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Le sud du Liban, une région à ne pas négliger

A shepherd tends to his flock of sheep near Wazzani village, south Lebanon, right next to the Israeli border. Southern Lebanon has struggled to develop because of constant occupation and conflict Heba Aly/IRIN

Alors que la guerre et l’occupation se poursuivaient, le temps s’est arrêté dans certaines zones du sud du Liban.

Comme d’autres parties du Sud, le petit village de Wazzani, situé à la frontière israélo-libanaise, souffre depuis plusieurs décennies d’un manque de développement.

Le sud du Liban, qui, historiquement, entretient des liens plus étroits avec Jérusalem qu’avec Beyrouth, a souffert de l’isolement après la création d’Israël en 1948. La région a ensuite été marquée par l’arrivée de milices palestiniennes, l’occupation israélienne (qui a duré 22 ans), la domination du mouvement politique et activiste du Hezbollah, et la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah.

« Cette région est morte en 1948 », a dit un Casque bleu présent sur place. « Elle ne s’en est jamais remise ».

Conséquence : le gouvernement est peu présent dans la région – celle-ci compte une école publique, qui a fermé il y a deux ans, et une clinique de soins de santé ouverte deux fois par semaine, qui est parfois confrontée à des pénuries d’analgésiques.

Peu de progrès ont été réalisés depuis la fin de la guerre. Les bergers font paître leurs moutons comme ils le faisaient autrefois – ils manquent de fourrage. Les maisons abandonnées abritent désormais des animaux – les trois quarts des habitants sont partis pendant l’occupation israélienne, a dit le maire de Wazzani, et ils ne sont jamais revenus.

Le Sud n’est pas la seule région négligée. Toutes les zones périphériques sont sous-développées, mais le nord et l’est du pays – qui accueillent aujourd’hui des dizaines de milliers de réfugiés syriens – sont dans une situation plus difficile encore.

L’histoire du Sud, qui est marquée par la guerre et l’instabilité, est unique, soutient le bureau du Coordinateur résident (BCR) des Nations Unies. En témoigne la présence des 12 000 hommes de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) mandatée pour contrôler la cessation des hostilités entre le Liban et Israël.

« Cette partie du pays est très fragile », selon Robert Watkins, Coordinateur résident et Représentant du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). « Nous la négligeons à nos propres risques ».

Le Sud a connu un calme sans précédent au cours de ces dernières années – les habitants hésitent encore à parler de stabilité – et les dirigeants des Nations Unies y voient l’occasion de s’engager de manière durable dans la région, après des décennies d’abandon, en essayant de renforcer les services publics et le développement économique.

« Sans développement économique, la sécurité ne s’améliorera pas dans la région…On ne peut pas avoir la paix et la stabilité sans emplois, sans opportunités économiques, sans éducation, sans services de base »

Mais les efforts des bailleurs de fonds, des travailleurs humanitaires et du gouvernement se sont concentrés sur la crise des réfugiés syriens qui secoue le nord et l’est du pays, et les doléances exprimées par la population de cette région isolée et fragile n’ont – pour la plupart – pas été entendues.

L’essor du secteur de la construction

Suite à la guerre de 2006, des centaines de millions de dollars d’aide ont été versées aux villes détruites dans le sud du Liban, ce qui a entraîné une hausse des activités du secteur de la construction et des créations d’emploi, et a redonné de l’espoir à la population.

Une grande partie de l’argent a cependant été gaspillée – en raison de la corruption et d’un manque de vision à long terme, qui ont favorisé l’apparition de nombreuses « usines à gaz » et de « projets parachute », selon un Casque bleu.

« L’aide n’a pas permis d’établir des bases suffisamment solides … elle nous a seulement donné un avant-goût », a dit à IRIN Ali Dia, un activiste de la société civile originaire du district frontalier de Marja’ayoun, au sud-est du pays. « C’est comme s’ils avaient descendu un seau dans le puits et qu’ils avaient coupé la corde avant de le remonter ».

Ensuite, en 2009 -2010, les effets de la crise économique mondiale se sont fait sentir ; dans le Sud, le rétablissement post-conflit était plus ou moins terminé ; des crises sont apparues dans d’autres régions et l’argent a cessé d’arriver. Les agences des Nations Unies ont fait leurs cartons et sont parties vers d’autres régions du pays.

« Au cours des quatre dernières années, la présence des agences des Nations Unies a été minimale dans le Sud », a dit Svjetlana Jovic de l’Unité des affaires civiles de la FINUL, qui coordonne des projets à « impact rapide » dans le cadre de ses activités de maintien de la paix. « Il y avait cette manière de penser que "La FINUL est ici. La FINUL peut s’en occuper … Dans le cadre de notre mission de maintien de la paix, nous participons à de petits projets, mais nous ne pouvons pas rétablir l’autorité gouvernementale ou offrir des services … Nous ressentons ce manque maintenant. Nous n’y arriverons pas tout seul ».

Présence gouvernementale

Plus de dix ans après le retrait d’Israël, le gouvernement n’a toujours pas réussi à rétablir son autorité dans la région.

À Marja’ayoun, situé à l’extrémité d’une bande de montagne utilisée comme zone de sécurité par Israël de 1978 à 2000, le Centre de développement social du ministère des Affaires sociales est sensé venir en aide aux plus vulnérables – les pauvres, les personnes âgées, les personnes ayant des besoins particuliers – dispenser des formations en informatique, proposer des camps de vacances aux enfants et offrir des services de santé.

Mais la directrice du centre, qui est jeune et inexpérimentée, a du mal à s’en sortir avec ses sept employés et un budget qui suffit à peine à payer les salaires.

