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Les réfugiés afghans au Pakistan attendent des réformes

A refugee from Afghanistan looks on from a camp near the Pakistan-Afghanistan border. Afghanistan continues to be a war torn country with periodic heavy fighting between US military forces and the Taliban David Longstreath/IRIN
Dès qu’il y a des nouvelles sur l’Afghanistan, Mohibullah Mughal écoute attentivement le petit poste de télévision du salon de thé à côté de son stand de nourriture. Il se tient au courant des derniers évènements sur le retrait anticipé de la majorité des forces étrangères l’année prochaine, les élections présidentielles programmées et les efforts pour négocier la paix avec les talibans.

Ensuite, M. Mughal explique qu’il oublie tout cela.

« Pourquoi les nouvelles d’Afghanistan devraient-elles me préoccuper », a affirmé M. Mughal, « alors que tout le monde sait que les choses ne s’amélioreront jamais ? »

M. Mughal, 29 ans, fait partie des 1,6 million de réfugiés afghans enregistrés auprès du gouvernement pakistanais. Juste avant l’expiration en juin des cartes des réfugiés enregistrés, le gouvernement a prolongé leur validité une nouvelle fois - jusqu’à fin 2015.

Mais cette mesure, félicitée par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), plusieurs organisations humanitaires et le gouvernement afghan, ne serait pas suffisante pour réduire l’incertitude qui pèse sur les réfugiés afghans, à la fois concernant leur vie au Pakistan et l’avenir de leur pays en proie à l’instabilité.

Efforts pour améliorer les conditions de vie des réfugiés

Les efforts de rapatriement n’ayant pas eu les résultats escomptés par le gouvernement afghan et les organisations humanitaires, d’autres tentatives voient le jour pour améliorer le sort des réfugiés au Pakistan. Kaboul et le HCR ont demandé au gouvernement pakistanais d’accorder certains avantages aux réfugiés enregistrés, tels que la possibilité d’ouvrir un compte bancaire, de prendre un abonnement de téléphonie mobile et d’obtenir un permis de conduire.

Jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’avancée à ce niveau.

« Nous savons que les conditions sont loin d’être idéales en Afghanistan et il est normal que les réfugiés n’aient pas envie de rentrer dans ces conditions », a déclaré à IRIN un haut diplomate occidental chargé des questions relatives aux réfugiés. Il a demandé à garder l’anonymat, à cause du caractère sensible des discussions actuelles sur le sujet. « Donc l’idée derrière ces propositions, telle que la détention d’un compte bancaire, est de faciliter autant que possible leur vie ici ».

Le gouvernement pakistanais doit décider d’autoriser ou non les réfugiés afghans à ouvrir un compte bancaire, à acheter une carte SIM ou à obtenir un permis de conduire. « Nous avons reçu cette demande de nombreuses fois et nous y travaillons. Il faut arriver à se frayer un chemin entre les politiques et les règles existantes sur la question. Ce ne sera possible qu’à cette condition », a déclaré à IRIN un fonctionnaire pakistanais de la Commission pour les réfugiés afghans dans la province de Khyber Pakhtunkhwa. Il a demandé à garder l’anonymat, car il n’a pas le droit de parler aux médias. « Pour être honnête, nous ne savons pas quand ce sera possible. »

Ces droits, bien qu’élémentaires, amélioreraient considérablement la situation, affirment les réfugiés afghans, notamment le droit de déposer ses économies sur un compte bancaire.

« Je ne compte plus le nombre de fois où des policiers m’ont arrêté sans raison et m’ont forcé à leur verser des pots-de-vin, seulement parce que je suis afghan », a déclaré Khan Mohammed, 24 ans. « J’avais une carte POR [de preuve d’enregistrement] valide. Cela n’a rien changé. »

M. Mohammed, qui travaille comme journalier dans l’un des plus grands marchés d’Islamabad, a expliqué qu’il se sentirait plus en sécurité s’il pouvait placer de l’argent sur un compte en banque et épargner le plus possible. Un permis de conduire, a-t-il dit, offrirait davantage de possibilités d’emploi.


