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Le sectarisme contamine les salles d’hôpital

Hospital staff treating blast victims must now battle increased personal danger Abdul Majeed Goraya/IRIN
Les divisions confessionnelles, politiques et ethniques ont entraîné la mort de centaines de personnes à Karachi, la ville la plus importante du Pakistan, mais elles pèsent également sur les chances de survie des blessés.

Un médecin qui travaille aux urgences de l’hôpital civil de Karachi, l’un des plus grands hôpitaux publics de la ville, a dit à IRIN : « Après un acte de terrorisme, nous sommes soumis à une forte pression. Au service d’urgence, nous avons déjà été menacés par des militants de différents partis politiques pour que nous ne soignions pas les patients des groupes rivaux. Ils utilisent toutes sortes de tactiques dilatoires, en bloquant l’entrée, en frappant aux portes avec force et en maltraitant le personnel. Maintenant, nous recevons également des appels [des militants] ».

Le médecin, qui a demandé à garder l’anonymat, a ajouté : « Un parti politique ethnique est tellement puissant qu’il fait tout pour s’assurer que les médecins de garde soient dans l’incapacité de faire leur travail quand les blessés commencent à arriver. Des médecins et d’autres membres du personnel qui appartiennent à ce parti travaillent dans cet hôpital. Il arrive qu’on nous dise de ne pas soigner des Pachtounes blessés, qui sont faciles à reconnaître à cause de la langue qu’ils parlent et de leur barbe. Nous sommes déjà confrontés à un manque de personnel, de médicaments et d’équipements médicaux... C’est le chaos. [Mais] si on met de côté le professionnalisme et l’éthique, comment voulez-vous que je sauve quelqu’un quand ma propre vie est en danger » ?

Selon un rapport d’une commission pakistanaise sur les droits humains publié en juillet dernier, 260 personnes ont été victimes de meurtres ciblés depuis janvier 2010. Ce chiffre ne cesse d’augmenter avec 50 personnes tuées au cours de la dernière vague de violence qui a fait suite à la fusillade du 19 octobre au marché de Shershah.

Guerre de clans

À Karachi, la guerre entre le Mouvement national uni (MQM) et le Parti national Awami (ANP) pour le contrôle de la ville côtière est au cœur du problème. Les deux partis sont soutenus par des groupes ethniques rivaux ; le réservoir de votes du MQM est principalement constitué de personnes qui parlent l’ourdou et sont venues s’installer à Karachi après la partition de l’Inde en 1947, tandis que l’ANP représente principalement les Pachtounes.

Habib ur Rehman Soomro, secrétaire-général de l’Association médicale du Pakistan, a reconnu que le sectarisme était courant dans les services de santé. « Je ne vais pas dire que ça n’existe pas. Je vis dans cette ville et je sais comment ça marche. Il est criminel de refuser ou différer les soins en cas d’urgence, particulièrement après des actes de violences ethniques et de terrorisme, mais c’est une réalité... Maintenant, la situation est telle que tous les hôpitaux publics de la ville ont des bureaux du MQM, du PPP [le Parti du peuple pakistanais, actuellement au pouvoir] et, dans les régions où les Pachtounes sont majoritaires, de l’ANP ».

Shams Khan a été blessé le 3 août au cours des violences qui ont éclaté après le meurtre du dirigeant du MQM, Raza Haider, et qui ont fait 45 morts.

« Ces garçons m’ont tiré dans la jambe, près de Lalo Khait. J’ai réussi à me rendre à l’hôpital Abassi Shaheed, mais ils ont refusé de me soigner. On m’a presque jeté dehors à cause de ma barbe et un des médecins m’a traité de taliban. Alors que je saignais, j’ai dû me rendre jusqu’au JPMC [Jinnah Postgraduate Medical Centre]. J’ai perdu tellement de sang en attendant que les médecins s’occupent de moi. Maintenant, je boite et j’ai besoin d’une béquille pour marcher. Le médecin m’a dit que si j’avais été soigné plus rapidement, ce ne serait pas arrivé ».

M. Soomro a dit à IRIN que les médecins étaient constamment confrontés aux menaces. « Depuis les années 1990, beaucoup de meurtres ciblent des médecins en se basant sur leur religion et leur appartenance ethnique. Plus de 85 medecins ont été assassinés. Au départ, c’était le problème chiite-sunnite, puis le problème pachtoune-muhadjir. Maintenant, c’est un problème de factions. C’est la folie. Il faudrait éliminer toute affiliation politique ».

Un médecin du JPMC, qui a demandé à garder l’anonymat, a dit : « Nous avons vu des médecins, mais aussi des membres des familles de victimes blessés par l’explosion d’une bombe, battus par des militants politiques furieux... Ce cycle de folie ne va pas s’arrêter de sitôt ».

sj/oa/cb/gd/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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