Cela rappelait un peu les audiences de la Commission Vérité et Réconciliation d’Afrique du Sud. Mais, plutôt que l’apartheid, le thème de la première des 125 audiences organisées dans 17 pays avant la conférence mondiale des Nations Unies à Copenhague, au Danemark, était le changement climatique. Ces audiences s’inscrivent dans le cadre d’une série d’efforts de la société civile pour s’assurer que les voix de ceux qui ont le plus de difficulté à vivre avec les effets du changement climatique seront entendues.
« Ce n’est que lorsque je me suis rendue à une réunion sur le changement climatique à Kampala [capitale de l’Ouganda] que j’ai su que ce n’était pas Dieu qui était responsable de nos malheurs, mais les riches occidentaux qui relâchent dans l’atmosphère trop de gaz [à effet de serre] », a dit Constance Okollet Ocham, une fermière du district de Tororo, dans l’est de l’Ouganda – une région frappée par la sécheresse.
« Nous leur demandons d’arrêter, et de réduire [leurs émissions] », a-t-elle insisté. Entre 1991 et 2000, l’Ouganda a connu à sept reprises la sécheresse et les nappes phréatiques ont baissé, laissant à sec plusieurs puits de forage desquels dépend la population rurale.
Des petits fermiers du Kenya, du Mali, du Malawi, de l’Éthiopie et de l’Afrique du Sud ont également livré des témoignages émouvants sur les cycles d’inondations et sécheresses qui affectent leurs communautés et leurs terres à une commission dirigée par l’archevêque Desmond Tutu, autrefois à la tête de la Commission Vérité et Réconciliation.
Mme Okollet Ocham a indiqué à la Commission que dans l’est de l’Ouganda, les saisons avaient cessé de suivre leur cours normal en 2007, quand la région a été frappée par des inondations. « Avant, nous avions deux récoltes par an. Maintenant, il n’y a plus de modèle fiable. Des inondations comme nous n’en avons jamais vues sont arrivées et ont tout balayé [en 2007]. Quand les eaux se sont retirées, nous sommes retournés chez nous, mais il ne restait plus rien : nos maisons, nos champs, nos bêtes...Tout avait disparu ».
En se logeant dans des trous pollués, l’eau stagnante des inondations a créé un foyer de reproduction pour les moustiques porteurs du paludisme, entraînant ainsi une augmentation du nombre de cas.
« Nous ne sommes pas riches. Nous sommes pauvres et nous dépendons de l’agriculture pour survivre. Certains d’entre nous ne mangent qu’un repas par jour, ils meurent de faim. Parfois, en l’espace d’une journée, cinq à six personnes meurent de faim ou de maladie », a-t-elle ajouté.
Photo: Bill Corcoran/IRIN |
L’archevêque Desmond Tutu et l’ancienne haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Mary Robinson (en veste rouge) avec quelques-uns des « témoins climatiques » |
Pastoraliste, chef de sa communauté et éleveur, Omar Jibril vit dans le nord du Kenya, une région affectée par la sécheresse. Il doit prendre soin de 40 enfants et petits-enfants. Son histoire est semblable à celle de Mme Okollet Ocham. Les pâturages de la région ont été dévastés par la sécheresse en 2005. En raison de la faiblesse constante des précipitations, ils n’ont pas encore retrouvé leur état initial.
« J’avais 200 vaches, je n’en ai plus que 20 – les autres sont toutes mortes. Par le passé, nos terres étaient capables de se remettre de la sécheresse, mais plus maintenant. Je dois donner de notre nourriture aux bêtes qu’il me reste si je veux qu’elles survivent, et nous devons aller beaucoup plus loin pour avoir de l’eau potable ».
Les régions pastorales de l’est, du nord et du sud du Kenya ont connu quatre années consécutives de faibles précipitations. « J’ai vendu quelques-unes de mes bêtes pour pouvoir envoyer mes enfants à l’école, mais maintenant, certains ont dû abandonner », a dit M. Jibril.
« L’augmentation de la fréquence des sécheresses a également amené des maladies. Aussi, le manque de nourriture force la population à recourir à la déforestation pour survivre – d’où je viens, il n’y a plus d’arbres ».
Les inondations à répétition ont fait disparaître les nutriments du sol, entraînant ainsi une dégradation de la qualité et de la productivité des terres agricoles et une augmentation des mauvaises récoltes. Dans certaines communautés rurales pauvres, les femmes doivent parfois recourir au travail du sexe pour survivre.
M. Tutu et l’ancienne haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Mary Robinson transmettront ces messages aux dirigeants de l’Afrique et du reste du monde à la conférence des Nations Unies sur le changement climatique, afin de faire comprendre le coût humain du changement climatique dans les régions les plus pauvres de la planète.
« Les témoignages d’hommes et de femmes qui luttent déjà pour vivre avec les effets du changement climatique nous rappellent ce qui est en jeu dans les négociations internationales sur le climat. Déjà, à travers le continent africain, des communautés appauvries ont beaucoup perdu à cause d’une crise du climat dans laquelle ils n’ont aucune responsabilité », a dit Mme Robinson, présidente honoraire d’Oxfam International, l’un des organisateurs des audiences.
« Leurs voix – et leurs appels à un accord climatique juste, ambitieux et contraignant – méritent d’être entendus par les dirigeants du continent et du reste du monde ».
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