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Les besoins des réfugiés syriens âgés au Liban « largement ignorés »

An elderly Syrian refugee in the Beka'a Valley, Lebanon. Aid agencies say the elderly are among the most vulnerable refugees but are often neglected by the humanitarian community Tarling/Caritas Lebanon Migrant Center
Un matin d'août, Khadijeh Sayyid Ahmad, 65 ans, attend que son mari rentre de la prière, assise dans une chambre sur le toit d'un bâtiment inachevé au Liban. Le soleil filtre à travers la bâche rose qui sert de plafond, projetant un halo sur son visage tanné.

Elle se tourne et se retourne sur un matelas tandis que ses proches tentent de la consoler. La nouvelle d'une attaque chimique présumée contre Muadhamiya, sa ville natale en Syrie, vient de se répandre dans le camp de réfugiés où elle vit, et elle peine à retenir ses larmes.

« Le problème c'est que lorsqu'elle est bouleversée, sa tension artérielle se met à grimper. Alors nous sommes très préoccupés par ses problèmes cardiaques », dit son fils Ahmad.

Khadijeh fait partie des milliers de réfugiés syriens de plus de 60 ans recensés au Liban, souffrant en silence d'une foule de problèmes psychologiques et de santé. Ailleurs dans la région, les réfugiés syriens âgés sont confrontés au même genre de problèmes. La communauté humanitaire éprouve des difficultés à pourvoir aux besoins spécifiques de ce groupe d'âge, affecté de façon disproportionnée par la violence et le déplacement.

« Les réfugiés âgés ont tellement de besoins, qui ne font pas encore figure de priorité pour les acteurs humanitaires qui répondent à la crise », a écrit le Centre des migrants de Caritas Liban (CMCL) dans un rapport en date du 27 août décrivant les personnes âgées comme une « population de réfugiés souvent oubliée. dont les besoins ont été largement ignorés dans cette crise ».

« Nous savons par expérience », poursuit le rapport « que les personnes âgées souffrent en silence, en se mettent volontairement en retrait pour que les plus jeunes membres de leur famille puissent accéder aux services et à l'aide ».

Selon le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), 6 pour cent de la population syrienne était âgée de plus de 60 ans avant le conflit, mais seuls 2,5 pour cent des réfugiés au Liban ont cet âge. Les personnes âgées ont du mal à se faire recenser auprès du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) car ils ne peuvent accéder facilement aux centres d'enregistrement.

C'est l'une des découvertes émanant d'une évaluation rapide menée en mai sur 70 réfugiés âgés par Claire Catherinet, conseillère à l'intégration chez HelpAge en détachement auprès de Handicap International au Liban. Elle fait écho aux conclusions du CMCL : « De nombreuses personnes âgées ne peuvent pas s'acheter de médicaments et dépendent de l'aide humanitaire pour des choses aussi basiques que la nourriture car les opportunités de subsistance leur font défaut », a dit Mme Catherinet.

« Elles bénéficient pleinement de l'aide humanitaire, mais aucune attention spéciale [n'est portée aux personnes âgées], comme c'est le cas pour les femmes et les enfants », a-t-elle dit à IRIN. « Les personnes âgées sont négligées, alors qu'elles comptent parmi les populations les plus vulnérables en temps de crise ».

Dans une déclaration faite à IRIN, le HCR a dit vouloir « faire plus que [ce qui est fait] à l'heure actuelle » pour les réfugiés présentant des besoins spéciaux, « mais en raison d'un manque de fonds et de moyens, [ne pas être] en mesure de pourvoir à tous les besoins et d'offrir l'aide qu'ils mériteraient ».


Mobilité réduite

Pour son étude conduite en partenariat avec l'université Johns Hopkins, le CMCL a interrogé 175 réfugiés syriens âgés (ainsi que 45 réfugiés palestiniens âgés de Syrie) et s'est appuyé sur ses 10 années d'expérience auprès de personnes âgées dans les camps de réfugiés en Palestine.

L'idée de ce rapport est née lors de la visite d'un camp de tentes à l'est du Liban. L'un des membres de l'équipe du CMCL y a été marqué par la découverte d'une femme âgée gisant dans la boue, le fixant de dessous sa couverture. Les membres de sa famille ont dit s'être lassés de déplacer son corps frêle de son matelas aux latrines de fortune situées à l'extérieur. Ils avaient alors décidé de la laisser près des toilettes, afin qu'elle puisse faire ses besoins sans leur aide.

Le CMCL s'est depuis procuré un fauteuil roulant pour la famille et lui a trouvé une tente à proximité de toilettes en béton, mais il existe de nombreuses autres familles avec des personnes âgées qui ne reçoivent pas ce genre d'aide.

Akram al-Kilani, 63 ans, a trouvé refuge dans la plaine de la Bekaa à l'est du Liban. Selon lui, les toilettes publiques sont le plus gros problème auquel il a été confronté depuis son arrivée à Taalabaya quelques semaines plus tôt. Il doit marcher près de 5 minutes pour s'y rendre.

