Hafiz Gul Bahadur, un influent commandant taliban de l’agence tribale du Nord-Waziristan, a interdit les campagnes de vaccination contre la polio, incitant les leaders talibans du Sud-Waziristan et des autres zones tribales à faire de même, selon Maulana Mirza Jan, chef de la ‘choura’, un conseil de notables religieux, à Wana, la principale ville du Sud-Waziristan.
« Il ne sera pas facile » de les faire changer d’avis, à moins que « les ordres ne viennent de Bahadur » lui-même, a dit M. Jan à IRIN.
Selon Fawad Khan, directeur des services de santé dans les zones tribales du nord-ouest, « quelque 240 000 enfants du Nord et du Sud-Waziristan seront affectés si le vaccin oral contre la polio n’est pas distribué ». M. Khan a ajouté que la campagne nationale de trois jours qui a commencé le 16 juillet avait été annulée dans ces deux régions et que les représentants du gouvernement cherchaient actuellement à négocier une entente avec les leaders talibans.
On s’inquiète par ailleurs que le problème ne touche plus seulement les zones tribales. Le 16 juillet, à Sohrab Goth, un quartier de Karachi à majorité pachtoune, un homme armé non identifié a ouvert le feu sur un véhicule à bord duquel se trouvait un médecin participant à la campagne d’éradication de la polio. Le médecin ghanéen et son chauffeur pakistanais ont été blessés.
« Nous ne pouvons pas encore dire que l’incident qui s’est produit à Karachi est lié à ceux qui sont survenus dans les zones tribales », a dit à IRIN Michael Coleman, spécialiste des communications pour le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), depuis Islamabad. Il a cependant ajouté que l’incident était troublant, car, jusqu’à présent, les équipes qui offraient des soins de santé n’étaient généralement pas la cible d’attaques.
M. Coleman a confirmé que la campagne d’éradication de la polio avait été plus ou moins suspendue pour le moment dans le Nord et le Sud-Waziristan en raison des risques encourus par les travailleurs de la santé. Il a cependant indiqué que « des équipes avaient réussi à se rendre dans certaines régions du Sud-Waziristan et à vacciner quelque 7 000 enfants – soit environ 10 pour cent des enfants de moins de cinq ans de l’agence [subdivision administrative des zones tribales]. »
Drones et espions
La question est complexe et profondément politique. Hafiz Gul Bahadur a dit que les équipes de vaccination antipolio ne seraient autorisées à pénétrer dans les zones tribales que si les Américains acceptaient de mettre fin aux attaques de drones ciblant les militants talibans.
Les talibans craignent également que les travailleurs de la santé qui participent aux campagnes de vaccination soient utilisés comme espions, comme le Dr Shakil Afridi, qui a mené une fausse campagne de vaccination pour [obtenir des échantillons d’ADN et] localiser le numéro un d’Al-Qaida, Oussama Ben Laden. M. Afridi a été condamné à une peine d’emprisonnement de 33 ans par le système judiciaire de l’agence de Khyber.
« Depuis l’affaire Afridi, nous nous attendions à ce qu’il y ait un retour de bâton contre les équipes de vaccination et que cela affecte la campagne », a dit à IRIN Rakshanda Bibi, une travailleuse de la santé qui s’est déjà rendue dans les zones tribales avec des équipes de vaccination antipolio. « Ce qui est dommage, c’est que ce sont les enfants qui en souffriront alors qu’ils sont innocents », a-t-elle ajouté.
Le Pakistan détient un record mondial avec 198 cas enregistrés en 2011. Cette année, des efforts ont été déployés aux plus hauts niveaux afin d’enrayer la maladie.
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