« Si [les forces de] Kadhafi réussissent à prendre le contrôle de Brega, nous n’aurons plus de carburant et d’électricité », a dit à IRIN un habitant de Benghazi qui s’est présenté sous le nom de Salar. Le 14 mars, on ignorait encore si les forces du gouvernement étaient parvenues à s’emparer de la ville. Les insurgés et les forces pro-Kadhafi affirmaient tous deux exercer le contrôle sur cette zone.
Selon certains observateurs, la reprise de villes de l’est du pays comme Brega pourrait encourager les forces du gouvernement, qui combattent les rebelles armés, à s’attaquer à Benghazi. Si cela devait arriver, les affrontements provoqueraient l’interruption des approvisionnements en eau et en carburant et affecteraient les opérations dans le port de Benghazi, où est acheminée une partie de l’aide humanitaire.
Bien que les écoles de Benghazi soient fermées et que de nombreux jeunes hommes aient choisi de se rendre sur le front, les habitants ont toujours accès aux soins de santé et insistent sur le fait que la ville est en sécurité.
Des civils armés de Kalachnikovs ont érigé de nombreux barrages routiers. « Il n’y a pas de problèmes de sécurité à Benghazi », a dit un résident. « La police, c’est le peuple. Les tirs que vous entendez ne sont que des manifestations de notre joie d’être libres ».
Plus d’une centaine de femmes libyennes se sont rassemblées le 12 mars dans une école du centre de la ville pour organiser une collecte de denrées alimentaires et préparer des repas pour les combattants qui sont au front. À l’occasion de cet événement, l’une des femmes a dit à IRIN : « Pendant que je suis ici, mon jeune fils s’en va au front pour aider à distribuer de la nourriture à nos soldats. Il n’y a pas de pénurie de nourriture, vous n’avez qu’à aller voir par vous-mêmes dans nos magasins ».
Selon les autorités locales, la ville dispose de suffisamment de nourriture pour tenir environ quatre mois. Muftah Etwaleb, du Croissant-Rouge libyen, a dit que le prix du pain n’avait pas augmenté depuis que la ville était tombée aux mains des forces de l’opposition il y a environ trois semaines, mais que la plupart des commerces avaient fermé leurs portes.
D’après d’autres habitants toutefois, les prix des denrées alimentaires ont commencé à augmenter. Ahmed Al-Barsi, propriétaire d’un commerce, a dit à IRIN le 13 mars : « On assiste déjà à une raréfaction des denrées alimentaires dans de nombreuses régions. À Benghazi, les prix étaient généralement bas, mais ils commencent à augmenter ».
Photo: Gratiane De Moustier/IRIN |
Des femmes préparent de la nourriture pour les rebelles qui se battent sur le front |
Selon des travailleurs humanitaires, les hôpitaux de Benghazi – Al Jalaa, le Centre Médical de Benghazi et Hawari – ont jusqu’à présent « plutôt bien » réussi à gérer la situation. Ils sont malgré tout confrontés à une pénurie d’infirmiers et de médicaments.
Une évaluation réalisée par une équipe de l’International Medical Corps (IMC) a identifié un besoin de médicaments et de matériel médical, notamment de kits chirurgicaux, à la suite d’une perturbation des approvisionnements en provenance de Tripoli.
Médecins Sans Frontières (MSF) a réussi à acheminer plus de 22 tonnes de médicaments et de matériel médical – notamment des kits chirurgicaux, des kits pour soigner les brûlés, des pansements, des anesthésiants et des antibiotiques – dans tout l’est de la Libye par l’intermédiaire de la pharmacie centrale [de Benghazi].
« L’une de nos principales préoccupations est de trouver le moyen de positionner les médicaments et le matériel médical à proximité des endroits où il peut y avoir des besoins », a dit Simon Burroughs, coordinateur d’urgence de MSF à Benghazi.
Travailleurs étrangers
Malgré la confiance des habitants de Benghazi, les travailleurs étrangers, en particulier ceux originaires d’Afrique subsaharienne, veulent quitter la ville et retourner dans leur pays.
Selon Human Rights Watch, des milliers de travailleurs étrangers d’Asie, d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Europe sont désormais sans abri et sans le sou. Ils sont coincés à Benghazi et à la frontière tunisienne.
« J’ai peur. Je veux partir, mais je ne sais pas où aller », a dit à IRIN Fatouma (qui n’a donné que son prénom). Après le bombardement de Brega, elle s’est réfugiée dans un centre près du stade avec ses enfants et son mari.
Géré par le Croissant-Rouge libyen avec le soutien du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), le centre héberge 200 travailleurs étrangers originaires d’Éthiopie, d’Érythrée, de Somalie, du Bangladesh, du Tchad, du Nigeria, du Ghana et de la Guinée.
Un Érythréen de 25 ans qui s’est présenté sous le nom d’Alex a dit que sa famille était toujours à Tripoli. « Je viens d’Érythrée et il n’est pas question que je retourne là-bas », a-t-il dit à IRIN. « J’aimerais pouvoir amener ma famille en Suisse. Je suis ingénieur électricien. Je suis éduqué ».
Les organes de surveillance et les groupes de défense des droits de l’homme ont condamné la campagne contre-insurrectionnelle menée par le gouvernement. Ils affirment en effet qu’elle prend pour cible des civils et viole la loi humanitaire internationale.
Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a créé une commission d’enquête internationale indépendante pour vérifier les allégations de violation de la législation internationale en matière de droits de l’homme, et suspendu les droits de la Libye en tant que membre du Conseil.
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