« Comment cela a-t-il pu arriver ? », se demande Syed Darbi, une femme de 65 ans qui a passé toute sa vie à Meiktila, une ville universitaire habituellement calme. « Je n’en crois pas mes yeux. Nous vivions ensemble. [C’était] tellement chaleureux ».
« Nous sommes presque des réfugiés », a dit Ohnmar, 45 ans, assise sur le sol en béton du stade. Lorsque les violences ont éclaté le 20 mars, cette femme de confession musulmane et ses deux enfants ont réussi à échapper à une foule de bouddhistes avant de voir leur maison partir en fumée. « Comment vais-je recommencer ma vie ? ».
Selon les autorités, au moins 40 personnes ont été tuées et plus de 12 000 déplacées dans la zone lors des affrontements religieux les plus graves que le pays ait connus depuis les troubles qui ont secoué l’État de Rakhine, dans l’ouest du pays, où plus de 120 000 musulmans Rohingyas sont encore déplacés.
Un calme précaire
Le 20 mars, une querelle entre un musulman faisant commerce d’or et des clients bouddhistes s’est envenimée et a entraîné la destruction de commerces, d’établissements religieux et de maisons dans la ville de Meiktila. Plus de 150 maisons et édifices ont été détruits, dont au moins cinq mosquées, selon les médias locaux.
« Suite à la destruction [sic] de la paix et de la tranquillité dans le district de Myeikhtilar, situé dans la région de Mandalay, le bureau du président proclame l’état d’urgence (Loi 144) pour assurer la sécurité nationale », selon une déclaration publiée sur le site internet présidentiel.
Près d’une semaine après le début des affrontements, un calme précaire est revenu dans les rues, mais le marché local n’a pas encore rouvert ses portes et l’atmosphère reste tendue.
« On reste sur nos gardes pour que personne n’arrive à mettre le feu à nos maisons », a dit Aung Kyaw Soe, dont la maison a été épargnée la semaine dernière. « La rumeur dit que les incendies peuvent reprendre à tout moment ».
« Il devrait y avoir des forces de sécurité sur place pendant quelques temps pour prévenir de nouveaux affrontements », a dit Win Htain, un représentant de la commune de Meiktila.
Les secours se poursuivent
Selon le ministre de la Protection sociale, des Secours et de la Réinstallation (Ministry of Social Welfare, Relief and Resettlement, MoSWRR), 9 710 des déplacés vivent encore dans six campements temporaires – cinq écoles et un stade – et 2 800 sont réfugiés dans des établissements religieux. D’autres auraient fui la zone.
Avec l’aide du MoSWRR, le gouvernement distribue de la nourriture et de l’eau aux déplacés, tandis que la Société de la Croix-Rouge du Myanmar et le ministre de la Santé dispensent des soins médicaux, a indiqué le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) le 25 mars.
Le gouvernement a établi un comité de gestion de l’aide le 22 mars. Présidé par le sous-ministre du MoSWRR, il est composé de responsables locaux, mais les travailleurs humanitaires indiquent que l’aide d’urgence, comme la nourriture, l’eau et les abris, est encore insuffisante.
Afin de prévenir les épidémies de maladies transmissibles, il faut améliorer l’hygiène dans les camps, a dit un fonctionnaire de la santé, qui a demandé à garder l’anonymat.
« Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de grave épidémie de diarrhée. On traite des cas normaux, comme des blessures, et des maux classiques, comme des céphalées, des problèmes de dos et d’hypertension », a-t-il dit, notant que tous les camps manquaient de latrines.
Le stade ne compte que huit toilettes pour plus de 2 000 personnes, a observé IRIN.
Selon les normes Sphere, qui a donné naissance aux normes minimales dans les différents domaines de l’assistance humanitaire, le ratio est d’une latrine pour 20 personnes.
« Il y a beaucoup de personnes qui ne peuvent pas attendre leur tour et qui défèquent dans un espace ouvert. Comment pourraient-ils encore faire preuve de timidité ? », a demandé un musulman, en montrant les dizaines de personnes qui faisaient la queue devant les latrines.
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