« Les centres de détention offrent actuellement un triste spectacle de misère humaine, de désespoir absolu et de dépression nerveuse », a dit à IRIN Louise Newman, qui dirige le Detention Health Advisory Group, un groupe indépendant qui conseille le gouvernement sur la question de la santé des demandeurs d’asile.
Depuis les années 1990, le gouvernement australien pratique une politique de détention obligatoire à durée indéterminée pour les demandeurs d’asile qui arrivent par bateau.
« La santé mentale des personnes qui sont enfermées ici commence à se détériorer après quelques mois. Après 12 mois, elles sont généralement dans un état de dépression très grave et souffrent de traumatismes et de symptômes associés – et parfois aussi de ce qu’on appelle la psychose, une maladie mentale très grave », a ajouté Mme Newman.
Selon les chiffres du gouvernement, le nombre de personnes détenues pendant un an ou plus a significativement augmenté au cours de la dernière année. D’après les activistes, plusieurs demandeurs d’asile sont détenus pendant plus de deux ans en attendant que leur dossier soit examiné
Les statistiques du gouvernement indiquent que plus de 36 pour cent des détenus sont restés enfermés pendant plus d’un an.
Au moins 20 pour cent des détenus – des Sri-Lankais, des Afghans et des Iraniens, pour la plupart – présentent maintenant des troubles cliniques graves et entre 80 et 90 pour cent souffrent de troubles mentaux, notamment de dépression, d’anxiété et de syndrome de stress post-traumatique (SSPT), a indiqué Mme Newman.
« L’étude commandée par le gouvernement ainsi que plusieurs recherches indépendantes ont apporté des preuves concluantes permettant d’affirmer que plus une personne reste longtemps en détention, plus sa santé mentale risque d’en être affectée », a indiqué Michael Dudley, président de Suicide Prevention Australia. « Pour ces gens, la situation est particulièrement désespérée ».
Des milliers de détenus
Selon le ministère australien de l’Immigration et de la Citoyenneté (DIAC), plus de 4 000 personnes sont actuellement détenues. Trois mille d’entre elles sont gardées en captivité dans huit centres de détention à haute sécurité dispersés sur l’ensemble du territoire.
Ces installations sont souvent isolées et difficiles d’accès. Elles échappent ainsi au contrôle externe et les détenus bénéficient d’un accès limité aux soins prodigués par des professionnels de la santé mentale.
Seuls et loin de leur famille, les détenus souffrent régulièrement de diverses formes de stress ou d’anxiété. Nombre d’entre eux auront aussi besoin d’un traitement à long terme.
« La détention à long terme peut briser des êtres généralement capables de résilience. Certains auront besoin de soins de santé mentale continus pour réussir à vivre avec leur traumatisme », a confirmé Paul Power, directeur du Conseil australien pour les réfugiés.
« Je soigne encore des gens que j’ai rencontrés il y a plus de dix ans dans les centres de détention de Woomera et de Baxter. Ils n’étaient alors que des enfants, et ce sont maintenant des personnes handicapées, qui souffrent toujours de symptômes traumatiques liés à leur expérience aux mains du gouvernement australien », a dit Mme Newman.
Augmentation du nombre de suicides
Photo: David Swanson/IRIN |
Il y a eu six suicides depuis le mois de septembre 2010 |
« Je n’arrive pas à dormir. Et je suis incapable d’avoir les idées claires », a dit à IRIN un Tamoul sri-lankais qui est resté au centre de détention de Villawood, à Sydney, pendant plus de deux ans. Sur ses poignets, des cicatrices sont encore clairement visibles.
Comme de nombreux autres détenus interrogés, il a maintenant besoin de somnifères et d’antidépresseurs pour vivre. [Malgré les médicaments,] les tentatives de suicide continuent de se produire.
« Je sais de source sûre qu’il y a deux ou trois tentatives sérieuses de pendaison par jour dans l’ensemble du réseau de centres de détention. De nombreuses personnes se livrent de façon répétitive à des comportements autodestructeurs », a confirmé M. Dudley.
Au centre de détention de l’île de Christmas, le problème est si grave que des couteaux ont été distribués aux gardes pour leur permettre de couper la corde lorsque des détenus tentent de se pendre.
Plusieurs recherches, notamment une étude publiée en 2010 dans le Medical Journal of Australia et un rapport publié plus tôt dans le British Journal of Psychiatry, viennent confirmer l’hypothèse selon laquelle le système australien de détention des migrants peut, dans sa forme actuelle, causer d’importants dommages psychologiques.
Selon l’une de ces recherches, un tiers des personnes ayant été détenues pendant plus de deux ans ont développé de nouveaux problèmes de santé mentale, soit dix fois plus que ceux qui ont été détenus pendant moins de trois mois.
Qui paiera ?
Il existe, au-delà du coût individuel de la détention obligatoire, un coût financier que l’Australie devra un jour payer.
Selon le Yarra Institute of Religion and Social Policy, situé à Melbourne, les coûts de santé de la détention obligatoire prolongée des demandeurs d’asile pourraient se révéler considérables à long terme.
Un rapport publié en octobre par le Yarra Institute indique par ailleurs que la survenue d’une expérience négative pendant la détention pourrait ajouter quelque 25 000 dollars aux dépenses de santé moyennes (à vie) encourues par les demandeurs d’asile qui obtiennent le statut de réfugié.
Au cours des dernières années, plus de 80 pour cent des demandeurs d’asile détenus ont obtenu le statut de réfugié et se sont installés en Australie. Les dépenses de santé supplémentaires encourues par ces individus devront dès lors être assumées par l’ensemble des contribuables australiens, indique le rapport.
« Ces gens, avec leurs troubles et leurs traumatismes, seront éventuellement remis en liberté dans nos communautés », a souligné Ian Rintoul, porte-parole de la coalition de défense des réfugiés (Australian Refugee Action Coalition). « Au bout du compte, c’est notre société qui devra payer le prix [de la détention obligatoire] ».
ds/mw-gd/amz
This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions