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Derrière la colonie israélienne E1

Water containers used by the villagers in Um al Khir. Carmel settlement can be seen in the background Shabtai Gold/IRIN

Le mois dernier, une mission d’enquête internationale sur les colonies israéliennes dans les Territoires palestiniens occupés (TPO) commandée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a révélé que les colonies constituaient une violation du droit international humanitaire et a appelé Israël à cesser son expansion territoriale immédiatement et à se retirer de ses implantations.

Un projet israélien controversé, appelé E1, visant à construire des milliers de logements et de chambres d’hôtel près de la colonie de Ma’ale Adummim est sous le feu des projecteurs, car il séparerait le quartier palestinien de Jérusalem Est du reste de la Cisjordanie. (Voir le briefing d’IRIN sur le plan E1 ici)

Mais dans le même temps, Israël continue son extension à une vitesse inhabituelle avec des projets de colonisation moins médiatisés.

Alors que le président Barack Obama s’apprête à visiter la région cette semaine, IRIN se penche sur certains éléments absents de la polémique.

Que prévoit le projet de Giv’at HaMatos ?

Selon l’organisation non gouvernementale (ONG) israélienne Ir Amim (« Cité des nations »), dont l’objectif est de maintenir Jérusalem comme ville à la fois israélienne et palestinienne, le plan d’implantation de Giv’at HaMatos est d’une « importance capitale ».

Dans un sens, Giv’at HaMatos fait dans le sud ce que E1 fait à l’est. Le projet d’un grand complexe résidentiel et hôtelier à la limite sud de Jérusalem constituerait un obstacle supplémentaire à la continuité du territoire entre Jérusalem-Est et le reste de la Cisjordanie, nécessaire à la création d’un futur État palestinien. D’après des organisations de défense des droits et de recherche, cela sonnerait le glas de la solution de deux États. Le projet marquerait aussi la première construction d’une colonie dans Jérusalem depuis 1997.

« Toutes les constructions sont problématiques mais il y a plusieurs projets qui sont, selon nous, plus dangereux s’ils sont mis en œuvre », a déclaré à IRIN Hagit Ofran, directeur de l’Observatoire de la colonisation de l’ONG israélienne Peace Now. « Giv’at HaMatos est le projet le plus dangereux et est désormais approuvé ».

Une partie du projet, qui vise à construire 2 612 unités, a été approuvée par le Comité régional de planification et de construction de Jérusalem le 19 décembre.

Une grande partie du territoire de Giv’at HaMatos est actuellement inhabitée, mais selon International Crisis Group (ICG), qui a récemment publié un rapport en deux parties sur l’avenir de Jérusalem Est, la construction prévue isolerait des quartiers arabes au sud de Jérusalem, comme Beit Safafa et Sharafat, les transformant en « enclaves palestiniennes ».

Giv’at HaMatos relierait d’autres colonies, qui sont en projet ou en cours d’extension, le long de la limite sud de Jérusalem, notamment Giv’at Yael au sud-ouest et Har Homa et Talpiyot-Est au sud-est, pour former « un long continuum de territoires juifs qui diviserait le continuum urbain de Bethléem du Jérusalem palestinien », a annoncé ICG. L’an dernier, le gouvernement israélien a également approuvé la construction de plus de 2 000 nouvelles unités dans le quartier voisin de Gilo.

Cette détermination à développer les colonies juives pourrait compliquer encore plus les pourparlers de paix.

« Du point de vue de l’opinion publique israélienne, Giv’at HaMatos se situe à la frontière municipale de Jérusalem », a affirmé M. Ofran. « Il est considéré comme une partie légitime d’Israël ».

Barak Cohen, conseiller de la municipalité de Jérusalem pour les affaires étrangères et les médias, a déclaré à IRIN que Giv’at HaMatos s’inscrivait dans « l’expansion naturelle et nécessaire » de Jérusalem et permettait aux propriétaires arabes et juifs de développer leurs territoires.

En effet, une partie du projet de Giv’at HaMatos, approuvée le 18 décembre, prévoit la construction de 549 unités pour les Palestiniens, même si Betty Herschman, directrice des relations internationales et du plaidoyer de l’ONG Ir Amim, indique qu’il s’agit plus de légaliser rétroactivement des bâtiments déjà construits que d’en construire de nouveaux. Les chiffres, a-t-elle ajouté, représentent un peu plus d’un cinquième de l’expansion juive.

