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Les secrets de La Niña

Residents traverse receding flood waters and debris following a flash flood that struck a village in Davao del Sur Province, southern Philippines on 20 January 2010. At least three people drowned in the province Contributor/IRIN
Alors que les inondations causées par les fortes pluies qui se sont abattues en Afrique du Sud, en Australie et au Sri Lanka ont dévasté de vastes régions au cours des dernières semaines, près de l’ensemble des médias ont jeté la faute sur La Niña – un phénomène décrit par l’Administration nationale de l'aéronautique et de l'espace (NASA) comme une « interaction atmosphère-océan »

Dans cet article, IRIN examine La Niña : qu’est-ce que ce phénomène ? Comment affecte-t-il les conditions météorologiques à travers le monde ? Peut-on établir un lien entre La Niña et les catastrophes climatiques en cours ?

Qu’est-ce que La Niña ?

Le terme La Niña désigne le refroidissement de la surface des eaux dans la zone centrale et orientale du Pacifique qui se produit tous les deux à cinq ans. Ce phénomène a été observé pour la première fois par des habitants des côtes péruviennes.

«Au cours des premiers mois de chaque année, un courant chaud se dirigeant vers le sud affectait généralement les eaux froides [de l’océan Pacifique oriental] », ont expliqué le rédacteur scientifique Bob Henson et le scientifique Kevin Trenberth de l’University Corporation for Atmospheric Research des Etats-Unis.

Les habitants avaient également remarqué, à quelques années d'intervalle, une élévation anormale de la température de l'eau au début du mois de décembre. Le phénomène qu’ils surnommèrent El Niño (« l’enfant Jésus ») était plus fort et durait jusqu’à une année ou deux.

Puis, les eaux se refroidissaient de nouveau, ce qui donnait lieu au phénomène appelé La Niña ou « la petite fille ».

Par la suite, les chercheurs ont découvert que le phénomène avait une envergure bien plus grande et affectait la majeure partie de l’océan Pacifique tropical. L’océan Pacifique est le plus vaste océan de la planète et a une grande influence sur le climat mondial.

L’impact d’El Niño-La Niña sur l’atmosphère n’a été découvert que progressivement, alors que les chercheurs établissaient peu à peu les effets de l’interaction océan-atmosphère sur le régime des précipitations et les conditions météorologiques de la planète.

Les travaux de recherche ont débuté lorsque deux scientifiques se sont penchés sur la perturbation du cycle de la mousson en Inde et sur la sécheresse qui a suivi, au début des années 1900.

Selon l’Observatoire de la terre de la NASA, c’est Sir Gilbert Walker qui aurait découvert une variation de la différence de pression atmosphérique entre l'est et l'ouest de l'océan Pacifique.

« Sir Gilbert Walker a découvert que lorsque la pression atmosphérique était élevée à Darwin, en Australie (océan Pacifique occidental), elle était faible à Tahiti (océan Pacifique oriental) et vice et versa ». Il désigna sa découverte sous le nom d'oscillation australe.

Dans les années 1960, Jacob Bjerknes, un météorologue norvégien, a reconnu que les variations de pression avaient une influence sur le régime des précipitations et les conditions météorologiques. Il remarqua que les variations de pression poussaient les vents vers l’ouest qui se chargeaient d'humidité de l'océan avant de déverser de fortes pluies de mousson en Indonésie. M. Bjerknes nomma ce phénomène la circulation de Walker, en hommage à Sir Gilbert Walker.

M. Bjerknes a observé que lors du phénomène El Niño, lorsque les eaux du nord du Pérou se réchauffaient, la pression en surface s’affaiblissait. La variation de pression entre l’est et l’ouest diminuait et les alizés faiblissaient, peut-on lire sur le site Web de l’Académie nationale des sciences américaine.

« A mesure que les vents faiblissent, un air humide et chaud s’accumule au-dessus du centre de l’océan Pacifique au lieu de se déplacer plus à l’ouest, privant l’Inde et l’Indonésie des pluies de mousson et provoquant des tempêtes le long des côtes occidentales de l’Amérique du Nord et du Sud. »

Lors du phénomène La Niña, l’inverse se produit : les alizés deviennent plus forts déversant davantage de pluies en Asie.

On appelle les phases d’interaction atmosphère-océan dans la région : « El Niño/oscillation australe (ENSO) ».

Quelles sont les conséquences à l’échelle mondiale?

Les chercheurs continuent d’étudier les phénomènes de La Niña et El Niño, et ils sont parvenus à définir les conditions météorologiques observées lors de chaque épisode.

Toutefois, aucun phénomène météorologique extrême ne peut être attribué à La Niña ou à El Niño. En effet, on doit tenir compte de l’influence d’autres facteurs, tels que les anomalies météorologiques dans l’atmosphère ou les conditions maritimes.

Toutefois, en règle générale, au cours d’un épisode de La Niña, les précipitations s’intensifient dans la partie occidentale du Pacifique équatorial, qui couvre le nord de l’Australie et l’Indonésie, de décembre à février, ainsi qu’aux Philippines de juin à août, selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM). L’Asie du Sud et la région sud-est de l’Australie enregistrent également des précipitations supérieures à la normale.

