Vivre dans l’endroit le plus hostile de la planète
Amina est originaire du village de Sebana-Demale, à seulement 60 km de la dépression de Danakil, dans le nord-est de l’Éthiopie. Il s’agit de l’un des endroits les plus chauds et à plus faible altitude de la planète, avec des températures d’au moins 40 degrés Celsius tout au long de l’année.
Le village d’Amina se trouve dans une région volcanique décrite comme l’une des plus hostiles d’Afrique, qui évoque souvent un paysage lunaire. Les habitants, issus de l’ethnie Afar, descendent d’une longue lignée d’éleveurs nomades. Ils s’essayent depuis quelques années à l’agriculture aux abords du Demale, le petit cours d’eau qui traverse le village. Mais les familles n’ont pas toutes accès à des pompes motorisées permettant d’extraire l’eau de la rivière lorsque le niveau est bas.
Amina n’a ni animaux d’élevage, ni les moyens de faire pousser des cultures. Elle dépend de l’aide alimentaire et sait qu’il sera difficile de s’en passer.
Difficile de partir et difficile de rester
Amina constate de ses propres yeux le changement climatique. Les précipitations, déjà rares, sont de plus en plus réduites. Mais Amina assure qu’elle ne quittera pas sa région natale pour un environnement moins hostile. À la question de savoir si elle pourrait partir un jour, elle s’en défend avec vigueur : « Mais non ! Les membres de ma famille sont enterrés ici depuis des générations, je ne peux pas les abandonner. C’est ma seule patrie ».
Pourtant, si les conditions de vie se détériorent davantage, Amina se trouvera face à un dilemme. Choisir de rester dans l’espoir de trouver de nouveaux moyens de produire des revenus ou recevoir plus d’aide extérieure, ou alors se réinstaller dans une autre partie de la région ou encore plus loin, au risque de perdre ses précieux liens culturels ancestraux.
Déplacement et planification
Les situations semblables à celle d’Amina présentent un intérêt évident pour l’Initiative Nansen, une entité créée par la Suisse et la Norvège en octobre 2012, dont l’objectif est d’établir un programme de protection, afin de répondre aux besoins des personnes déplacées sur le continent à cause des risques associés au changement climatique.
Changement climatique et migration
L’Initiative Nansen part du principe que le changement climatique et la migration doivent être traités en corrélation. De nombreuses populations vont connaître des catastrophes soudaines ou à évolution lente, à cause du changement climatique.
L’Initiative Nansen soutient que les mécanismes de planification actuels en matière de changement climatique, nationaux comme internationaux, sont insuffisants. Face aux événements climatiques extrêmes, l’entité préconise une alerte précoce plus efficace ; une meilleure gestion de l’eau, ainsi que des efforts soutenus pour réduire la pression exercée sur les environnements fragiles. L’Initiative Nansen insiste sur la nécessité de protéger les populations touchées.
Le rapport de stratégie, rédigé en partenariat avec l’Université des Nations Unies, s’intitule « Integrating Human Mobility Issues Within National Adaptation Plans » (Intégrer les questions de la mobilité et du déplacement humains dans les plans d’action nationaux d’adaptation). Il ressort de ce document la nécessité d’intégrer l’idée de mobilité, afin de s’y préparer et ne pas attendre que les populations fuient.
Les Plans d’action nationaux d’adaptation (PANA) sont considérés comme des mécanismes clés, que ce soit pour éviter la migration lorsqu’elle n’est pas nécessaire ou pour l’envisager comme stratégie d’adaptation.
Comment passe-t-on de « résilient » à « vulnérable » ?
Les auteurs du rapport mettent en garde contre l’absence de moyens mis en oeuvre pour aider les pays à élaborer des décisions politiques efficaces. Il faut une meilleure connaissance des facteurs à l’origine d’un changement si radical des environnements et des circonstances qui font que des ménages « résilients » deviennent « vulnérables ». Les pays doivent aussi définir quelles sont les communautés qui devront peut-être migrer. D’après le rapport, quand les décideurs comprendront mieux quelles sont les populations susceptibles d’être déplacées à l’avenir, ils pourront alors envisager les éléments appropriés à inclure dans leur planification nationale d’adaptation.
À l’heure actuelle, l’Initiative Nansen mène cinq consultations (sous-)régionales dans les régions les plus touchées par les catastrophes naturelles et le changement climatique. Les résultats seront exploités lors d’une réunion consultative mondiale prévue en 2015, où les représentants gouvernementaux et les experts débattront du programme de protection pour les déplacements transfrontaliers.
Selon le rapport, l’Organisation internationale des migrations (OIM) a déjà élaboré les lignes directrices pour l’intégration de la migration dans le processus de planification nationale d’adaptation. Un module sur la migration et l’adaptation au changement climatique sera créé par l’OIM et mis à l’essai dans six pays en 2015.
Migrer pour trouver de nouveaux emplois et moyens de subsistance
Les solutions relatives à la migration et au changement climatique qui sont proposées vont au-delà du renforcement des mécanismes de planification pour les pays exposés aux catastrophes naturelles . En effet, elles s’attachent également à la migration des populations affectées dans de nouveaux pays, notamment leur relocalisation dans les régions industrialisées du monde et les possibilités d’emploi disponibles.
L’Initiative Nansen examine les systèmes mis en place par les États pour permettre aux migrants d’envoyer des fonds à leurs familles dans leur pays d’origine, afin qu’ils puissent rester. Ces États ont également pour rôle de fournir des programmes de formation professionnelle et de sensibilisation, ainsi que de faciliter la migration permanente.
Les États-Unis et la solution TPS
À l’image des États-Unis, certains pays développés accordent le Statut de protection temporaire (Temporary Protected Status, TPS) aux ressortissants de pays qui ont connu des événements et des conditions extrêmes, preuves à l’appui. Il peut s’agir d’un conflit armé en cours, comme une guerre civile, ou d’une catastrophe naturelle, comme un tremblement de terre ou un ouragan, ou encore d’une épidémie ; c’est-à-dire des événements qui pourraient compromettre le retour des migrants présents sur le sol américain dans leur pays d’origine.
Le TPS permet aux migrants des pays concernés de travailler temporairement aux États-Unis et d’envoyer une partie de leurs gains à leurs familles restées dans le pays d’origine.
Depuis les années 1990, le TPS a été accordé dans un certain nombre de cas, notamment aux ressortissants du Nicaragua et du Honduras après le passage de l’ouragan Mitch en Amérique centrale, en 1998. À la suite des tremblements de terre au Salvador (2001) et en Haïti (2010), les citoyens de ces pays ont également obtenu ce statut.
Koko Warner, directrice de la section Migration environnementale, vulnérabilité sociale et adaptation de l’UNU, et l’un des principaux auteurs du nouveau rapport de stratégie, affirme que l’utilité du TPS est limitée.
« Le TPS est la solution choisie par certains pays industrialisés pour résoudre les problèmes pratiques liés à la mobilité humaine (migration et déplacements) dans un contexte où les cadres d’action politiques "classiques" de gestion de l’immigration de travail et des personnes qui fuient les persécutions (réfugiés) ne peuvent pas réellement s’appliquer », a déclaré Mme Warner.
Mais l’auteur lance en guise d’avertissement que « même si le TPS est constructif, l’un des problèmes actuels de ce type de politiques est qu’il répond à des situations temporaires ». En effet, le TPS implique « nécessairement que les gens seront en mesure de retourner dans leur région d’origine », a-t-elle souligné.
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