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Tous à la mer : comprendre les tenants et les aboutissants de la crise migratoire en Asie du Sud-Est

More than 1,100 migrants and asylum seekers came ashore on the Malaysian island of Langkawi after being abandoned by their smugglers. They are being held at two temporary holding centres prior to be transferred to detention facilities on the mainland. MAPIM
La détresse des milliers de migrants et demandeurs d’asile du Myanmar et du Bangladesh laissés à la dérive sans eau ni nourriture pendant près d’une semaine présente toutes les caractéristiques d’une véritable crise humanitaire. Pourtant, malgré l’inquiétude affichée par les gouvernements, les organisations humanitaires et les groupes de défense des droits de l’homme, aucun plan coordonné ne semble être à l’ordre du jour pour résoudre cette question. Des bateaux ont été repérés au large de l’Indonésie, de la Thaïlande et de la Malaisie, apparemment abandonnés par des trafiquants d’êtres humains opérants aux frontières maritimes et terrestres et ignorés par les autorités régionales. 

Qui se trouve sur ces bateaux ?

Ce sont en majorité des musulmans de l’ethnie rohingya, décrite comme l’une des minorités les plus persécutées au monde.  

Environ 800 000 Rohingyas vivent dans l’État de Rakhine, dans l’ouest du Myanmar, dont environ 140 000 dans des camps mis sur pied par le gouvernement pour séparer les membres de l’ethnie bouddhiste rakhine des Rohingyas après plusieurs épisodes de violences communautaires. 

Le gouvernement du Myanamr refuse d’accorder la citoyenneté aux Rohingyas, limite leur liberté de circulation, leur accès à l’éducation et leur droit de vote, estimant qu’il ne s’agit pas d’un véritable groupe ethnique, mais de migrants bengalais. 

Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), 25 000 d’entre eux ont embarqué dans des bateaux de passeurs dans la baie du Bengale au cours du premier trimestre 2105.
 


Voir : Les « Rohingyas » du Myanmar – quelle réalité derrière ce mot ?

Où essayent-ils d’aller ?

La plupart espèrent atteindre la Malaisie, pays musulman qui recherche de la main-d’oeuvre non qualifiée et où de nombreux Rohingyas ont déjà de la famille. La Malaisie n’est pas signataire de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés et les cartes d’identité de réfugiés délivrées par le HCR ne leur apportent que peu d’avantages sociaux. Considérés comme des immigrés clandestins, ils ne peuvent qu’espérer trouver un emploi au noir et éviter de se faire repérer et arrêter par la police. 

Les passeurs partent de la baie du Bengale

 Comment fonctionnent les réseaux de passeurs ?


Les bateaux partent du Myanmar et du Bangladesh — où près de 200 000 Rohingyas vivent dans des camps de réfugiés. Les passeurs offrent souvent la traversée à un prix peu élevé de quelques centaines de dollars ou même gratuitement, laissant entendre que les migrants devront payer le voyage avec l’argent qu’ils gagneront en Malaisie. En réalité, les migrants ou leur famille sont généralement obligés de payer des sommes bien plus importantes en échange de leur libération des camps de passeurs près de la frontière entre la Thaïlande et la Malaisie ou, de plus en plus souvent, des bateaux sur lesquels ils ont fait la traversée. 

Selon les estimations du HCR, 300 migrants seraient morts en mer au premier trimestre 2015 et on ignore combien sont morts dans les camps. Les autorités thaïlandaises ont récemment découvert un charnier contenant au moins 30 corps dans l’un de ces camps qui avait été abandonné. 

Les entretiens que le HCR a menés avec des survivants laissent entendre que les membres des réseaux de trafiquants sont de régions et de cultures différentes. Il y aurait des Bangladais, des Thaïlandais et des Birmans, dont des Rohingyas.

Qu’est-ce qui a déclenché la crise actuelle ?

Paradoxalement, ce serait la décision prise par la Thaïlande de sévir à la suite de la découverte du charnier. La Thaïlande risquait des sanctions si elle n’améliorait pas son classement dans le rapport annuel sur le trafic d’êtres humains établi par le département d’État américain. Après des arrestations très médiatisées, notamment de plusieurs fonctionnaires thaïlandais, des passeurs ont préféré abandonner leur bateau et sa cargaison humaine en mer plutôt que de prendre le risque d’accoster.

