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Le désarmement de Karamoja « doit être repensé »

AK-47s are commonplace in Karamoja www.karamoja.eu
Les efforts entrepris pour récupérer les armes illégales dans la région de Karamoja, dans le nord-est de l’Ouganda, risquent de rester sans effets, à moins que les communautés désarmées obtiennent d’autres moyens de protection, d’après des sources officielles.

« A l’origine, nous étions pour le désarmement… mais en réalité, le fait de rendre nos armes nous a davantage exposés au danger… », a dit à IRIN Jackson Angella, habitante du district de Kotido, dans la région de Karamoja. « Nous avons demandé… à ce que nos vies et nos vaches soient protégées, mais cela ne vient pas, donc la sécurité, c’est d’avoir une arme dans sa manyatta [kraal, ou enclos] ».

D’après un rapport publié en juillet par le Centre international Feinstein, intitulé « Changer les rôles, déplacer les risques : l’impact du désarmement de Karamoja sur les moyens de subsistance », le désarmement aggrave la pauvreté, car les gens ne peuvent plus protéger leurs biens.

Selon ce rapport, il serait probablement impossible de désarmer complètement Karamoja.

« Premièrement, les armes continueront à entrer dans la région ; deuxièmement, les vrais criminels n’abandonneront jamais leurs armes ; troisièmement, le manque de protection des personnes désarmées conduira à une perte de confiance dans l’Etat. Les gens finiront par se réarmer pour pouvoir se protéger, ce qui entretiendra le commerce d’armes », expliquent les auteurs.

Etant donné que le nord-ouest du Kenya et le sud du Soudan, les régions limitrophes, ne procèdent pas au désarmement de leur côté, il est relativement facile de faire entrer des armes et des munitions dans la région.

« Il faut impliquer le Kenya et le Soudan. Sinon, le pouvoir des armes continuera à régner, et cela créera un cercle vicieux de [réarmement] », a dit à IRIN Francis Kiyonga, législateur de Karamoja. « Il serait cruel de désarmer les Karamojong en les [laissant] à la merci des communautés armées du Kenya et du Soudan ».

Les vols transfrontaliers de bétail se multiplient le long de la frontière, ce problème étant notamment accentué par des périodes de sécheresse fréquentes et prolongées.

Le gouvernement ougandais a lancé le désarmement de Karamoja en 2001, en réponse à une montée des attaques de troupeaux à l’intérieur du pays.

Cependant, le rapport Feinstein remarque que, depuis 2006, « le désarmement s’est concentré sur la confiscation des armes des communautés de Karamoja…, en général par la force, ce qui nuit aux communautés et aux relations entre les civils et l’armée ».

Le rapport cite un habitant du sous-comté de Rengen, dans le district de Kotido : « Si vous rapportez une arme, non seulement ils vous la confisquent, mais en plus ils vous mettent en détention ! » Une habitante du sous-comté de Panyangara commente également : « les gens ont très peur de rapporter leurs armes ». Pour elle, que l’on garde son arme ou qu’on la rapporte aux casernes, « on s’attire de toutes façons des ennuis ».

Cependant, les militaires ont nié ces observations. Le major Felix Kulaigye, porte-parole de l’armée, a déclaré que « la porte est toujours ouverte à ceux qui rapportent leurs armes volontairement, et on leur donne un certificat ».

« Au départ, on donnait même de l’argent en échange des armes rapportées, mais les gens utilisaient l’argent pour acheter d’autres armes, qu’ils venaient ensuite nous apporter. Nous avons arrêté de donner de l’argent parce que cela devenait un véritable commerce. Mais mettre en détention les gens qui nous apportent volontairement des armes serait contre-productif pour nous », a ajouté M. Kulaigye.

Policemen serving in the Anti-Stock Theft Unit: Returnees in Kitgum are living in fear of cattle rustlers
Photo: Charles Akena/IRIN
Policiers travaillant dans l’Unité de lutte contre le vol de bétail en Ouganda (photo d’archives) : les communautés de Karamoja sont réticentes à rendre leurs armes en raison des problèmes d’insécurité
Des moyens de subsistance menacés

Le désarmement a également eu des conséquences sur les moyens de subsistance. Il a conduit au transfert des responsabilités dans les activités d’élevage, et à l’effondrement des systèmes migratoires essentiels.

Le bétail est confiné dans des kraals dans les casernes, où il est gardé par des militaires. Cependant, d’après le rapport, « les militaires ont un intérêt et des aptitudes limités en matière d’élevage, et protéger les troupeaux des attaques criminelles ne fait pas partie des missions habituellement confiées à une armée nationale ».

Du fait de cette situation, il est également difficile pour les familles de vendre leurs bêtes pour subvenir à d’autres besoins.

Le rapport recommande que les communautés et leur bétail retournent à des systèmes traditionnels dès que possible, une fois que des moyens de protection civile efficaces et éprouvés seraient mis en place.

« Si on démantèle les kraals avant que ce ne soit le cas, on retrouvera rapidement les niveaux d’insécurité que l’on a connus par le passé, et les communautés s’empresseront de se réarmer pour protéger leurs biens », expliquent les auteurs, en ajoutant qu’il faut également s’attaquer aux problèmes de pauvreté et de marginalisation.

Faisant écho à ces remarques, M. Kiyonga a observé que la région avait besoin de davantage d’investissements socio-économiques. « Si tous… les enfants allaient à l’école, et que cette situation se maintenait pendant environ 15 ans, nous parviendrions à enrayer le cercle vicieux, et nous arrêterions de recruter des combattants », a-t-il affirmé.

Cependant, malgré des expériences individuelles négatives de désarmement, le rapport Feinstein a observé qu’en général, les communautés locales étaient en faveur du désarmement complet, afin de favoriser la paix et le développement.

« On comprend aisément pourquoi le désarmement est considéré comme une bonne solution aux problèmes de Karamoja et des régions avoisinantes : sans armes, les gens ne peuvent pas perpétrer de violences armées, par conséquent, les armes doivent être supprimées ».

vm/aw/mw/il/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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