Le défenseur des droits de l'homme Mohamed Bahnasy a dit à IRIN que le nombre total de victimes pourrait être beaucoup plus élevé et a appelé à la tenue d'une enquête en bonne et due forme.
« Il faut de toute urgence mener une enquête sérieuse sur les violences qui ont accompagné et suivi la révolution », a dit M. Bahnasy. « Certaines personnes ont été tuées et enterrées sans qu'on ait pu les identifier et déterminer les raisons de leur décès. »
M. Bahnasy faisait partie d'une commission d'enquête créée par le gouvernement à la suite de la révolution afin de déterminer combien de personnes ont été tuées ou blessées au cours du soulèvement. Selon lui, des manouvres de manipulation et de destruction de preuves - il accuse l'ancienne agence de sécurité d'État - ont soustrait les auteurs des violences de toute responsabilité et induit les enquêteurs en erreur quant au nombre réel de victimes de la révolution et aux personnes responsables de ces actes.
On considère généralement que le printemps arabe s'est déroulé de manière pacifique en Égypte par rapport à ce qui s'est passé en Syrie, en Libye et au Yémen. Les chiffres brossent cependant un tout autre portrait de la situation. En l'absence de statistiques générales officielles, nous vous présentons une synthèse des pertes humaines subies depuis le début de la révolution égyptienne, il y a deux ans :
Soulèvement du 25 janvier : La révolte initiale, qui a commencé le 25 janvier 2011 (lorsque des milliers d'Égyptiens sont descendus dans la rue pour réclamer plus de justice sociale et la reconnaissance de leurs droits politiques) et s'est terminée 18 jours plus tard avec le départ du président Moubarak, qui dirigeait l'Égypte depuis 30 ans, est l'événement qui a fait le plus grand nombre de victimes. Selon le ministère de la Santé, 846 personnes ont été tuées et 6 467 autres blessées. Ces chiffres sont cependant considérés comme extrêmement conservateurs par les organisations de la société civile et font l'objet d'intenses débats. Le personnel hospitalier a rapporté que des soldats avaient délibérément visé les yeux de certains manifestants avec des balles en caoutchouc. Parmi les journées les plus sanglantes figurent le 28 janvier, lorsque la police a attaqué les manifestants rassemblés sur l'emblématique place Tahrir, au Caire, après les prières du vendredi, et le 2 février, lorsque des centaines de sympathisants de Moubarak ont fait irruption sur la place à dos de chameau et de cheval pour tenter de disperser les manifestants dans le cadre de ce qu'on a par la suite appelé « la bataille des chameaux". (Les affrontements qui ont suivi ont fait 11 morts et plus de 600 blessés.)
Moubarak a délégué ses pouvoirs au Conseil suprême des forces armées (CSFA), un organe composé de 18 membres issus des plus hautes instances militaires égyptiennes. Le départ de Moubarak le 11 février 2011 n'a cependant pas permis de mettre un terme à la violence.
Incident de Maspero : Le premier événement sanglant survenu en Égypte après la révolution s'est produit près de huit mois après le départ de Moubarak. Des milliers de manifestants coptes [chrétiens d'Égypte] ont afflué vers le bâtiment de la télévision d'État, connu sous le nom de Maspero, pour protester contre l'incendie d'une église dans un gouvernorat du sud de l'Égypte. Selon le ministère de la Santé, les accrochages entre les coptes et les policiers militaires en faction autour de l'immeuble se sont transformés en violents affrontements et ont fait 25 morts et 329 blessés parmi les manifestants. L'Initiative égyptienne pour les droits personnels (IEDP), une ONG locale, a décrit le massacre de manière détaillée dans l'un de ses rapports. Des séquences vidéos montrent des véhicules militaires blindés écrasant des manifestants dans les rues.
Justice pour les victimes : Près d'un mois plus tard, le 19 novembre 2011, des centaines de manifestants se sont rassemblés devant le siège du Cabinet des ministres dans le centre du Caire pour demander justice pour les victimes de la révolution. Les affrontements qui ont rapidement éclaté entre les manifestants et les policiers stationnés devant l'immeuble ont fait 44 blessés. Ces heurts ont ouvert la voie à des violences encore plus brutales quelques jours plus tard près du bâtiment du ministère de l'Intérieur, au centre du Caire. Soixante-cinq personnes sont décédées et plus de 4 500 ont été blessées (en arabe) dans les plus violents affrontements depuis la révolution.
Manifestation anti-armée : Une nouvelle flambée de violence a eu lieu le 2 mai 2012 près du bâtiment du ministère de la Défense, au nord-est du Caire. Des milliers de manifestants - des islamistes, pour la plupart - se sont réunis devant le siège du ministère pour réclamer la fin du régime militaire qui assurait la transition. Au moins 11 personnes ont été tuées et des centaines d'autres blessées dans des scènes rappelant l'assaut mené contre les manifestants coptes pacifiques devant le bâtiment de la télévision d'État.
Second anniversaire de la révolution : Des dizaines de milliers d'Égyptiens sont descendus dans la rue, dans presque tous les gouvernorats, à l'occasion du second anniversaire de la révolte anti-Moubarak. L'objectif des manifestants n'était pas de célébrer le départ de l'ancien président, mais de protester contre [les politiques du] nouveau président. Le 25 janvier 2013, des affrontements entre policiers et manifestants ont éclaté dans plusieurs villes et fait plusieurs victimes dans les deux camps, notamment 10 personnes à Suez. Les heurts se sont poursuivis jusqu'au 4 février et ont provoqué la mort de 15 autres personnes dans d'autres gouvernorats, incluant celui du Caire.
Les élections organisées à la suite de la révolution ont porté au pouvoir le président islamiste Mohamed Morsi, des Frères musulmans. Au cours des sept derniers mois toutefois, Morsi a provoqué la colère des jeunes et des forces d'opposition qui étaient à l'origine de la révolte initiale. Selon eux, les politiques du nouveau président sont antidémocratiques et excluent certaines franges de la population. Le président cherche par ailleurs à faire progresser son parti et ne respecte pas ses promesses. Le débat concernant ce que plusieurs considèrent comme une constitution islamiste, le déclin de l'économie, l'augmentation des prix des denrées alimentaires et l'insécurité persistante ont également contribué à la situation actuelle. Selon ses partisans, le président a hérité de nombreux problèmes de l'ère Moubarak et on ne lui a pas laissé la chance de les résoudre.
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