Pourtant, a insisté M. Cohen, l’extension serait bénéfique pour Jérusalem dans son ensemble : « L’absence de projet et de développement des quartiers de Jérusalem finirait par nuire à tous les habitants et les propriétaires, tant arabes que juifs ».

L’an dernier, Israël a également lancé des appels d’offres pour la construction de 606 nouvelles unités résidentielles au nord de Jérusalem Est, dans la colonie de Ramot, juste au nord de la Ligne verte qui marque la frontière entre Israël et la Cisjordanie, et a approuvé 1 500 unités supplémentaires dans la colonie voisine de Ramot Shlomo, selon Ir Amim.

Quels sont les autres projets de colonisation ?

Selon l’Observatoire de la colonisation, en dehors de Jérusalem, un certain nombre de projets de colonisation se développent dans des zones contestées.

En juin 2012, le gouvernement israélien a annoncé la construction de 851 nouvelles unités en Cisjordanie, y compris plus de 230 unités dans les colonies contestées d’Ariel et d’Efrat. Comme Giv’at HaMatos, ces deux colonies rendent impossible la continuité du territoire palestinien, d’après l’Observatoire de la colonisation.

Dans l’ensemble, les colonies s’étendent beaucoup plus vite que l’an dernier.

Selon l’ONG Peace Now, en 2012, le gouvernement israélien a approuvé la construction de 6 676 unités résidentielles israéliennes en Cisjordanie, contre 1 607 unités en 2011 et plusieurs centaines en 2010.

Pour les projets qui ont déjà été approuvés, le gouvernement a lancé plus de 3 000 appels d’offres aux entrepreneurs de construction, plus que n’importe quelle autre année de la dernière décennie, d’après Peace Now.  Les travaux ont déjà commencé pour 1 747 habitations.

Indépendamment des colonies, les Palestiniens, notamment ceux de la zone C, subissent d’énormes pressions. Les dernières semaines ont marqué une hausse considérable des démolitions de constructions palestiniennes. Selon Displacement Working Group, un groupement d’organisations humanitaires qui viennent en aide aux familles déplacées, les forces israéliennes ont détruit 139 bâtiments palestiniens, dont 59 habitations en janvier, soit près du triple de la moyenne mensuelle de 2012. Les démolitions ont eu lieu dans Jérusalem Est et en Cisjordanie, en majorité dans la zone C, ce qui a causé le déplacement de 251 Palestiniens, dont plus de 150 enfants.

Le bureau du Coordonnateur des activités gouvernementales dans les territoires [palestiniens] (COGAT) a déclaré à IRIN qu’il n’y avait pas de lien entre la destruction des bâtiments construits illégalement et la construction des colonies israéliennes. « Toutes les constructions en Cisjordanie sont soumises à la réglementation et la législation en matière de construction et de planification, et les constructions illégales seront traitées en conséquence », a déclaré le bureau dans un courriel.

Quels sont les effets boule de neige ?

Les colonies sont souvent évoquées à travers le prisme de l’illégalité établie par le droit international humanitaire ou comme un obstacle au processus de paix entre Israël et les Palestiniens. Mais tout ce qui concerne les colonies, notamment les infrastructures exclusivement israéliennes, la barrière de séparation israélienne, les postes de contrôle, les restrictions de la liberté de circulation des Palestiniens, la suppression de la liberté d’expression et de la participation politique, ainsi que le contrôle des ressources naturelles palestiniennes, a des répercussions sur la société palestinienne et un impact catastrophique sur la population.

D’après les estimations des Nations Unies, il y a désormais 520 000 colons israéliens dans Jérusalem Est et en Cisjordanie, 43 pour cent du territoire étant réservé aux conseils municipaux et régionaux des colonies. Selon le Secrétaire général des Nations Unies, Israël a établi environ 8 pour cent de ses citoyens dans les TPO depuis les années 1970, transformant la composition géographique du territoire et éloignant encore plus le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination.
 

M. Baker, du cabinet du premier ministre israélien, a déclaré qu’un futur État palestinien devait inclure une minorité juive. « Cela supposerait… que les Juifs n’ont pas le droit de vivre en Cisjordanie, une supposition que nous rejetons. En vérité, nous nous considérons comme le véritable peuple autochtone de ce territoire ».

