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Déconstruction d’une crise - Deuxième partie

Demonstrations turned violent in a week of political protest IRIN
Le bras de fer entre Marc Ravalomanana, président de Madagascar, et le charismatique Andry Rajoelina, maire destitué d’Antananarivo, la capitale, a déjà fait plus d'une centaine de morts depuis le 26 janvier : que cachent ces violences et que va-t-il se passer à présent ? Cet article est la dernière partie d’une série en deux volets, dans le cadre de laquelle IRIN a demandé à trois analystes d’examiner l’impasse politique malgache.

Pour lire la première partie, cliquez ici.

Les trois analystes sont :
• Richard Marcus (RM), directeur du programme d’études internationales de la California State University, aux Etats-Unis.
• Solofo Randrianja (SR), professeur d’histoire politique à l’université de Toamasina, à Madagascar.
• Stephen Ellis (SE), professeur à la faculté des sciences sociales de l’Université libre d’Amsterdam et chercheur principal au Centre d’étude sur l’Afrique, à Leyde, aux Pays-Bas.

Andry Rajoelina a-t-il trop présumé de sa situation ?

Richard Marcus : « M. Rajoelina semblait bien placé pour lancer un mouvement social. A Madagascar, il est possible de mesurer le changement politique avec les mouvements sociaux, petits et grands. Mais la grosse différence entre 2002 [année d’arrivée au pouvoir de M. Ravalomanana, à la suite d’une victoire électorale chaotique] d’une part, et 2009, d’autre part, c’est que M. Rajoelina a commencé à éroder la viabilité du gouvernement sans offrir d’alternative véritable.

« Il ne cesse de réclamer la formation d’un “gouvernement de transition”, mais on ignore vers quoi doit mener cette transition. M. Rajoelina est jeune, sa base de soutien n’est pas assez importante dans la capitale, et il n’a presque pas de base en dehors de la capitale ; il n’a pas les ressources dont disposait M. Ravalomanana en 2002, ni l’expérience nécessaire pour mener un mouvement.

« Là où il y a une vraie contestation du régime, en particulier dans la capitale, les germes d’un coup d’Etat ont été semés. Cela n’est pas arrivé. Il est fort peu probable que cela arrive ».

Stephen Ellis : « Il devient difficile d’envisager une issue dans les circonstances actuelles. Les derniers événements ont gravement sapé la légitimité du président M. Ravalomanana. Mais à mon sens, [M. Rajoelina] n’a presque aucune chance de prendre le pouvoir, à moins qu’un processus électoral ne soit engagé. S’il devait quitter la scène politique, avec le temps, la grogne finirait certainement par trouver un autre moyen ou un autre leader pour s’exprimer ».

Solofo Randrianja : « M. Ravalomanana négocie avec différents partenaires sur la manière de neutraliser un mouvement social [confiné à] certains quartiers de la capitale. Maintenant, pour avoir la paix et la tranquillité, la majorité de la population est prête à donner carte blanche à M. Ravalomanana ».

Chronologie d’une impasse politique

 

26 janvier (2009) : Andry Rajoelina, maire d’Antananarivo, mène des manifestations contre le gouvernement. Les violences et les pillages qui s’ensuivent font jusqu’à 40 morts.

28 janvier : Des milliers de partisans de l’opposition descendent dans la rue une nouvelle fois pour protester contre le président Marc Ravalomanana.

3 février : M. Rajoelina est démis de ses fonctions de maire d’Antananarivo.

4 février : Les foules manifestent pour protester contre la destitution du maire. M. Rajoelina réitère ses plans d’instaurer un gouvernement de transition.

7 février : La garde présidentielle ouvre le feu sur des milliers de partisans de l’opposition, mobilisés par les appels de M. Rajoelina à la formation d’un gouvernement de transition. L’incident fait au moins 28 morts et plusieurs centaines de blessés.

10 février : MM. Ravalomanana et Rajoelina consentent à engager des pourparlers sous les auspices des Nations Unies.

16 février : Les forces de sécurité déployées dans la ville interdisent à des milliers de manifestants l’accès aux ministères.

17 février : L’armée s’engage à ne pas s’emparer du pouvoir.

19 février : Les représentants de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) arrivent à Madagascar pour faciliter les négociations entre le président et son rival.
Derrière le mouvement

RM : « Il n’est pas surprenant que M. Rajoelina ait pu mobiliser 40 000 partisans, le 17 janvier. Ce qui est surprenant, en revanche, ce sont les violences qui se sont ensuivies. Pour que le mouvement de M. Rajoelina devienne plus violent au-delà des portes d’Antananarivo, celui-ci devrait pouvoir se bâtir une base de soutien rapidement, tout en esquivant le soutien populaire croissant en faveur de son arrestation. Cela semble peu probable.

