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Les enfants du camp de réfugiés de Kakuma au Kenya ont besoin de plus de protection

Nuer youths from South Sudan in a tent on the site for new arrivals at Kenya's Kakuma Refugee Camp Wil Crisp/IRIN
L’espace physique et l’aide rapide à la protection de l’enfance constituent deux des besoins les plus pressants dans le camp de Kakuma, établi au nord-ouest du Kenya, alors que les arrivées de réfugiés (principalement des jeunes mineurs) fuyant le conflit du Soudan du Sud se poursuivent.

Depuis le début des hostilités à la mi-décembre, environ 36 450 personnes ont franchi la frontière entre les deux pays. (Au total, ce sont quelque 328 000 personnes qui ont fui le Soudan du Sud pour s’installer dans les pays voisins).

Environ 750 enfants identifiés comme non accompagnés figuraient parmi les réfugiés arrivés au Kenya. Cela veut dire qu’ils sont arrivés sur place sans leurs parents ou un proche parent.

Plus de 5 000 enfants ont été « séparés », c’est-à-dire qu’ils sont arrivés avec un proche qui n’était ni un parent ni un ancien répondant.

Dans des conditions normales, les besoins des deux groupes, y compris le soutien psychosocial, la recherche de membres de la famille, l’hébergement et les autres besoins de protection sont évalués à l’arrivée au camp et, au plus tard dans un délai de deux semaines.

Mais étant donné l’afflux de réfugiés et la forte proportion d’enfants parmi eux, le manque de travailleurs en gestion de cas s’est traduit par un retard d’environ deux mois dans le traitement des dossiers.

« Nous sommes dans une situation d’extrême urgence », a dit à IRIN Stephanie Shanler, spécialiste de la protection des enfants pour le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).

« Environ un tiers des enfants séparés ou non accompagnés doivent être suivis pour garantir qu’ils vivent en sécurité dans leur nouvel environnement et qu’ils bénéficient d’une aide adaptée, et notamment d’un soutien psychosocial. Cela veut dire qu’environ 2 000 enfants nouvellement arrivés à Kakuma pourraient avoir besoin d’un tel suivi », a dit Mme Shanler.

« Bon nombre de ces enfants ont connu des évènements tragiques comme le meurtre de leurs parents ou de leurs voisins. Ils souffrent de nombreux traumatismes. Nous devons nous en occuper le plus rapidement possible et veiller à ce que des mécanismes psychosociaux et un niveau de soins supérieur soient disponibles au sein de la communauté. Nous devons également nous assurer de la disponibilité de solutions alternatives de prise en charge pour les enfants non accompagnés. L’optimisation du système de gestion des dossiers à Kakuma est une priorité pour permettre de repérer les enfants qui ont besoin de protection et garantir qu’ils bénéficient de l’aide dont ils ont besoin », a-t-elle dit.

Au total, 71 pour cent des nouveaux arrivants sont âgés de moins de 18 ans et près de 25 pour cent sont âgés de moins de cinq ans, selon la mise à jour d’un rapport publiée le 13 mai par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

Risques de maladie

Le camp de Kakuma héberge actuellement quelque 16 000 résidents de plus que sa capacité de 150 000 résidents. En décembre 2013, un nouveau site, baptisé Kakuma 4, a ouvert ses portes pour accueillir 20 000 réfugiés.

Environ 150 personnes arrivent au camp chaque jour.

« Nous essayons désespérément de trouver un nouveau terrain pour réinstaller les nouveaux arrivants », a dit Catherine Wachiaya, responsable des communications du HCR.

« Il est très difficile de fournir une quantité suffisante d’eau et nous nous attendons à ce que le surpeuplement favorise l’apparition d’épidémies de paludisme et de choléra avec l’arrivée des pluies », a-t-elle dit.

Afin d’atténuer les risques, plus de 1 000 latrines ont été construites pour les nouveaux arrivants. Ils reçoivent des moustiquaires et les sites de reproduction des moustiques sont traités avec du larvicide.

Il est difficile de maintenir un niveau élevé d’aide à cause de l’arrivée continue de réfugiés.

« Les services comme l’eau, l’hébergement et le bois de chauffage sont sous pression, notamment au nouveau camp de Kakuma 4 », a dit un responsable d’une organisation non gouvernementale (ONG) qui vient en aide aux réfugiés.

« La réinstallation des réfugiés urbains par le gouvernement kényan [dans le cadre d’une opération contre le terrorisme] est venu s’ajouter au fardeau porté par les agences d’aide humanitaire ici à Kakuma » a dit un responsable qui a demandé à garder l’anonymat en raison de la sensibilité de la question.

(Selon le HCR, près de 1 000 d’entre eux ont été réinstallés à Kakuma).

« A l’heure actuelle, il n’y a que quelques écoles et hôpitaux temporaires pour répondre aux besoins de 15 000 personnes supplémentaires étant donné [que] le camp de Kakuma 4, où la plupart des nouveaux réfugiés arrivent, était censé héberger seulement 20 000 personnes. L’insécurité aussi devient un problème », a-t-elle dit.

