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Déscolarisés en raison des violences et de la COVID-19, les enfants Burkinabè font face aux nouveaux dangers

« Quand je me lève le matin, je n’ai rien à faire et je flâne sans but. »

A group of men dig ditches along the main road in Tougan Sam Mednick/TNH
Closed schools have pushed displaced children and young adults to the streets, where some look for work. But daily labour, such as ditch digging, is hard to come by.

L’an dernier, Martine, 13 ans, a quitté son village du nord du Burkina Faso pour trouver refuge dans une ville plus sûre. Elle espérait reprendre son éducation, qui avait été interrompue en raison des violences djihadistes. Venue seule, sans ses parents — qui sont restés derrière —, elle s’est bientôt heurtée à des risques d’un autre ordre. En décembre, alors qu’elle assistait à une réception de mariage, un homme trois fois plus âgé qu’elle l’a entraînée loin de la fête et l’a violée.

« Si je vivais encore à la maison, mes parents ne m’auraient jamais permis d’aller seule au mariage et ça ne serait jamais arrivé », raconte Martine, dont le nom de famille n’a pas été dévoilé pour protéger son identité.

Avec la recrudescence des violences djihadistes au Burkina Faso, les enfants font face à des épreuves particulièrement difficiles : plus de la moitié des quelque un million de Burkinabés déplacés dans le pays ont 18 ans et moins et nombre d’entre eux ont été contraints de quitter l’école à cause des attaques et des menaces des groupes extrémistes.

D’après certains groupes de défense des droits et représentants locaux, la situation est particulièrement inquiétante pour les enfants qui, comme Martine, ont été envoyés dans des villes où il est plus sûr de fréquenter l’école. En l’absence de supervision parentale, ces enfants sont victimes d’actes d’exploitation et de mauvais traitements de toutes sortes, des violences sexuelles au mariage précoce en passant par le travail forcé.

Les risques en question ont été aggravés par la fermeture de plus de 20 000 écoles partout au pays, une mesure mise en place en mars en réponse à la pandémie de coronavirus et qui sera prolongée jusqu’en septembre. Un nombre inconnu de mineurs non accompagnés désœuvrés sont ainsi laissés à eux-mêmes dans des lieux qui leur sont peu familiers.

Pour aider les enfants qui ne sont plus scolarisés en raison des violences ou de la pandémie, le ministère de l’Éducation du Burkina Faso a commencé à diffuser à la radio et à la télévision des leçons à l’intention des élèves du primaire et du secondaire.

Si des élèves sont privés d’école depuis des mois, d’autres le sont depuis plusieurs années en raison de la violence qui sévit depuis 2015. Or d’après le gouvernement et les organisations d’aide humanitaire, l’école à distance ne peut pas remplacer l’enseignement en face à face et ne permet pas de remédier aux risques croissants auxquels de nombreux enfants font face.

Le nombre d’enfants vulnérables ne cesse d’augmenter et les organisations humanitaires ont de la difficulté à répondre à la demande. Il y a trop peu de fonds disponibles et les programmes en place — y compris ceux qui s’adressent aux mineurs non accompagnés — sont trop peu nombreux.

« L’épidémie de COVID-19 vient aggraver une situation déjà critique en ce qui concerne l’éducation des enfants qui sont pris au piège dans cette crise humanitaire sans précédent », explique Anne Vincent, représentante du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) au Burkina Faso.

« Une guerre contre l’éducation »

Human Rights Watch a recensé plus de 120 attaques et menaces envers des enseignants, des élèves et des établissements scolaires entre 2017 et 2020. L’organisation parle du « combat contre l’éducation » que mènent les groupes islamiques, qui s’opposent à la laïcité dans les programmes scolaires et les institutions étatiques du pays.

Selon l’UNICEF, les fermetures d’écoles en raison des violences et de la COVID-19 ont touché plus de cinq millions d’enfants. Par ailleurs, à cause des récentes attaques, le nombre d’enfants ayant besoin de protection a été multiplié par dix, passant de 35 800 en 2019 à 368 000 en 2020.

Lire la suite → Au Burkina Faso, la montée en flèche de la violence met l’éducation des enfants en suspens

En quête d’un environnement scolaire plus sûr et d’un moyen de se protéger contre les djihadistes — qui forcent souvent les familles à leur remettre leurs fils pour qu’ils combattent à leurs côtés —, des milliers d’enfants ont quitté leur petit village rural et afflué dans des centres urbains plus densément peuplés au cours des derniers mois.

En mai, The New Humanitarian (TNH) s’est rendu dans la Boucle du Mouhoun, une région administrative du nord-ouest considérée comme l’un des greniers du pays où la violence se répand de plus en plus. De nombreux enfants déplacés vivent ensemble dans des bâtiments surpeuplés. Ils passent leurs journées à flâner dans les rues poussiéreuses et à mendier, une boîte de conserve à la main.

Map of Burkina Faso

Lassina Sougue, qui dirige les efforts humanitaires menés par le gouvernement dans la province de Sourou, dans la Boucle du Mouhoun, a dit à TNH que l’on rapportait davantage de violences sexuelles depuis l’afflux dans la région de milliers d’enfants à la suite des attaques survenues au cours de la dernière année. Il ne dispose cependant pas de chiffres précis.

Avec la fermeture des écoles pour empêcher la propagation de la COVID-19, de nombreux enfants — dont certains non accompagnés — se sont tournés vers les petits boulots, explique Marie Yelkouni, coordonnatrice d’un groupe d’organisations de défense des droits des femmes basé dans la province de Kossi, située dans la même région administrative.

