et de la périphérie, les 1 700 familles qui sont arrivées à Hérat depuis le mois d’octobre n’ont pas vraiment l’intention de partir, comme de nombreuses vagues de PDIP avant elles.
Les autorités locales ne semblent cependant pas se préparer à ce que les PDIP décident de rester.
La majorité des PDIP ont été réinstallées à Sa’adat, un site situé à 35 kilomètres à l’ouest de Hérat, où elles restent dans des maisons appartenant à des réfugiés de retour d’Iran. Là-bas, elles sont sous la responsabilité de l’Autorité afghane de gestion des catastrophes (Afghanistan National Disaster Management Authority, ANDMA), une agence d’État bénéficiant de moyens importants, pour une « phase d’urgence » de trois mois.
« Le gouvernement devra ensuite trouver une solution pour ces personnes », a dit le chef de l’ANDMA, Abdul Hamid Mubariz Hamidy.
« Quand vous demandez ce qui arrivera à la fin des trois mois, on vous regarde avec l’air de dire que la solution au problème viendra de Dieu », a dit à IRIN un travailleur humanitaire afghan chevronné qui n’a pas été autorisé à s’exprimer publiquement.
Même si elles ont quitté leurs foyers pendant une sécheresse généralisée, les PDIP citent l’insécurité comme la raison principale de leur fuite. Elles ne s’attendent pas à ce que la situation sécuritaire s’améliore suffisamment pour leur permettre de rentrer chez elles au cours des prochains mois.
Les PDIP sont souvent considérées d’un mauvais œil par les habitants de Hérat. « Il y a deux façons de voir les déplacés », a dit M. Hamidy. « L’une est une réaction d’ordre émotif : nous devons aider nos frères musulmans. L’autre s’appuie sur la perception selon laquelle ces personnes sont à l’origine de tous les problèmes à Hérat. Qu’il y a de bonnes conditions de vie ici et qu’elles sont responsables de tous les cas de kidnapping et de trafic de drogue. »
La nouvelle politique sur les PDIP est conçue pour coordonner les efforts de l’ensemble des ministères et des départements gouvernementaux sur les questions associées aux PDIP, plutôt que de tout laisser entre les mains du département des réfugiés et du rapatriement et du HCR.
Selon les travailleurs humanitaires, un certain nombre de questions devraient déjà être prises en considération une fois que l’on reconnaîtra que le déplacement des agriculteurs de Ghor-Badghis risque de se prolonger.
À la fin de l’hiver, l’école reprendra, mais rien ne semble avoir été prévu pour les enfants déplacés, qui vivent loin des écoles de la ville. Il faut par ailleurs commencer à planifier et faciliter dès maintenant le retour des familles qui souhaitent rentrer chez elles. Enfin, le site de Sa’adat, actuellement occupé par les PDIP, est une propriété privée et a été choisi pour les accueillir de manière temporaire seulement.
Selon de nombreux travailleurs humanitaires, les responsables du gouvernement semblent se satisfaire de gérer les questions relatives aux PDIP en adoptant des mesures ponctuelles et à court terme. Ils attendent de voir comment la nouvelle politique sur les PDIP sera mise en œuvre sur le terrain.
« Je ne pense pas qu’il y ait de gros changements dans les trois prochains mois », a dit Qader Rahimi, gestionnaire de programme régional auprès de la Commission indépendante afghane des droits de l’homme. « Ce n’est pas la première fois qu’il y a des déplacements – cela fait 20 ans [qu’il y en a]. Mais ce n’est jamais la faute de personne ! On met l’accent sur la charité. On parle d’un gouvernement riche qui fournit une aide plutôt que d’un gouvernement qui prend ses responsabilités au sérieux », a dit M. Rahimi.
À la fin de la phase d’urgence de trois mois, on s’attend à ce que l’aide humanitaire accordée aux PDIP des provinces de Ghor et de Badghis diminue, et à ce que les familles soient plus nombreuses à chercher le moyen de retourner à Hérat pour y trouver du travail.
Les brillantes lumières de la ville
Si l’on souhaite mettre en œuvre des solutions qui fonctionnent pour les PDIP, il faut notamment reconnaître qu’elles font partie d’un processus de migration urbaine plus vaste et que la ville leur offre une meilleure vie.
Les trois quarts des Afghans vivent dans les zones rurales, mais 40 pour cent des PDIP sont installées dans les zones urbaines, où elles ont plus facilement accès aux emplois et aux services essentiels offerts par le gouvernement et où elles peuvent, comme l’indique un travailleur humanitaire, se rapprocher de « l’Afghanistan moderne ».