« M. Rajoelina a essayé de rejouer janvier 2002 en janvier 2009, mais avec M. Ravalomanana dans le rôle de l’ancien président Didier Ratsiraka [évincé par M. Ravalomanana après 23 années de régime] : l’antidémocrate, l’oppresseur, un fléau pour le peuple. Mais il y a des différences de taille : M. Rajoelina ne jouit d’aucune légitimité électorale, et avant tout, M. Rajoelina n’est pas un leader national. Il est l’aimant qui attire une multitude de leaders et de petites gens qui n’ont guère d’autre point commun que leur mécontentement.

« M. Rajoelina a formé un véritable club du « tout sauf Ravalomanana », qui englobe à la fois le vieux mouvement radical, et le mouvement modéré. Il ne jouit pas d’un large soutien, mais il a plongé de solides racines dans le secteur privé et la société civile. Ce que peut faire M. Ravalomanana, c’est changer le statu quo et ouvrir le gouvernement à la concurrence politique ».

SE : « Roland Ratsiraka, neveu de l’ancien Président, s’est allié à M. Rajoelina. L’émergence de l’opposition dans les grandes villes de provinces porte également à croire que les politiciens provinciaux de l’ère Ratsiraka se servent des événements actuels pour tenter un retour ».

RM : « Indirectement, [Didier Ratsiraka] est un facteur. C’est d’ailleurs parce qu’un discours de M. Ratsiraka a été diffusé sur Viva [le réseau radio/TV de M. Rajoelina] que la chaîne a été fermée par M. Ravalomanana en décembre. C’est cette mesure qui a marqué le début du conflit. Les vieux politiciens sont eux aussi des facteurs indirects. La “vieille garde” est trop vieille, mais M. Rajoelina est devenu l’élément fédérateur de la nouvelle génération d’opposition ».

Pression internationale

SE : « On ne sait pas si M. Rajoelina jouit d’un soutien international ; les puissances étrangères semblent soutenir le Président actuel, qui après tout a été légitimement élu et qui en outre ne risque guère d’être renversé, à court terme, semble-t-il ».

SR : « Les investisseurs vont se montrer plus prudents à l’avenir, c’est certain. Les partenaires internationaux ne peuvent pas soutenir un mouvement qui érige un gouvernement parallèle illégal ».

RM : « La décision de la Banque mondiale et de l’Union européenne de suspendre leur soutien budgétaire en décembre [2008] était un bon premier pas pour reconnaître le pouvoir de la communauté internationale et faire pression sur M. Ravalomanana afin de l’obliger à opter pour la réforme plutôt que pour une nouvelle centralisation. Le défi lancé par Andry TGV [le surnom de M. Rajoelina] est un début, pas une fin, et ce, même si celui qui a lancé le défi finit lui-même par être relégué [au rang d’acteur dans] un épisode de violence passagère ».

Changer le statu quo

RM : « Que pourrait faire M. Ravalomanana pour changer le statu quo et ouvrir la voie à la concurrence politique ? Il pourrait ouvrir grand les portes à un véritable audit du secteur minier et du secteur pétrolier émergent. Avant tout, peut-être, M. Ravalomanana pourrait cesser de modifier les institutions malgaches pour servir ses intérêts : au contraire, ce sont ses propres intérêts qui devraient changer de façon à renforcer les institutions, qui survivront bien au-delà de son mandat. Il pourrait par exemple assurer, dans le cadre des processus budgétaires, plus de transparence et de cohérence entre les autorités étatiques, régionales et communales. Il peut faire beaucoup de choses.

« L’autre approche que le président Ravalomanana pourrait adopter serait de réduire encore davantage la transparence et la concurrence. Cette attitude de fermeture limiterait les contestations futures de son autorité, mais c’est un jeu dangereux. Il risquerait de radicaliser une opposition qui n’a pas d’objectif central, pas de consensus entre ses dirigeants, et pas les moyens de participer à un processus institutionnel.

« S’il est vrai que M. Rajoelina a perdu son impulsion, et qu’il se dirige déjà vers l’isolement, il est en revanche possible qu’une opposition radicale fasse perdre au gouvernement son pouvoir de gouvernance sans prévoir de mode de succession clair ».

tdm/oa/nh/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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