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La couverture médicale universelle suscite des espoirs et des craintes en Indonésie

Malaria continues to remain a serious health concern in Indonesia Contributor/IRIN
La mise en place de la couverture médicale universelle a été accueillie avec enthousiasme par la population indonésienne, mais des experts de la santé préviennent que le sous-financement pourrait nuire à la qualité des soins offerts.

L’objectif du gouvernement est de permettre l’accès aux soins de santé à tous les Indonésiens d’ici à 2019 grâce au nouveau programme baptisé ‘Jaminan Kesehatan Nasional’ (JKN). Près de 20 trillions de roupies (1,6 milliard de dollars) seront consacrés à la couverture des primes des indigents en 2014.

Environ 65 pour cent des 240 millions d’Indonésiens, y compris 86 millions de personnes considérées comme pauvres, sont couverts par un programme de santé régional ou national et bénéficient automatiquement d’une couverture complète grâce au JKN, qui a remplacé les anciens programmes de santé.

« C’est un excellent programme. Cela veut dire qu’une personne ne devrait plus se voir refuser l’accès aux soins parce qu’elle n’a pas d’argent », a dit Wawan Mulyawan, neurochirurgien et conseiller assurance maladie qui travaille dans un hôpital privé de la capitale, Djakarta.

Selon les estimations de la Banque mondiale, le régime d’assurance coûtera entre 13 et 16 milliards de dollars chaque année une fois sa mise en œuvre achevée ; le gouvernement a indiqué qu’il allait doubler ses dépenses en matière de santé, pour les faire passer à 16 trillions de roupies (1,64 milliard de dollars) en 2014, afin d’offrir une couverture aux pauvres et aux « personnes proches du seuil de pauvreté ».

Défis et préoccupations

La mise en œuvre a pris effet le 1er janvier 2014, mais elle ne s’est pas faite sans difficulté, car une majorité des employés des hôpitaux de référence ne connaissent pas en détail le programme.

« Les hôpitaux craignent de perdre de l’argent, car ils ne sont plus remboursés de la même façon, et les personnels de santé ont peur de commettre des erreurs », a dit M. Mulyawan. « En conséquence, la qualité des soins a été compromise, car les protocoles de soins établis par les hôpitaux ne sont pas appliqués ».

Les hôpitaux, publics et privés, se plaignaient du précédent programme national d’assurance en direction des pauvres, et notamment du fait que le gouvernement différait les paiements de plus de 12 mois ; en outre, certains hôpitaux refusaient les patients qui ne versaient pas d’acompte. Le gouvernement indique toutefois qu’il a appris de ses erreurs.

« Nous travaillons au renforcement du système de soins de santé primaire dans tout le pays en améliorant les infrastructures et en recrutant davantage de personnels de santé », a dit à IRIN Ali Ghufran, ministre adjoint de la Santé.

L’Indonésie compte 25 professionnels de santé pour 10 000 habitants – un chiffre conforme aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé qui préconise 23 professionnels de santé pour 10 000 habitants - mais ils sont essentiellement concentrés dans les centres urbains, ce qui veut dire que certaines régions de l’archipel manquent de personnel de santé.

Plus de 1 700 hôpitaux publics et privés participent au JKN, et les quelques 9 000 cliniques communautaires financées par l’État, les Puskesmas, constituent la colonne vertébrale du système de soins de santé primaire, a dit M. Ghufran.

Le gouvernement prévoit de construire 150 nouveaux hôpitaux en 2014 ; il indique que tous les hôpitaux devront soigner les patients couverts par le programme JKN d’ici à 2019.

Agung Laksono, le ministre chargé de la coordination des Affaires sociales, a dit que les difficultés auxquelles le système de santé se heurte dans la mise en œuvre de la couverture universelle incluent les insuffisances du système de référence, l’insuffisance de la qualité de service tant au niveau primaire qu’au niveau des références et le coût élevé des soins.

La sécurité des patients constitue une autre source d’inquiétude, car certains hôpitaux ne sont pas agréés, a-t-il dit. Seulement environ 65 pour cent des hôpitaux indonésiens sont agréés, dont une majorité d’établissements publics.

Difficultés de paiement

« L’Indonésie connait une transition épidémiologique, avec une forte prévalence des maladies transmissibles, et pourtant les maladies dégénératives et les maladies non transmissibles, comme les maladies cardiovasculaires et les cancers, sont en augmentation », a-t-il dit.

Le taux de mortalité des personnes souffrant de maladies non transmissibles s’est accru, passant de 41,7 pour cent en 1995 à 59,5 pour cent en 2007 – soit une augmentation de 42 pour cent – selon les derniers chiffres fournis par le ministère de la Santé.

D’après l’enquête sur les soins de santé primaires réalisée par le ministère de la Santé, la prévalence du diabète était de 2,1 pour cent en 2013, contre 1,1 pour cent en 2007. La prévalence de l’hypertension était de 31,7 pour cent contre 25,8 pour cent en 2007.

