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La Tunisie se prépare à l'afflux de Libyens malgré un durcissement de l'opinion

People line up for food at Choucha camp, at the Libya-Tunisia border Kate Thomas/IRIN
Refugees at a camp on the Libya-Tunisia border (File photo)

Les autorités gouvernementales et les organisations humanitaires en Tunisie annoncent qu'elles se préparent à recevoir une nouvelle vague de réfugiés venus deLibye, malgré une opinion publique de plus en plus hostile à cet afflux avant les élections présidentielles.

Un plan de gestion de crise a été élaboré par un groupe de travail réunissant les autorités centrales et régionales tunisiennes, des organisations non gouvernementales internationales, des organismes de la société civile et des Nations Unies. Il vise à assurer un espace d'accueil aux réfugiés dans l'éventualité d'une détérioration rapide la situation sécuritaire.

Dans le gouvernorat de Médenine, frontalier de la Libye, l'autorité locale réserve 14 500 places à d'éventuels réfugiés dans des salles, des auberges de jeunesse et des hôtels. Des mesures semblables ont été prises dans le gouvernorat de Tataouine, qui pourrait également être concerné.

Ce plan prévoit également de réserver des fonds pour les besoins alimentaires, selon Salah Rouissi, vice-gouverneur de Médenine, qui n'a pas souhaité divulguer le montant exact. Comme les Libyens n'ont pas besoin de visa pour aller en Tunisie et que beaucoup ont les moyens financiers de quitter les zones frontalières pour se rendre dans d'autres villes tunisiennes, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ne dispose pas de données sur le nombre de Libyens réfugiés dans le pays.

Un homme politique a récemment estimé ce nombre à 1,9 million - même si cela inclut des centaines de milliers de Libyens déjà présents dans le pays avant la guerre de 2011 qui a conduit au renversement de l'ancien président, Mouammar Kadhafi. « Il est difficile de savoir précisément combien [ils sont] », a déclaré Muftah Etwilb, représentant de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) en Afrique du Nord. Il a expliqué que la plupart des Libyens préféraient ne pas s'enregistrer.

Tirer les leçons de 2011

Pourtant, les autorités semblent mieux préparées pour aider les réfugiés que lors de la crise précédente. En 2011, quand les combats avaient éclaté entre les forces gouvernementales de Kadhafi et les rebelles, près de 700 000 Libyens et autres ressortissants avaient fui vers la Tunisie et l'Egypte. L'afflux, arrivant si peu de temps après la révolution tunisienne, avait submergé le pays dans certaines régions, ce qui avait aggravé la situation économique.

Si les travailleurs humanitaires ne s'attendent à ce que le même scénario se répète, ils soutiennent qu'ils sont maintenant plus aptes à faire face. « Cette fois, nous sommes prêts à intervenir et à tirer les leçons de 2011 », a déclaré M. Etwilb. « Nous avons commencé tôt en janvier, à l'appel de la communauté humanitaire locale. » Il a ajouté qu'à l'heure actuelle, la situation aux frontières était relativement calme, mais que des accès de violence conduisaient souvent des milliers de personnes à franchir la frontière en l'espace d'une seule journée.

« Cette fois, nous sommes prêts à intervenir et à tirer les leçons de 2011. Nous avons commencé tôt en janvier, à l'appel de la communauté humanitaire locale. »
Un autre volet du plan consiste à doter les hôpitaux de bons équipements, afin de répondre aux cas d'urgence, d'après Monji Slim, chef du bureau régional du Croissant-Rouge tunisien à Médenine. M. Etwilb a ajouté qu'une clinique mobile devrait être opérationnelle dans les prochains jours. « Elle sera mise à disposition des déplacés et des réfugiés, mais aussi de la population locale », a-t-il affirmé.

En outre, le HCR a installé des bureaux-conteneurs de pré-enregistrement aux points de passage frontalier de Ras Jedir et de Dehiba. Ces bureaux sont destinés aux demandeurs d'asile qui entrent en Tunisie dans le cas d'une arrivée massive, a déclaré à IRIN Julia Gouyou Beauchamps, du HCR en Tunisie.

Regain d'hostilité

Pendant que les institutions publiques et les organisations humanitaires se préparent, de plus en plus, les hommes politiques tunisiens critiquent haut et fort l'afflux de réfugiés. En juillet, le ministre des Affaires étrangères d'alors a déclaré que la Tunisie ne pouvait pas accueillir davantage de réfugiés et a menacé de fermer la frontière.

Les réfugiés sont également toujours plus accusés d'être en lien avec des groupes islamistes qui planifieraient des attaques en Tunisie. Le mois dernier, la frontière a été momentanément fermée pour des raisons de sécurité, en raison de la tenue d'élections législatives qui se sont déroulées avec succès. Il est probable que des fermetures du même ordre auront lieu lors des deux tours des élections présidentielles dans le courant de l'année. Il est également interdit aux réfugiés de prendre part à toute forme d'activité politique publique spontanée.

Pour les Libyens, ce regain d'hostilité aggrave leur sentiment de perte. « D'autres personnes de ma ville natale se sont enfuies en Egypte ou ont pu aller dans d'autres pays grâce à leur double nationalité », a déclaré une réfugiée - une veuve - qui n'a pas souhaité donner son nom. « Mais tous mes proches sont rentrés chez eux [en Libye]. Je n'ai personne ici à Tunis... et je me bats pour survivre et offrir une vie meilleure à mon fils. »

« C'est difficile d'avoir l'impression que vous ne valez rien, après avoir été si active et avoir accompli tant de choses dans le passé », a-t-elle dit en larmes.

L'afflux massif de réfugiés exerce une forte pression sur le principal passage frontalier de Ras Jedir, déjà instable du côté libyen à cause de l'évolution des dynamiques de pouvoir. M. Etwilb, de la FICR, a admis qu'il n'est pas toujours évident de savoir qui détenait le contrôle parmi les différents types de groupes qui se disputent le pouvoir, dont la brigade de Zintan, originaire d'une région frontalière.

M. Rouissi, du gouvernorat de Médenine, a déclaré qu'il était convaincu que la situation resterait calme à la frontière. « Même si nous avons déjà eu des problèmes au passage frontalier de Ras Jedir, juste après [l'embrasement du] conflit en Libye en avril, tout est actuellement sous contrôle », a-t-il dit.

Beaucoup de ceux qui entrent en Tunisie ne sont pas des réfugiés libyens, mais plutôt des migrants qui y vivaient et y travaillaient, notamment des Indiens, des Pakistanais, des Marocains, des Algériens, des Africains sub-sahariens, et en grande majorité, des Egyptiens.

« Nous avons connu une période intense où entre 700 et 1 000 Egyptiens entraient en Tunisie depuis la Libye en l'espace d'un seul jour », a déclaré M. Rouissi. « Nous avons veillé à nourrir et à répondre aux besoins de tous jusqu'à leur arrivée à l'aéroport avant leur retour en Egypte », a-t-il ajouté. Grâce à la coordination avec leurs homologues égyptiens, les autorités tunisiennes ont pu mettre en place un pont aérien entre les aéroports de Djerba-Zarzis et de Gabès.

En collaboration avec l'Organisation internationale pour les migrations, les autorités tunisiennes ont également travaillé en coordination avec les ambassades, afin d'organiser le retour des autres ressortissants de pays tiers dans leur pays d'origine.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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