D’après les témoignages de réfugiés recueillis par IRIN, même s’ils n’obtiennent pas ces avantages, ils préfèrent rester au Pakistan plutôt que de retourner en Afghanistan, à cause du manque de sécurité et de possibilités économiques là-bas.

« Nous sommes inquiets à chaque fois que la date d’expiration de nos cartes POR approche », a déclaré Saeed Anwar, un marchand de tissus de Haripur, une ville qui abrite la plus grande communauté de réfugiés au Pakistan, à une heure de route au nord d’Islamabad. « Nous ne savons pas ce qui va nous arriver, mais je ne prendrai pas le risque d’emmener mes enfants en Afghanistan. »

Lassitude vis-à-vis de l’asile

Les Afghans au Pakistan représentent l’une des plus grandes communautés de réfugiés au monde, déplacés par des décennies de conflit dans leur pays d’origine. D’après les estimations du gouvernement pakistanais, un million de réfugiés ne seraient pas enregistrés. M. Mughal, comme beaucoup de réfugiés afghans, est né au Pakistan après que ses parents ont fui la guerre dans les années 1980.

La situation est similaire en Iran, un pays qui accueille la deuxième plus grande population de réfugiés afghans. Le mois dernier, des centaines de milliers de réfugiés étaient menacés d’être rapatriés de force en Afghanistan.

Le HCR a déclaré que les autorités en Iran et au Pakistan éprouvaient une « lassitude vis-à-vis de l’asile » et étaient de plus en plus pressés de voir les réfugiés rentrer chez eux.

Malgré les efforts du gouvernement afghan et du HCR pour aider au rapatriement des réfugiés afghans, le nombre d’Afghans qui retournent dans leur pays est en baisse depuis quelques années. La violence qui règne dans le pays, notamment avec la résurgence des talibans au cours des sept dernières années, a découragé beaucoup de réfugiés désireux de rentrer chez eux.

Une enquête récente du Conseil danois pour les réfugiés (DRC) révèle que 83 pour cent des réfugiés afghans au Pakistan ne tiennent pas à rentrer chez eux.

« Je me suis rendu en Afghanistan cette année et les conditions là-bas sont terribles », a déclaré M. Mughal qui vend des hamburgers et des frites sur un stand dans la capitale pakistanaise, Islamabad. « Si vous portez la barbe, le gouvernement et les forces étrangères pensent que vous êtes un taliban et ils s’en prennent à vous. Si vous êtes rasé de près, les talibans pensent que vous êtes un espion américain. Alors, ils s’en prennent à vous. Personne n’est en sécurité. »

« L’Afghanistan était le pays de mes parents. Moi, je n’ai pas de pays. »
Du fait de la nature prolongée du déplacement, les analystes affirment que les réformes visant à accorder aux réfugiés plus de droits amélioreraient leur situation.

M. Anwar, âgé de 50 ans et arrivé au Pakistan à l’adolescence, affirme ne pas être bien traité par le propriétaire de son local de travail, car celui-ci fait payer des loyers plus chers aux réfugiés afghans. « Si je possédais un compte en banque, je serais reconnu sur le plan juridique ici, et peut-être qu’il ne se permettrait pas d’avoir ce genre de comportement. » M. Anwar déclare qu’il continuera à tenir sa petite boutique à Haripur ; ses deux tentatives de monter un commerce à Kaboul ont échoué.

À Islamabad, Mohibullah Mughal se plaint du même traitement de la part de l’homme qui lui loue l’emplacement de son stand et affirme que cela tient à son statut de réfugié afghan. Les lois pakistanaises n’autorisent pas l’acquisition de la citoyenneté à la naissance, ni la naturalisation des réfugiés.

« Chaque fois que je suis confronté à un policier qui me demande un pot-de-vin ou quand quelqu’un lance "Hé, l’Afghan" au lieu de m’appeler par mon nom, cela me rappelle que ce n’est pas mon pays », a déclaré M. Mughal.

« L’Afghanistan était le pays de mes parents. Moi, je n’ai pas de pays. »

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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