« Je pense que c’est le fait de prendre conscience que les PDIP sont mieux là où elles sont que là d’où elles viennent », a dit M. O’Leary. « Je pense que c’est cette réalité objective, ce que les déplacés eux-mêmes cherchent, qui doit être au cœur de l’approche adoptée. Parce que si vous n’avez pas leur assentiment, oui, il se peut qu’ils partent de manière temporaire, mais ils risquent aussi de revenir. »
Dans ce contexte de déplacement prolongé, il devient de plus en plus difficile de distinguer les nouvelles PDIP de celles qui appartenaient aux vagues précédentes et des membres de la communauté locale. Tous les groupes sont confrontés à des besoins humanitaires chroniques en raison de l’échec des efforts de développement et de près de quatre décennies de guerre.
En vertu de la constitution, les citoyens afghans peuvent vivre là où ils le souhaitent. Pourtant, les déplacés à long terme sont toujours stigmatisés en raison d’un manque de volonté du gouvernement de faciliter leur intégration.
« Nous appelons encore PDIP des gens qui ont quitté leurs foyers il y a 20 ans, alors même que nous entrons dans la génération suivante. Il devrait y avoir des limites », a dit M. Rahimi. « Pendant combien de temps une personne doit-elle être considérée comme une PDIP ? En 20 ans, nous avons eu trois ou quatre gouvernements différents et les besoins des PDIP n’ont pas changé. Les PDIP sont au même endroit, et elles ne rentrent pas chez elles. Pourquoi n’y a-t-il aucun plan [pour faciliter leur intégration] ? »
Solutions durables
Quand les PDIP originaires de Ghor et de Badghis sont arrivées à Hérat, « la réaction immédiate a été : “ces personnes doivent rentrer chez elles” », a dit un travailleur humanitaire afghan.
La nouvelle politique gouvernementale sur les PDIP devrait permettre l’élaboration de solutions plus pratiques pour les PDIP, à condition qu’elle soit appliquée. Les travailleurs humanitaires attendent avec impatience l’adoption d’un plan d’action bien conçu pour faciliter sa mise en œuvre.
D’ici là toutefois, ils se contentent de fournir une aide humanitaire d’urgence tandis que les problèmes de sous-développement sous-jacents continuent de provoquer de nouvelles vagues de déplacés.
« Le problème, c’est que nous ne nous attaquons pas aux racines, aux causes sous-jacentes », a dit M. O’Leary. « Il y a eu des progrès en matière de développement, indéniablement, mais ce n’est pas suffisant par rapport à l’ampleur des problèmes que nous avons ici. »
La sécheresse qui a touché le centre de l’Afghanistan l’an dernier n’avait rien d’inhabituel. « C’est l’une de ces situations humanitaires qui est due à un manque [d’efforts] de développement. Lorsque l’on a eu neuf sécheresses en 13 ans, on sait que la cause du problème est l’eau et qu’il serait préférable d’améliorer l’irrigation plutôt que de répondre chaque année à une situation de sécheresse », a dit Nigel Jenkins, directeur pays pour l’International Rescue Committee (IRC).
« Je pense que ce genre de choses arrive souvent en Afghanistan. Je pense qu’il est juste de dire – sans provoquer de controverse – qu’il y a eu un manque [d’efforts] de développement au fil des ans et que c’est ce qui a mené à la crise humanitaire actuelle. »
Les organisations d’aide humanitaire savent mieux comment conserver des stocks d’urgence près de ceux qui pourraient avoir besoin d’aide. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) gère 21 entrepôts répartis sur 15 sites à travers le pays, mais elle a quand même besoin d’informations précises sur les besoins locaux. Les travailleurs humanitaires se plaignent d’un manque de surveillance en matière de protection de routine et d’un manque de réflexion stratégique sur les causes des déplacements.
En raison de l’insécurité notamment, les dynamiques locales des provinces comme celle de Ghor sont mal comprises et les besoins de leurs habitants reçoivent peu d’attention.
« Pourquoi le gouvernement ne se préoccupe-t-il pas des PDIP lorsqu’elles sont dans leurs propres provinces ? Pourquoi la communauté humanitaire internationale ne s’intéresse-t-elle pas à elles lorsqu’elles sont déplacées à l’intérieur de leurs propres provinces ? Pourquoi doivent-elles aller aussi loin avant d’obtenir un bout de pain ? » s’interroge M. Rahimi.
L’amélioration de l’efficacité et de la rapidité de l’aide et l’accroissement de la portée des efforts de développement pourraient contribuer à mettre fin à cet exode, mais il faut savoir que lorsque les PDIP quittent une région rurale, il n’y a plus grand-chose qui les pousse à y retourner.
« Elles laissent tout derrière elles. Après un an, la hutte de boue est détruite, le système d’irrigation est inutilisable, les fermes [sont] en mauvais état et les arbres ont été coupés. Il ne leur reste rien si elles décident de rentrer chez elles. Il est dès lors normal qu’elles soient réticentes à le faire », a dit M. Rahimi.
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