Un rapport rendu public en 2013 par Novo Nordisk, une société mondiale de soins de santé, a noté que 7,6 millions d’Indonésiens vivent avec le diabète et que des millions d’autres sont à risque de développer la maladie.

Le nombre d’Indonésiens souffrant de diabète devrait atteindre 11,8 millions de personnes d’ici à 2030, soit une croissance annuelle de 6 pour cent qui est supérieure à la croissance démographique du pays.

Muhammad Imran, dont le père souffrait de diabète et d’hypertension artérielle et bénéficiait d’un traitement en consultation externe dans le cadre d’un précédent régime d’assurance, a dit que le Central Army Hospital avait été débordé par un afflux de patients adressés par des cliniques de soins de santé primaires.

« Mon père devait patienter pendant des heures avant de voir un médecin », a-t-il dit. « Ensuite, il fallait faire la queue pendant des heures à la pharmacie. C’est ridicule ».

Si le gouvernement dépense mensuellement 19 225 roupies indonésiennes (1,60 dollar) pour les soins reçus par chaque citoyen pauvre dans des services d’hospitalisation de troisième classe, les Indonésiens peuvent également souscrire à l’un des trois régimes d’assurance suivants : 25 500 roupies (2 dollars) par mois pour des soins de troisième classe, 42 500 roupies (3,60 dollars) pour des soins de seconde classe et 59 000 roupies (5 dollars) pour des soins de première classe.

L’Association médicale indonésienne, qui compte 110 000 membres, indique que les sommes versées par le gouvernement pour les pauvres sont insuffisantes. Elle a prévenu que cela risquait de compromettre la qualité des soins de santé.

Les médecins

« Cela entraînera inévitablement des problèmes. Les médecins ne seront pas correctement payés et ils ne pourront pas offrir la meilleure qualité de soins », a indiqué Zainal Abidin, président de l’association.

Le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono a dit qu’il savait que le problème pourrait se poser et que le gouvernement allait adopter une nouvelle règlementation prévoyant des incitations financières pour les médecins et les autres personnels de santé. En outre, le montant de la prime payée pour les pauvres augmenterait progressivement.

« Une évaluation sera réalisée au bout de trois mois et [une seconde au bout de] six mois afin d’en garantir une meilleure mise en œuvre », a dit le président de l’association.

Le JKN prévoit que les médecins et les dentistes qui travaillent dans les cliniques publiques (Pukesmas) soient payés en fonction de la « capitation » : cela veut dire que les fournisseurs de soins de santé reçoivent une somme fixe pour chaque personne enregistrée qui leur est adressée pour une période de temps donnée (un mois en général), qu’elle se fasse soigner ou non.

Conformément au programme, les médecins et les établissements de soins de santé primaires, publics et privés, devront soigner toutes les personnes qui leur sont adressées, que les patients viennent pour se faire soigner ou non.

Cependant, selon M. Abidin, le montant perçu par un fournisseur de soins primaires ou un médecin de famille pour chaque patient enregistré qui leur est adressé – 8 000 roupies, soit 0,68 dollars – n’est pas suffisamment élevé.

Par exemple, les cliniques publiques et privées et les médecins de famille recevront chaque mois un acompte de 40 millions de roupies (3 328 dollars) pour 5 000 citoyens enregistrés, quelle que soit la somme dépensée pour soigner ces patients, et quels que soient les services offerts.

Selon un article de 2013 rédigé par le Nossal Institute for Global Health australien, la mise en place d’une couverture médicale universelle en Indonésie pouvait entraîner des inégalités.

L’expérience tirée du précédent système de santé national, Jamkesmas, avait montré que, si une couverture complète de base était offerte aux pauvres, certains patients avaient toujours des difficultés à accéder à des services et devaient parfois acheter les médicaments non disponibles dans les établissements de santé, particulièrement dans les zones rurales.

« Le ministère de la Santé s’efforce de trouver une réponse au problème de la faiblesse des établissements de santé publique et de leur répartition inégale depuis plusieurs décennies, sans grand succès. Le gouvernement devra investir dans les infrastructures et dans le personnel de santé », a indiqué l’article.

Le ministère de la Santé dit que l’Indonésie aura besoin de plus de 12 000 médecins pour atteindre son objectif et disposer de 40 médecins pour 100 000 habitants. Le pays compte 88 000 médecins, avec un ratio de 33 médecins pour 100 000 personnes, et ses universités en forment 7 000 par an, a noté le ministère.

« La majorité des médecins sont fonctionnaires. S’il y a un afflux de patients et que ... [le médecin] doit se partager entre deux ou trois établissements pour gagner sa vie correctement, vous pouvez imaginer le stress », a dit M. Mulyawan, le neurochirurgien et conseiller en assurances.

La répartition inégale des personnels de santé ne serait pas un problème s’ils étaient correctement payés, quel que soit leur lieu de travail, a-t-il dit. « La majorité des médecins décident de travailler en ville, car c’est là qu’il y a de l’argent à gagner ».

ap/ds/he-mg/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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