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Échec de la contre-insurrection dans l’est du Congo

The main road in Beni, eastern DRC Jessica Hatcher/IRIN
L’accalmie a pris fin le week-end dernier. Après plusieurs mois de calme relatif en territoire de Béni, dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), des assaillants s’en sont pris à deux villages, faisant neuf morts.

Comme pour les incidents analogues survenus l’an dernier, les autorités ont attribué ces attaques à la machette aux Forces démocratiques alliées (ADF), une insurrection d’origine ougandaise établie dans l’est du Congo. 

« Ce sont des cas qui nous inquiètent », a dit Jean-Paul Ngahangondi, le coordonnateur national de la Convention pour le respect des droits de l’homme, une ONG basée à Béni.

« Ces rebelles tuent sauvagement des civils, même à quelques mètres des positions de l’armée ou des casques bleus. Nous ne prenons plus la peine de signaler chaque nouvelle attaque aux autorités, car aucune solution n’est jamais trouvée. »

Ces onze derniers mois, plus de 450 personnes ont été tuées dans des circonstances analogues imputées aux ADF, selon le décompte du Rafiki - un mensuel local. 

Avant les attaques survenues dans la nuit du samedi dans les villages de Ntoyi et Mukida « les gens avaient commencé à se détendre dans les grandes villes comme Oicha », a dit Stanley Muhindo, journaliste à la radio catholique Moto d’Oicha.

« Mais voilà, le malheur revient. »

Et avec lui, le débat sur la réponse aux violences apportée par les forces de sécurité. L’armée congolaise et les soldats de maintien de la paix se sont alliés contre les ADF depuis janvier 2014, parvenant à récupérer d’importantes bases rebelles, des armes et des munitions. Une centaine de civils détenus par les rebelles, parmi plus de 500 otages dont les trois prêtres catholiques enlevés en octobre 2012, ont également été libérés.

Les attaques meurtrières du mois dernier suivaient un même mode opératoire macabre, décrit par les prélats catholiques dans un rapport du mois de mai : « Les criminels tuent sauvagement avec des machettes, des couteaux ou des haches. Certaines victimes ont la gorge tranchée, les bras des enfants sont mutilés, des femmes enceintes éventrées et des familles entières sont décimées ».

Beaucoup s’étonnent d’un tel retour en force d’un groupe présenté comme sérieusement affaibli par les opérations anti-insurrectionnelles.

Le groupe d’experts des Nations Unies sur la RDC a avancé une explication dans son rapport final publié début 2015, en soulignant que les opérations n’avaient que très peu affecté le leadership et les réseaux de soutien des ADF – des réseaux qui s’étendent de nombreuses villes de l’est de la RDC jusqu’en Ouganda et au Rwanda voisins, et même au Royaume-Uni. 

Restructurer, réarmer

« D’après nos sources, depuis janvier 2015, les ADF et leurs complices procèderaient à l’évacuation de leurs caches d’armes situées entre Oicha et Eringeti, dans le sud du territoire de Lubero. Pour déplacer leurs cargaisons, ils utiliseraient des camions transportant de l’huile de palme », peut-on lire dans le Rafiki.

Depuis l’arrestation en avril du chef des ADF Jamil Mukulu, ses fils auraient entrepris de réorganiser le groupe, comme ça avait été le cas à la suite des opérations militaires de 2005 et 2010. 

 « Il n’y a pas que leur réorganisation socio-économique qui nous préoccupe », a dit Clovis Munihire, l’envoyé présidentiel chargé du suivi de la restauration de l’autorité de l’État dans l’est du Congo. « Ils recrutent de jeunes musulmans dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, voire dans certains pays voisins. »

Un autre frein à la contre-insurrection est la détérioration des relations entre l’armée et la mission des Nations Unies depuis que le gouvernement congolais a décidé en janvier de se retirer des opérations conjointes prévues à l’encontre d’un autre groupe armé actif dans l’est, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).

D’après Nicaise Kibel Bel’Oka, qui dirige le Centre d’études et de recherches géopolitiques de l’est du Congo (CERGEC), Kinshasa devrait en faire plus pour solliciter l’aide de l’Ouganda.

« Nous ne devons pas nous contenter des coopérations se limitant au partage de rapports de renseignements d’un bureau à l’autre », a-t-il dit à IRIN.

«À plusieurs reprises, les ADF ont traversé les districts ougandais voisins de Béni. Mais que fait Kampala ? Simplement envoyer des rapports ? L’Ouganda aussi doit envoyer des troupes au front. Après tout, ce sont leurs rebelles. »

Invité à réagir à ces propos, le porte-parole de l’armée ougandaise Paddy Ankunda a dit IRIN : « À l’heure où nous parlons, les autorités congolaises ne nous ont jamais demandé d’engager une action ferme contre les rebelles des ADF sur leur territoire. Nous ne pouvons pas nous déployer en RDC sans leur demande ou leur autorisation ».

« Nous sommes toujours en alerte et en attente », a ajouté Ronald Kakurungu, le porte-parole de la seconde division de l’armée basée dans l’ouest de l’Ouganda, à la frontière avec la RDC. « Nous avons déployé des troupes le long de nos frontières communes avec la RDC pour garantir que les ADF ne pénètrent pas notre territoire pour semer le chaos. »

« S’ils tentent de le faire, nous les affronterons avec fermeté. »

Pour M. Bel’Oka, l’un des problèmes clés est que les leaders et les soutiens des ADF « se trouvent parmi la population locale [congolaise]. C’est pour cela que des civils sont punis et tués – lorsqu’ils refusent de collaborer. C’est comme ça depuis longtemps. »

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