Avant le début de la crise au Soudan du Sud, les réfugiés qui arrivaient à Kakuma étaient généralement hébergés dans des tentes pour une durée maximale de quatre semaines avant de recevoir des matériaux pour construire des abris plus permanents. Mais la majorité des réfugiés qui sont arrivés en décembre vivent encore dans des tentes.

Malgré les difficultés qu’ils rencontrent à Kakuma, bon nombre de résidents pensent toujours aux personnes restées au Soudan du Sud.

« La vie n’est pas facile ici, mais nous avons de la chance d’être en vie », a dit Mary Ayor, qui est originaire de la ville de Bor, dans l’Etat du Jonglei.

Elle a expliqué qu’elle ne savait pas si son mari et ses enfants étaient toujours en vie. « Les combats faisaient rage quand je me suis enfuie et les rues étaient jonchées de cadavres de femmes et d’enfants ».

Peter Nyuong, d’ethnie nuer, a indiqué que deux adolescents passagers du bus dans lequel il est monté à la frontière ont été emmenés dans un véhicule avant d’être exécutés, car ils ont été identifiés comme appartenant à l’ethnie nuer en raison de leur visage scarifié.

Le conflit au Soudan du Sud, qui est lié à la lutte pour le pouvoir entre le président Salva Kiir et son ancien vice-président Riek Machar, a entraîné des massacres et des atrocités motivés par l’appartenance ethnique. (M. Kiir appartient à l’ethnie dinka, M. Machar à l’ethnie nuer.)

« Je parle un peu le dinka, donc ça allait. Ils m’ont cru quand j’ai dit que je n’étais pas nuer. C’était beaucoup plus difficile pour ceux qui avaient des marques tribales », a dit M. Nyuong.

Arrêt des négociations foncières

Les négociations engagées avec les communautés locales de la région de Kakuma afin d’établir une nouvelle extension sont au point mort en raison des inquiétudes liées au fait que les terres proposées sont un passage vital pour les éleveurs.

« A un certain moment, nous avons atteint un stade avancé dans les négociations, mais les discussions ont échoué suite à des inquiétudes liées au déplacement du bétail », a dit Mme Wachiaya. « Le gouvernement est désormais en charge des négociations. Il semble que le processus va être lent, mais nous restons optimistes ».

Bien que le camp de réfugiés soit grand, en général, les habitants locaux entretiennent de bonnes relations avec les réfugiés, selon Catherine Wachiaya, responsable du camp de réfugiés.

« Lorsque nous creusons des puits de forage pour le camp, nous creusons aussi des puits de forage pour les tribus locales », a-t-elle dit. « Les réfugiés ont dynamisé l’économie régionale, contribuant à la création d’un marché pour le charbon et d’autres produits locaux ».

Si les relations entre les deux communautés sont généralement harmonieuses, certains Kényans disent craindre qu’une nouvelle extension n’entraîne des tensions supplémentaires.

Daniel Akujah, un résident de la ville de Kakuma, a dit : « S’il y a une nouvelle augmentation du nombre de réfugiés, le camp risque de prendre trop de place et d’utiliser trop d’eau. En ce moment, les tribus de la région et les réfugiés s’entendent très bien. Il y a même des mariages entre les deux communautés, mais cela pourrait changer si la population augmente de manière incontrôlable ».

Surpeuplement et sécurité

Le surpeuplement à Kakuma suscite des craintes croissantes concernant la sécurité. Les réfugiés dinka et nuer sont hébergés sur les mêmes sites afin de faciliter l’intégration entre les deux communautés, mais pour une bonne partie des nouveaux arrivants, le manque de séparation et le surpeuplement constituent une cause d’inquiétude. Cela est particulièrement vrai pour les nuers qui sont une minorité dans le camp.

David*, un nuer de 15 ans originaire de l’Etat du Jonglei, a dit qu’il avait peur d’assister aux cours proposés aux réfugiés en âge d’être scolarisés.

« Les gens du camp savent que mon père est un rebelle et qu’il a tué des dinkas au début du conflit », a-t-il dit. « Il y a un groupe de dinkas qui passent leur temps à me chercher et qui veulent se venger ».

James*, un nuer de 16 ans originaire de Panyijiar, a dit qu’il avait été agressé à l’intérieur du camp.

« Les dinkas veulent se venger. Des hommes plus âgés nous ont tendu un piège, à moi et à mes amis, et nous ont frappé », a-t-il dit.

Le 13 mai, David Nyabuto, chef des forces de police du district de Turkana Ouest a dit que les patrouilles de police avaient été renforcées pour lutter contre la criminalité dans le camp. Il a dit que sept nouveaux centres de patrouille avaient été établis dans le camp et que les nouveaux officiers allaient donner la priorité à la prévention des crimes, y compris les viols et les vols.

*Nom d’emprunt

wc/am/cb-mg/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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