Le bilan des morts parmi les civils est de plus en plus lourd, et l’espace humanitaire dans le pays ayant été réduit par l’insécurité, ainsi que par des attaques et des stratégies d’intimidation visant les organisations humanitaires, de nombreuses communautés vulnérables ont un accès réduit, voire inexistant, aux services essentiels.
« D’après notre expérience, depuis 2005, chaque renfort massif des troupes a conduit à l’intensification et à la propagation du conflit, et à une augmentation du nombre de victimes civiles », a dit à IRIN Reto Stocker, directeur de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) en Afghanistan.
Plus de huit ans après que les Talibans ont été délogés par une intervention militaire menée par les Etats-Unis, la situation a été qualifiée de fragile et critique par le Secrétaire général des Nations Unies – une analyse qui a été corroborée le 18 janvier par une série d’attaques mortelles dans le centre de Kaboul.
Le président Obama a dit que les 30 000 soldats américains supplémentaires contribueraient à sécuriser certaines zones et à créer des environnements sûrs favorisant le développement, mais les Talibans ont annoncé qu’ils renforceraient leur campagne de violence en 2010, et ils s’y sont déjà employés, y compris pendant l’hiver, qui est traditionnellement une période d’accalmie.
Vulnérabilité
« Si l’augmentation du nombre de soldats implique que l’accès aux zones de conflit diminue encore davantage, cela exacerbera la vulnérabilité », a dit Sheilagh Henry, responsable de la coordination sur le terrain au Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).
« Si le conflit armé s’intensifiait encore en 2010 », a averti Charlotte Esther Olsen, directrice pays du Norwegian Refugee Council (NRC), « le NRC, comme la communauté humanitaire en Afghanistan, craint que l’on n’assiste à des niveaux élevés de déplacements internes ou de fuite vers les pays voisins ».
Photo: Tasal/IRIN |
Les insurgés talibans se sont promis de multiplier leurs attaques en 2010 |
Une intensification du conflit pourrait avoir un impact désastreux sur les civils, qui sont déjà gravement affectés par les combats, d’après des agences humanitaires.
Les organisations craignent aussi d’être elles-mêmes de plus en plus la cible d’attaques, les insurgés cherchant à créer une impression générale d’insécurité, et rendant ainsi le travail humanitaire plus risqué et plus difficile. L’augmentation du nombre de soldats pourrait en outre renforcer l’implication des militaires dans les projets civils, humanitaires et d’aide, brouillant encore davantage les frontières entre les civils et les militaires.
Des objectifs civils « tout aussi importants »
Dans sa dernière déclaration au Conseil de sécurité des Nations Unies, le 6 janvier dernier, Kai Eide, en tant que Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en Afghanistan, a averti : « Le renforcement de la présence des militaires ne doit pas miner les objectifs civils, qui sont tout aussi importants ».
M. Eide a suggéré que des objectifs civils clés – le renforcement des institutions gouvernementales afghanes, l’amélioration de l’efficacité de l’aide et de la coordination entre les donateurs – viennent compléter la mobilisation militaire.
« Le développement des institutions et l’amélioration de la coordination sont des objectifs à long terme », a dit Ajmal Samadi, directeur de l’Afghanistan Rights Monitor (ARM), un organisme de surveillance des droits humains basé à Kaboul. « [Le pays a] besoin d’urgence d’un plan de réponse aux conséquences humanitaires immédiates de l’intensification du conflit anticipée pour 2010 ».
Les principes humanitaires traditionnels insistent sur l’importance de l’indépendance et de l’impartialité de l’aide, qui doit être au service des victimes et non d’un agenda politique quelconque. En Afghanistan, il s’est avéré difficile de respecter cette règle.
Photo: Tasal/IRIN |
Les organisations humanitaires s’inquiètent de l’impact de plus en plus fort du conflit sur les communautés civiles |
OCHA a dit avoir lancé un Plan d’action humanitaire de 860 millions de dollars pour 2010, qui place les populations vulnérables en Afghanistan au centre de ses préoccupations. En outre, l’organisation souhaite créer un « Fonds de réponse d’urgence » qui permettrait aux organisations d’avoir accès à une réserve de fonds prêts à être débloqués en cas d’urgence, y compris dans les situations d’urgence liées à un conflit.
« Le gouvernement, en tant qu’organisme assumant la responsabilité ultime de la sécurité de la population de l’Afghanistan, doit réfléchir à des plans de contingence pour les déplacements [de populations] », a dit M. Henry, d’OCHA.
Cependant, les plans et stratégies d’OCHA comme d’autres organisations humanitaires dépendront en grande partie des conditions d’accès et de sécurité, et des capacités d’exécution.
Le 28 octobre dernier, une attaque visant une maison d'hôtes à Kaboul, qui a coûté la vie à cinq employés internationaux des Nations Unies, a affecté les capacités de l’organisation : depuis cet incident, plus de 340 employés internationaux des Nations Unies ont été temporairement relogés à l’extérieur du pays.
IRIN a demandé au CICR, aux Nations Unies et à d’autres organisations humanitaires ce qui devrait être fait pour minimiser l’impact du conflit sur les civils :
« Le moyen le plus efficace pour éviter les souffrances inutiles lors d’un conflit est le respect strict du droit humanitaire international », a dit Reto Stocker, du CICR.
« Nous espérons que la priorité numéro un des opérations militaires sera la sécurité et la protection des civils », a dit à IRIN Aleem Siddique, porte-parole de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA).
« Les acteurs militaires doivent respecter les principes directeurs civilo-militaires élaborés par le Groupe de travail national afghan civilo-militaire en 2007 afin d’améliorer la sécurité des ONG [organisations non gouvernementales] », a dit Charlotte Olsen, du NRC.
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