En revanche, les précipitations sont quasiment absentes dans la région orientale du Pacifique équatorial. Les conditions observées dans le sud du Brésil et le centre de l’Argentine, de juin à août, et le long des côtes de l’Equateur et dans le nord-ouest du Pérou, de décembre à février, sont généralement plus sèches.

Entre le mois de décembre et de février, l’est de l’Afrique équatoriale enregistre en règle générale des conditions plus sèches que la normale.

Le nord de l’Amérique latine et l’Afrique australe ont, pour leur part, tendance à enregistrer des précipitations supérieures à la normale entre le mois de décembre et de février.

Au fil des années, les scientifiques ont également découvert que des épisodes de La Niña entraînaient d’importants écarts de températures à travers le monde. Les régions les plus touchées par ce phénomène connaissent des températures inhabituellement basses.

Par exemple, des températures inférieures à la normale ont été enregistrées de décembre à février dans le sud-est de l’Afrique, au Japon, dans le sud de l’Alaska, dans l’ouest et le centre du Canada, dans le sud-est du Brésil alors que la côte du golfe du Mexique, aux Etats-Unis, s’est réchauffée.

Du mois de juin au mois de novembre, une saison des ouragans plus active que la moyenne a pu être observée dans l’Atlantique nord.

L’Inde et l’Asie du Sud-Est ont, quant à elles, connu des périodes estivales plus fraîches, entre juin et août. La côte occidentale de l’Amérique du Sud, la région du golfe de Guinée, en Afrique de l’Ouest, le nord de l’Amérique latine et certaines régions d’Amérique centrale, perdent également quelques degrés.

Peut-on établir un lien entre La Niña et les catastrophes climatiques en cours ?

Selon le Bureau météorologique australien, La Niña a fait de 2010 l’année la plus pluvieuse jamais enregistrée depuis l’an 2000 et la troisième année la plus pluvieuse de l’histoire de l’Australie. Le gouvernement australien a déclaré que le coût des opérations de rétablissement menées à la suite des inondations s’élèverait à des milliards de dollars.

Les fortes pluies qui se sont abattues en Indonésie, aux Philippines et en Thaïlande sont également typiques d’un épisode de La Niña, a noté l’OMM dans un article préparé en collaboration avec l’Institut international de recherche sur le climat et la société de l’Université Columbia, aux Etats-Unis.

Aucun lien n’a été explicitement établi entre La Niña et les pluies torrentielles qu’a connues récemment le Sri Lanka. Certaines régions du pays ont enregistré des précipitations records et ont fait face à des inondations et à des glissements de terrain qui ont touché plus de 835 575 personnes, d’après le Centre de gestion des catastrophes du gouvernement.

Le Bureau de la météorologie du Royaume-Uni a remis en question l’existence d’un lien entre La Niña et les fortes précipitations au Sri Lanka en déclarant que « le phénomène de La Niña était ressenti plus à l’ouest que d’habitude et que les régimes des précipitations s’étaient également déplacés vers l’ouest dans la région. Le Sri Lanka se trouve à l’extrême ouest de la trajectoire des précipitations. »

Le phénomène La Niña est associé à un manque de précipitations dans l’est de l’Afrique équatoriale et « La Niña serait responsable de la sécheresse qui frappe actuellement la Somalie et le nord du Kenya », toujours selon l’OMM.

En Afrique du Sud, les inondations, les éclairs et les orages, accompagnés d’importantes pluies des dernières semaines ont coûté la vie à 41 personnes et ont fait des milliers de sinistrés à travers 33 municipalités du pays. Cobus Oliver, un scientifique du Service météorologique sud-africain, a affirmé que les précipitations étaient plus fortes que la normale, et ce, « en grande partie, à cause de La Niña ». D’après ses prévisions, les conséquences de La Niña se feront ressentir localement pendant encore six mois.

L’OMM a prévu que La Niña aurait des répercussions à travers le monde jusqu’au deuxième trimestre de 2011, soit jusqu’au mois d’avril ou début mai. Toutefois, le phénomène devrait perdre de sa puissance au cours des quatre prochains mois.

S’agit-il de La Niña la plus forte de l’histoire ?

La puissance d’un épisode est mesurée par un indice de l’OMM, qui consiste en une moyenne sur trois mois des anomalies de la température de surface de la mer enregistrées dans une région où un épisode de El Niño-La Niña est présent. Selon l’OMM, le phénomène La Niña actuel est un des épisodes les plus puissants enregistrés au cours du dernier siècle.

Le Bureau de la météorologie australien a souligné que l’actuel épisode de La Niña était moins puissant que l’épisode de 1917-1918 ou celui de 1975-1976 (qui se classait à la troisième place des épisodes les plus puissants de l’histoire). En outre, d’autres indices ont indiqué que les épisodes de La Niña de 2010-2011, 1975-1976, 1917-1918, 1955-1956 et peut-être même celui de 1988-1989 comptaient parmi les plus importants de l’histoire.

jk/he – cd/amz

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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