Un conflit dihadiste particulièrement pénible n’en finit pas depuis plus d’une décennie dans le nord-est isolé du Nigeria, faisant au moins 35 000 morts et des millions de personnes déplacées, et causant l’une des plus graves crises humanitaires au monde.
Dans l’Etat de Borno, le centre de l’insurrection, les gens vivent en permanence sous la menace de la violence. Presque tout le monde a été affecté : décès de proches ; trajectoires de vies freinées par le manque d’opportunités; traumatismes psychologiques de 12 années de guerre qui empêchent toute résilience.
« Cela a été terrible : les gens ont perdu des membres de leur famille, ils ont perdu leur emploi », a déclaré Musa Sumayin, qui dirige une association d’aide locale. « Avant, on ne voyait jamais de mendiants dans les rues. Aujourd’hui, les gens évitent même des parents qui sont devenus [déplacés] car subvenir à leurs besoins est une charge trop importante. »
Le conflit a éclaté en 2009 à Maiduguri, qui était à l’époque une ville commerçante dynamique qui avait des relations transfrontalières avec le Cameroun, le Tchad et le Niger. Boko Haram, une secte extrémiste en pleine expansion, a déclaré la guerre à l’Etat nigerian, affirmant qu’il était tyrannique et « impie », et est rapidement devenu un mouvement terroriste des plus sanguinaires.
Boko Haram a finalement été chassé de la ville après l’émergence d’un mouvement d’auto-défense de voisinage. La violence s’est alors déplacée à la campagne, où des hommes armés ont contrôlé des districts entiers, tuant et enlevant les personnes qu’ils considéraient comme « infidèles », détruisant du même coup l’économie rurale. Les forces de sécurité ont aussi été accusées d’exécutions extrajudiciaires et d’arrestations massives.
« [Boko Haram] ne peuvent pas tuer comme ils le font et dire ‘on le fait pour la religion’ », a confié au New Humanitarian Alhaji Issa, survivant d’un massacre perpétré en 2014 par Boko Haram dans la ville de Bama. « Ce sont des démons. »
Et pourtant, les gens s”adaptent, la vie continue.
Une génération a atteint sa majorité en ces temps de danger et d’anxiété. Ces jeunes étaient assez grands quand la guerre a éclaté pour se souvenir de la vie avant le conflit, mais ils ont suffisamment confiance dans l’avenir pour imaginer une vie meilleure le jour où les combats cesseront.
The New Humanitarian a demandé à quatre jeunes de Maiduguri d’expliquer ce que la paix signifie pour eux, ce qu’ils fêteraient si les tueries et la terreur disparaissaient aujourd’hui.
Voici ce qu’ils ont répondu.
Fati Abubakar, 36 ans. Photographe.
« La paix dans l’Etat de Borno signifie… pouvoir retourner dans tous les endroits où sont enfouis mes souvenirs. »
Mubarak Adamu Haruna, 24 ans. Humanitaire.
« La paix va de pair avec la liberté, l’égalité entre hommes et femmes, et la tolérance des opinions et des intérêts différents. »
Musa Ishiaku Gwary, 27 ans. Militant pour la paix.
« Ce que la paix signifie pour moi : quand on voit des rues sans postes de contrôle ni personnel de sécurité. »
Khadija Joda, 27 ans. Chercheuse en science sociale.
« Quand on entendra des coups de feu et qu’on n’aura pas à s’inquiéter si on va être attaqué ou pas. »
Illustrations by Akila Jibrin.