Ces derniers jours, les autorités thaïlandaises, malaisiennes et indonésiennes ont dit qu’elles ne permettraient pas aux bateaux d’accoster. Elles ont d’ailleurs refoulé plusieurs bateaux chargés de migrants. 

Jeudi, des reporters ont signalé la présence d’un bateau à la dérive transportant 350 migrants, principalement des Rohingyas, non loin des côtes thaïlandaises. Plus tard, la marine thaïlandaise a parachuté de la nourriture près du bateau et réparé son moteur pour qu’il puisse continuer sa route vers la Malaisie, car les passagers auraient refusé d’être débarqués pour raisons humanitaires.  

Vendredi, des pêcheurs indonésiens ont ramené près de 800 migrants à terre. Ils avaient repéré leur bateau qui était en train de couler au large de la côte est de la province d’Aceh. 

Qu’en disent les dirigeants de la région ?

La semaine dernière, le premier ministre thaïlandais Prayut Chan-o-cha a dit que son gouvernement manquait de ressources pour accueillir de nouveaux migrants. Mais il a dit jeudi aux journalistes qu’il avait commandé une évaluation de deux îles non peuplées au large de la côte ouest de la province de Ranong qui pourraient être utilisées pour placer en détention temporaire les Rohingyas laissés à la dérive.  

La Thaïlande a également appelé à une rencontre régionale pour trouver une solution à la crise. Celle-ci devrait se tenir le 29 mai.

Dans une déclaration publiée vendredi, le premier ministre malaisien Najib Razak, a dit qu’il était « très préoccupé par le sort des migrants dans [la] région ». 

Au Myanmar, les membres du gouvernement sont généralement restés silencieux à ce sujet, à part pour dire qu’ils boycotteraient probablement la réunion régionale qui a été proposée.  

« Nous n’acceptons pas [d’être présents] s’ils [les Thaïlandais] ne nous invitent que pour alléger la pression à laquelle ils sont soumis », a dit à l’AFP le directeur du cabinet présidentiel.

L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) pourrait être à l’initiative d’une solution régionale. Mais le groupe est connu pour sa réticence à interférer dans les affaires de ses États membres et n’a pas voulu ou pas pu faire pression sur le gouvernement birman pour qu’il adopte une réforme de sa politique envers les Rohingyas, politique qui est la cause sous-jacente de cet exode.

Au Myanmar, peu sont enclins à défendre les droits des Rohingyas, surtout en cette année électorale cruciale caractérisée par la montée du nationalisme bouddhiste.

Même Aung San Suu Kyi, la célèbre défenseure des droits de l’homme, ne s’est pas prononcée sur le sujet. 

Il a par ailleurs été suggéré que l’Australie prenne la question en main. Mais la politique de ce pays, qui refoule les bateaux transportant des demandeurs d’asile et refuse même de réinstaller ceux qui atteignent l’Indonésie, la rend peut crédible sur le sujet. 

Quelle a été la réponse humanitaire ?

Le HCR et l’Organisation internationale des migrations (OIM) ont apporté de l’aide humanitaire à plusieurs milliers de migrants et demandeurs d’asile qui ont accosté dans la province indonésienne d’Aceh et sur l’île malaisienne de Langkawi la semaine dernière.

« J’appelle les gouvernements et tous ceux qui peuvent aider à trouver ces bateaux et permettre aux migrants d’accoster et de se faire soigner », a dit William Lacy Swing, directeur général de l’OIM. « Nous vous aiderons à résoudre les problèmes à long terme relatifs au logement, au transport vers leur pays d’origine pour certains, ainsi que d’autres options, mais au nom de l’humanité, laissez ces migrants accoster », a-t-il dit. 

Le HCR a souligné que les pays de la région avaient l’obligation morale et légale de secourir les personnes en détresse en mer, conformément au droit maritime international.

ks/rh-ld/amz 
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