Budiriro a été le foyer de la pire et de la plus récente des épidémies de choléra qu’a connues le Zimbabwe, une épidémie qui a fait 4 300 morts et infecté plus de 100 000 personnes en 2008 et 2009. L’émergence d’une épidémie de choléra au Mozambique voisin soulève la question de savoir si les autorités zimbabwéennes sont prêtes à agir et mieux à même d’intervenir dans l’éventualité d’une propagation de la maladie à Harare. Quatorze cas ont déjà été enregistrés dans des villes frontalières du Zimbabwe.
Joseph Mpofu vit dans un complexe de trois logements situé à 10 mètres à peine de la décharge de Budiriro. « Nos enfants souffrent souvent de diarrhée. Nous avons demandé à plusieurs reprises à la ville d’Harare de venir ramasser les déchets, mais ils ne sont jamais venus », a-t-il dit à IRIN, agitant la main pour éloigner les mouches de couches mises à sécher dehors.
« La dernière épidémie de choléra a commencé ici, à Budiriro, et nous sommes actuellement en train de créer les conditions idéales pour qu’une autre épidémie se produise. Si l’épidémie qui sévit au Mozambique réussit à faire son chemin jusqu’à Harare, la maladie risque de s’y propager rapidement », a dit M. Mpofu.
Bienvenue à Harare
Vu l’ampleur du commerce et des déplacements transfrontaliers dans le sud de l’Afrique, les gares routières comme celle de Mbare, qui accueille des gens de l’ensemble de la région, font partie des points d’entrée les plus probables pour le bacille du choléra, qui est hautement contagieux.
Les vendeurs de nourriture qui préparent des collations et des repas dans des échoppes de fortune installées en plein air ont dit à IRIN qu’ils prenaient des précautions supplémentaires pour assurer un environnement hygiénique. « Notre seule inquiétude, c’est que les toilettes publiques ne sont pas toujours nettoyées à temps et régulièrement et qu’elles débordent, ce qui pourrait faciliter la propagation du choléra », a dit le vendeur Tanatswa Machingura.
Jusqu’à présent, seules les villes de Mudzi, Chipinge et Chiredzi – à la frontière avec le Mozambique – et la ville de Beitbridge – un important point de passage vers l’Afrique du Sud – ont eu des cas confirmés de choléra. Le Dr Prosper Chonzi, directeur de la santé publique de la ville d’Harare, a dit que la capitale était sur un pied d’alerte, car « il suffit d’un autocar pour amener la maladie à Harare ».
Il y a six ans, le délabrement des systèmes d’alimentation en eau et des réseaux d’égouts du Zimbabwe avait rendu difficile le contrôle de l’épidémie. Les autorités locales étaient incapables d’investir dans les infrastructures publiques en raison de la crise économique qui sévissait depuis un certain temps déjà. Depuis, un prêt de 144 millions de dollars octroyé par la Chine a été utilisé pour remettre en état l’usine de traitement des eaux usées de la ville, ce qui signifie, en théorie, que l’effluent brut n’est plus déversé dans la principale source d’approvisionnement d’Harare.
Les autorités sont-elles vraiment prêtes ?
Michael Chideme, porte-parole de la ville de Harare, a dit à IRIN que la situation s’était nettement améliorée depuis la dernière épidémie de choléra. À l’époque, les conduites qui acheminaient l’eau vers certaines banlieues d’Harare étaient complètement à sec. La ville était seulement capable de fournir 200 millions de litres d’eau par jour alors que les besoins atteignaient 800 millions de litres. Les citoyens étaient donc contraints de recourir à des sources d’approvisionnement peu sûres. Depuis les travaux de remise en état, le rendement a presque triplé et il atteint maintenant 550 millions de litres d’eau par jour, a-t-il dit.
Alors que la prévention demeure une préoccupation, M. Chideme a dit qu’il était sûr que le système de santé d’Harare serait capable de gérer une éclosion de choléra. « Chacun de nos centres de santé, qui incluent deux hôpitaux et 46 cliniques et polycliniques, a la capacité de gérer 20 cas si une épidémie se déclare. »
La Dre Ruth Labode, présidente du comité parlementaire du portefeuille de la santé, est cependant moins optimiste. « Nous sommes capables de contenir [des cas limités]. La situation deviendrait toutefois critique en cas d’épidémie, car nous n’avons pas la capacité d’y faire face. Les hôpitaux gouvernementaux manquent d’employés ; certains membres du personnel médical auraient besoin de suivre de nouveau des formations ; et certains hôpitaux ont de la difficulté à accéder à des éléments aussi essentiels que l’eau, par exemple », a-t-elle dit à IRIN.
En dépit de l’état d’alerte qui règne au Zimbabwe, c’est le Mozambique qui a été le plus durement touché par l’épidémie de choléra qui a éclaté à la suite des fortes précipitations et des inondations de décembre 2014. Jusqu’à présent, l’épidémie a fait 51 morts et infecté 6 737 personnes. Le nombre de nouveaux cas a cependant commencé à diminuer dans toutes les provinces du Mozambique sauf la Zambézie, située dans le centre du pays. Là-bas, « les capacités de traitement existantes sont limitées et débordées », selon le projet humanitaire ACAPS (Assessment Capacities Project).
Au Malawi voisin, 148 cas de choléra ont été enregistrés depuis le 11 février.
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