Le 26 décembre 2004, un séisme suivi d’un tsunami a dévasté les maisons, les bâtiments et les infrastructures, faisant plus de 167 000 morts dans la province d’Aceh, au nord de l’Indonésie. Plus de 7 milliards de dollars de dons et de fonds publics ont été envoyés à Aceh, une région déjà éprouvée par trois décennies de guerre civile. Cela a permis de financer ce qui était à l’époque le plus grand projet de reconstruction des pays en développement.
L’une des principales activités des efforts de secours a été de reconstruire les quelque 130 000 maisons détruites, avec le slogan « reconstruire en mieux » (Build Back Better) lancé par Bill Clinton, coprésident de la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (CIRH). Certains critiquent les efforts fournis et la mauvaise qualité des nouveaux bâtiments.
« Quand vous construisez des maisons, l’objectif premier est la qualité, et non pas la quantité de logements inadaptés et de mauvaise qualité », a déclaré Teddy Boen, conseiller principal auprès de l’Initiative mondiale pour la sûreté sismique (WSSI) et ingénieur architecte à Jakarta, la capitale indonésienne.
Les experts mettent en garde contre ce paradigme de « reconstruire en mieux » que le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a classé dans la catégorie « résilience ». En effet, même si ce slogan part d’une bonne intention, il doit être adapté aux moyens et ressources locaux. Il faut également trouver un équilibre entre la participation communautaire et une bonne maîtrise des attentes et des résultats.
Secourir à la hâte
Avec un déluge d’argent et d’organisations humanitaires arrivant à Aceh après la catastrophe, certains pensent que la reconstruction s’est faite en négligeant la qualité.
« La plupart des experts envoyés à Aceh par les ONG [organisations non gouvernementales] – étrangères comme locales – n’avaient pas d’expérience dans le domaine de la reconstruction. Certains étaient compétents en matière de secours d’urgence et de problèmes humanitaires… comment voulez-vous qu’ils aient la moindre idée de la façon de construire des maisons, sans parler des habitations antisismiques », a affirmé M. Boen, auteur de plusieurs rapports analysant les efforts de reconstruction à Aceh.
À l’époque, en tant que plus grande opération humanitaire mondiale, le processus de reconstruction à Aceh a rencontré toutes sortes de complications. Le PNUD a déclaré que le gouvernement indonésien, qui dirigeait les efforts de secours, avait réalisé plus de 5 000 de ses propres projets de reconstruction. Dans le même temps, le gouvernement coordonnait plus de 12 500 autres projets impliquant plus de 60 bailleurs de fonds bilatéraux et d’organismes multilatéraux, ainsi que près de 700 ONG. Selon un rapport d’évaluation de l’ONG Asia Foundation, il y a eu des problèmes de coordination à presque tous les niveaux de l’intervention.
Divergences sur la notion de « mieux »
« Comment faire en sorte de ne pas susciter d’attentes irréalistes sur le terrain, tout en aidant les communautés selon leurs propres termes ? », a demandé Ilan Kelman, expert sanitaire à l’Institut pour la réduction des risques de catastrophes de l’University College de Londres. Dans un article coécrit par M. Kelman en 2008 qui évaluait la « reconstruction en mieux » à Aceh, il est écrit que « le terme "mieux" peut être sujet à de multiples interprétations ».
Dans un rapport de l’Institut de développement d’outre-mer (Overseas Development Institute, ODI) de novembre 2013, le problème de la définition du « mieux » a été décrit comme « une question dérangeante à laquelle la communauté humanitaire doit répondre convenablement ». Lilianne Fan, directrice de recherche à l’ODI, a déclaré à IRIN que le plus grand problème était de trouver un équilibre entre les attentes internationales et les besoins locaux qui sont dynamiques et divers.
« La transformation et l’amélioration ne peuvent pas se résumer à "faire ce que le paradigme international vous dit de faire". Il doit y avoir une certaine souplesse ou bien ça ne fonctionne pas », a-t-elle affirmé, reprenant un rapport de 2009 rédigé par un représentant de Global Communities. L’auteur s’est servi de l’expérience de l’organisation lors de la reconstruction d’Aceh pour soutenir que les acteurs humanitaires devaient se positionner d’abord comme des médiateurs. Ainsi, ils pourraient faire en sorte que les communautés soient entendues et que les normes soient respectées.
Problèmes et processus
« Il ne peut pas y avoir de solution avant de connaître les problèmes », a indiqué Mme Fan. « Dès le départ, l’objectif ne doit pas être une conclusion satisfaisante », a déclaré M. Kelman. « Il doit être moins ambitieux ; un échange libre et équitable d’informations sur les processus en cours pour savoir quels changements peuvent être attendus et à quel moment ». Il a souligné l’importance d’impliquer les personnes, quels que soient leur ethnie, leur sexe, leur handicap, leur âge, ou toute autre caractéristique.
Cependant, pour d’autres, malgré les déclarations de ceux qui expliquent que la reconstruction à Aceh a donné des résultats mitigés au niveau des infrastructures, le processus a permis des améliorations durables cruciales.
Selon Mme Fan, « Finalement, ce qui a été mieux reconstruit n’a pas forcément été les infrastructures, mais les relations politiques qui sont durables et conduiront à de meilleurs résultats pour le développement à long terme ».
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