Avant, les parents amenaient de la nourriture et de l’argent à leurs enfants qui étudiaient dans d’autres villes, précise Mme Yelkouni. Aujourd’hui, toutefois, ils ne peuvent plus leur rendre visite en raison des risques de violence le long des routes. De nombreux jeunes sont donc contraints de travailler pour un salaire de moins d’un dollar par jour : ils lavent des vêtements, vendent des marchandises ou s’échinent dans de petites mines artisanales.

À cause des récentes attaques, le nombre d’enfants ayant besoin de protection a été multiplié par dix, passant de 35 800 en 2019 à 368 000 en 2020.

Pour ceux qui cherchent du travail, la concurrence est féroce, explique Djakaria Kone, un jeune homme de 20 ans qui, en novembre 2018, a quitté ses parents pour aller étudier à Tougan, une ville de la province de Sourou. Il vit maintenant avec 54 personnes, parmi lesquelles de nombreux enfants déplacés plus jeunes que lui.

En mars, le jeune homme a touché 12 dollars pour trois jours de travail. Il fabriquait des briques et creusait une tranchée le long de la route principale de Tougan. Il n’a cependant pas réussi à trouver du travail depuis et survit grâce aux maigres rations distribuées par le gouvernement.

« Les écoles sont fermées et je n’ai pas de travail. Quand je me lève le matin, je n’ai rien à faire et je flâne sans but. »

« Avant, nos parents pouvaient nous aider, mais, maintenant, on doit aller chercher de l’eau, cuisiner et tout faire tout seuls », ajoute Seydou Koussoube, un jeune homme de 17 ans qui s’est installé à Tougan en septembre dernier, un an après que son école eut fermé à la suite de menaces des djihadistes.

20-year-old Djakaria Kone
Sam Mednick/TNH
20-year-old Djakaria Kone left his parents and moved to a town in Sourou in November 2018 to study. He currently lives in a house with 54 other people, many of them unaccompanied children, and survives on government food aid.

Tentes-écoles et leçons télévisées

Des organisations locales et des citoyens aident certains enfants déplacés non accompagnés. Martine a par exemple été accueillie par Marie Yelkouni et inscrite dans un programme de couture financé par l’État. Le gouvernement n’offre cependant pas beaucoup de soutien et la plupart des enfants passent entre les mailles du filet.

L’UNICEF a dit qu’elle avait mis en place des programmes « à l’épreuve de la COVID-19 » à l’intention des enfants non accompagnés et des autres mineurs touchés par les conflits. Les activités éducatives se tiennent désormais en plus petits groupes et des consultations individuelles sont offertes aux survivants et survivantes d’exploitation et d’atteintes sexuelles.

Or d’après Jackie MacLeod, chef de mission de l’International Rescue Committee (IRC) au Burkina Faso, de nombreuses organisations humanitaires ne sont pas familières avec la situation relativement nouvelle qui sévit dans le pays et n’ont pas encore élaboré de programmes axés sur l’exploitation des enfants.

Lire la suite → Coronavirus au Burkina Faso en crise: les centres de santé ferment alors que les cas augmentent

Les exigences en matière de distanciation sociale liées à la COVID-19 rendent les choses encore plus difficiles, explique Mme MacLeod. La fréquentation des « lieux sûrs », des espaces gérés par les organisations d’aide où les jeunes peuvent socialiser et recevoir une aide dans un environnement accueillant, implique des risques tant pour ces derniers que pour les intervenants.

« Les systèmes que l’on met généralement en place pour faire face au risque d’exploitation auquel les enfants sont exposés [...] et qui suffisent en temps normal ne font pas le poids [face à la COVID-19», explique la chef de mission de l’IRC.

Dans certains villages durement touchés par les violences, le gouvernement a mis en place une stratégie visant à contribuer à l’éducation des enfants en distribuant des denrées alimentaires et des cahiers, en ouvrant des salles de classe supplémentaires et en offrant de l’argent aux enseignants concernés, explique Angeline Neya, une fonctionnaire qui dirige les efforts.

Des tentes-écoles ont été installées et d’autres bâtiments ont été rénovés pour accueillir les enfants déplacés. Des psychologues travaillent avec les enseignants et les élèves touchés par les violences.

D’après Mme Neya, toutefois, le gouvernement a de la difficulté à intervenir dans de nombreux autres villages en raison des risques de violence. En outre, même les enfants qui ont la possibilité de fréquenter l’école ont souvent trop peur pour le faire : ils craignent en effet de futures attaques.

En réponse à la COVID-19, le gouvernement a lancé, en avril, un plan complémentaire de 15 millions de dollars visant à éduquer les enfants au moyen d’émissions télévisées et de cours en ligne. Des millions de masques, de pains de savon et de bouteilles de désinfectant sont en outre distribués en prévision de la réouverture des écoles en septembre.

Des responsables locaux espèrent que le début de la nouvelle année scolaire permettra d’amener les enfants non accompagnés et les autres mineurs à ne plus traîner dans les rues. Ils sont cependant conscients que les difficultés avec lesquelles ils sont aux prises persisteront tant et aussi longtemps que la violence sévira.

Après l’attaque qu’elle a subie l’an dernier, Martine est retournée en classe. Elle se sentait cependant émotionnellement détachée et a même envisagé le suicide. Des mois plus tard, elle dit que les flashbacks continuent de la hanter : « J’espère que ce qui m’est arrivé ne se produira plus jamais. »

sm/pk/js

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