Pourtant, d’après la mission d’enquête des Nations Unies, les colonies israéliennes violent le principe d’égalité devant la loi des Palestiniens, dans leur liberté religieuse et leur liberté de circulation. Les colonies ont également restreint l’accès des Palestiniens à l’eau et aux actifs agricoles, ainsi que leurs possibilités de croissance économique, a-t-elle révélé.

Par exemple, les Bédouins du village palestinien de Khan Al Ahmar, au nord-est du secteur E1 ne peuvent plus vendre leurs produits laitiers sur le marché traditionnel de Souq Al Ahmar. À cause des restrictions de circulation (ils possèdent des cartes d’identité cisjordaniennes et n’ont pas les laissez-passer nécessaires pour entrer dans Jérusalem Est), ils ne peuvent pas s’y rendre.

Le Secrétaire général des Nations Unies a déclaré que les Palestiniens « n’avaient pratiquement aucun contrôle » sur les ressources en eau en Cisjordanie, 86 pour cent de la vallée du Jourdain et de la mer Morte sont sous la juridiction de fait des conseils régionaux des colonies.

Selon une étude menée par le gouvernement et les Nations Unies, il existe un lien arithmétique entre la proximité des colonies et les taux d’insécurité alimentaire des Palestiniens, les résultats montrent qu’un quart des Palestiniens vivant dans la zone C, qui abrite la majorité des colonies en Cisjordanie, souffrait d’insécurité alimentaire. Dans les zones A et B, le taux d’insécurité alimentaire moyen est de 17 pour cent.

De plus, « tous les aspects de la vie des Palestiniens sont marqués par les attaques d’une minorité de colons qui utilise la violence et l’intimidation pour forcer les Palestiniens à abandonner leurs terres », a indiqué la mission.

Selon Operation Dove, une organisation internationale qui œuvre dans le village palestinien d’At-Tuwani et dans les collines du sud d’Hébron, il est très difficile pour les enfants palestiniens d’aller à l’école à cause des attaques des colons.

Les Nations Unies et les organisations de défense des droits affirment que les colons extrémistes s’attaquent aux Palestiniens en toute impunité et leurs avant-postes illégaux sont souvent reconnus et légalisés rétroactivement par le gouvernement.

Depuis le début de l’occupation, Israël a arrêté des centaines de milliers de Palestiniens, parfois sans chef d’accusation, y compris des enfants. D’après la mission d’enquête, la plupart des mineurs sont arrêtés « aux points de friction, comme un village proche d’une colonie ou une route empruntée par l’armée ou les colons ».

Israël a recours à ce qui est appelé la « détention administrative » lorsqu’un détenu est soupçonné de constituer une menace pour la sécurité de l’État.

Mme Herschman de Ir Amim affirme qu’Israël veut également créer un « grand Jérusalem » par des moyens supplémentaires, notamment : la barrière de séparation israélienne, des projets de parcs nationaux et la construction d’axes routiers qui diviseraient les villages, confisqueraient leurs terres aux Palestiniens, ce qui rendrait encore plus difficile l’accès aux services publics comme les écoles et les mosquées.

Au cours des dernières semaines, les habitants du village palestinien de Beit Safafa ont manifesté contre le prolongement prévu de l’autoroute Begin qui diviserait leur village pour relier Jérusalem aux principales colonies situées à l’extérieur de la cité.

L’emplacement prévu de la barrière de séparation israélienne, ajouté au projet de parc national autour du périmètre de la barrière, couperait l’accès au village palestinien voisin d’al-Wallajeh.

L’emplacement prévu de la barrière de séparation s’étend tout autour et bien au-delà de Muale Adummim et dans d’autres zones au sud et au nord de Jérusalem. « Ces tracés sont une déclaration unilatérale d’un Jérusalem beaucoup plus étendu, une expansion unilatérale des frontières, une augmentation exponentielle », a-t-elle déclaré à IRIN.

En d’autres termes, selon ICG, « pour beaucoup d’habitants arabes de Jérusalem-Est, le combat pour leur cité est presque perdu ».

mg/ha/cb-fc/amz
 


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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