« Le [soutien] du ministère est très, très faible », a dit à IRIN Maya Hasban. « En cinq ans, le ministère ne nous a pas proposés une seule activité. Il n’en a pas les moyens. Il n’est même pas capable de nous verser nos salaires à temps ».

La plupart des projets qu’elle dirige sont financés grâce aux fonds versés par les agences d’aide humanitaire et ne sont donc pas pérennes.

Le ministère des Affaires sociales indique que des services ont été mises en place : les deux gouvernorats du sud du Liban, qui couvrent une superficie d’environ 1000 kilomètres carrés, disposent de 46 centres de soins de santé et de huit hôpitaux publics, par exemple.

« Je pense que c’est largement suffisant », a dit Adnan Nassreddine, qui dirige les Centres de développement social au sein du ministère basé dans la capitale, Beyrouth. « L’État ne peut pas ouvrir un centre de soins de santé dans chaque village ».

Mme Hasban n’est cependant pas la seule à se plaindre. Anis Slika, le maire du petit village druze d’al-Fardis, dit en plaisantant qu’il occupe les postes de secrétaire et de policier, car il n’a pas les moyens d’embaucher deux personnes.

Finalement, la plupart des habitants du Sud profitent des services proposés par les partis politiques, comme le Hezbollah, mais ces services ont un coût.

« Un membre du Hezbollah peut frapper à votre porte et vous dire, "Nous vous avons soigné dans notre hôpital récemment. J’espère que vous vous en souviendrez le jour des élections », a expliqué un habitant.

La crainte est de voir le Hezbollah renforcer sa domination si le gouvernement tarde à revenir dans le Sud. Plus les jeunes ont des difficultés à trouver un emploi, plus ils risquent de se radicaliser.

Une étude commandée l’année dernière par les Nations Unies afin d’évaluer la sécurité humanitaire dans le Sud a fait état de nombreuses migrations de sortie, de fréquentes manifestations contre le manque de services de base et des risques de toxicomanie, de radicalisation et d’activités criminelles en raison du chômage des jeunes.

Un frein aux investissements

« Le Sud a été ignoré pendant de nombreuses années », a dit Andrea Tenenti, porte-parole de la FINUL. « Les infrastructures ont été reconstruites. Maintenant il faut reconstruire l’économie ».

En dépit de l’aide octroyée et de l’essor du secteur de la construction après la guerre, peu d’investissements à long terme ont été réalisés dans le secteur de l’industrie. Comme la plupart des habitants de la région, les investisseurs craignent qu’une nouvelle guerre n’éclate.

La présence d’Israël se fait toujours plus sentir. En 2012, Israël a construit un mur de deux mètres de haut et de 1,3 kilomètre de long dans le Sud afin de séparer le village libanais de Kafr Kila et la colonie israélienne située à la frontière, et a installé un système de vidéo-surveillance pour contrôler les villages libanais.

Il est fréquent que des bergers soient arrêtés, parce que leurs moutons ont franchi, par accident, la « Ligne bleue » souvent non matérialisée qui constitue la ligne de retrait d’Israël, en l’absence d’une frontière officielle acceptée par Israël et le Liban.

En 2010, une nouvelle guerre a failli éclater entre les deux pays à cause d’un arbre (après un affrontement meurtrier à la frontière, la FINUL a réussi à rétablir le calme). Un nouvel échange de tirs a eu lieu à la frontière en juillet dernier. Les deux pays ont négocié la cessation des hostilités, mais aucun cessez-le-feu permanent n’a été décrété – ou, pour reprendre les mots d’un Casque bleu : « L’absence de guerre ne veut pas dire qu’il y a la paix ».

Si les Forces armées libanaises renforcent leurs capacités et rétablissent leur crédibilité dans la région – sous la tutelle de la FINUL – elles n’ont pas encore gagné les cœurs et les esprits des habitants de la région.

« Notre principal protecteur est le Hezbollah », a dit M. Dia, l’activiste de la société civile.

Une opportunité de changement

C’est dans ce contexte que la FINUL et le BCR demandent aux agences de développement des Nations Unies de réévaluer leur engagement dans le Sud et de participer au renforcement de la présence gouvernementale dans la région.

« Oui, il y a d’autres urgences », a dit Mme. Jovic, « mais nous ne devons pas oublier le Sud ».

Plus le Sud est stable et se développe économiquement, moins il a de risques de basculer dans un nouveau conflit, selon les Nations Unies.

« Sans développement économique, la sécurité ne s’améliorera pas dans la région », a dit Luca Renda, responsable du PNUD au Liban. « On ne peut pas avoir la paix et la stabilité sans emplois, sans opportunités économiques, sans éducation, sans services de base ».

À la fin du mois de janvier, tous les responsables des agences des Nations Unies se sont retrouvés pour la première fois dans les bureaux de la FINUL à Naqoura afin d’évoquer les besoins dans la région, ce qui laisse présager un renforcement de la coopération entre la FINUL et les agences des Nations Unies. Ils se sont accordés sur la nécessité de se concentrer sur trois enjeux majeurs dans le Sud : la durabilité de l’environnement, le chômage des jeunes et le renforcement des autorités locales.

Mais jusqu’à présent, l’engagement des bailleurs de fonds, du gouvernement et des agences des Nations Unies qui ont des mandats humanitaires reste limité.

« À ce stade, le Sud n’est pas une priorité pour les bailleurs de fonds, car il faut porter une attention particulière à l’urgence et à l’impact de la crise syrienne sur [les régions pauvres du Nord et la vallée de la Bekaa] afin d’éviter tout retour de la violence dans le pays », a dit Soha Bsat Boustani, porte-parole du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) au Liban.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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