« Nous sommes très reconnaissants aux personnes qui subviennent à nos besoins ici. Mais de l'eau courante dans les tentes et des toilettes proches sont une nécessité absolue pour nous » a dit M. al-Kilani.

Besoins « urgents »

Selon les conclusions du CMCL, les besoins des personnes âgées sont nombreux et urgents. Soixante-six pour cent des personnes âgées interrogées ont qualifié leur état de santé global de mauvais ou très mauvais, et la plupart des sondés ont indiqué souffrir de plusieurs maladies chroniques. Mme Catherinet a dit que leur incapacité à s'acheter des médicaments a donné lieu à des membres enflés, des difficultés à respirer ou à se déplacer, et dans certains cas une incapacité de quitter le lit. De nombreuses personnes devaient se résoudre à retourner en Syrie pour se procurer les médicaments des membres âgés de leur famille, a-t-elle dit.

Sur les réfugiés âgés interrogés par Caritas :
87 pour cent n'avaient pas les moyens de s'acheter les médicaments dont ils ont besoin
74 pour cent dépendaient de l'aide humanitaire pour pourvoir à leurs besoins de base
60 pour cent souffraient d'hypertension
47 pour cent souffraient de diabète
30 pour cent souffraient de troubles cardiaques
10 pour cent étaient physiquement incapables de sortir de chez eux
4 pour cent étaient cloués au lit
« une part significative » avait le sentiment d'être un fardeau pour sa famille
L'état de santé des personnes âgées est souvent lié à leur état d'esprit, a dit Hessen Sayah, coordinatrice des projets relatifs aux réfugiés syriens pour le CMCL, qui bénéficie d'une grande expérience auprès des réfugiés palestiniens âgés au Liban. Lorsque les programmes psychosociaux du CMCL ont pris fin dans les camps palestiniens, on a constaté une recrudescence des cas de diabète, a-t-elle dit.

Priorité donnée aux jeunes

Derrière les problèmes auxquels sont confrontées les personnes âgées, se cache l'idée sous-jacente qu'elles devraient souffrir en silence pour permettre aux jeunes de pourvoir à leurs besoins en premier.

L'enquête du CMCL a révélé que la malnutrition était très courante chez les personnes âgées en raison de portions alimentaires réduites ou d'une consommation insuffisante de fruits, de légumes et de viande dans l'intention d'en laisser plus aux plus jeunes.

Khadijeh en est l'exemple parfait. Elle refuse de se faire soigner pour ses palpitations, préférant réserver le peu d'argent de la famille aux soins de santé de son fils qui s'est cassé le bras récemment.

« Ça n'a aucun sens que j'aille à l'hôpital », a-t-elle dit à IRIN. « Il ne me reste plus que la mort ».

Um Lateef*, 63 ans, hésite à renouveler ses stocks bientôt épuisés de médicaments car elle ne veut pas endurer « l'humiliation » de réclamer de l'aide aux groupes humanitaires.

Les personnes âgées ont un rôle à jouer

Pourtant, le CMCL s'évertue à prouver qu'il est utile d'ouvrer pour la santé des personnes âgées. Son discours est que l'on peut amoindrir le problème en modifiant la perception que l'on a des personnes âgées. Elles s'avèrent souvent d'efficaces négociatrices auprès des communautés hôtes du fait du respect qu'impose leur âge. Elles peuvent également apporter de la stabilité à un foyer poussé à bout par le stress du déplacement.

« Lorsque nous valorisons les personnes âgées, elles sont capables d'intervenir dans les problèmes, domestiques ou autres, et cela contribue à améliorer leur état de santé », a dit Mme Sayah.
Avec plus de 722 000 réfugiés au Liban, il est fréquemment fait état d'une exacerbation du ressentiment entre réfugiés et hôtes libanais. La présence de réfugiés dans quelque 1 400 localités à travers le pays a progressivement rogné les stocks pharmaceutiques financés par le gouvernement, accru la concurrence sur le marché du travail et fait grimper les prix de l'immobilier.

Le CMCL dit que les personnes âgées peuvent offrir un visage tranquille et sagace à la communauté des réfugiés, et ainsi contribuer à réduire les tensions avec leurs hôtes. Cependant, les réfugiés et les travailleurs humanitaires doivent reconnaître la capacité des aînés à tenir ce rôle.

« Nous essayons autant que possible d'impliquer [les] personnes âgées dans [les] activités du centre communautaire, et de faire valoir leur rôle de conseiller auprès des jeunes et des autres membres de la communauté », a dit le HCR dans son communiqué. « Le problème est parfois que [les] personnes âgées nécessitent une aide logistique spéciale pour leur transport jusqu'aux centres et malheureusement nous ne disposons pas des fonds et des moyens nécessaires pour transporter beaucoup d'entre eux ».


Ahmad Dattouf, 63 ans, éclate en sanglots en évoquant les attaques chimiques présumées dans les banlieues est de Damas ce matin-là. « Ce qui est en train de se passer ces jours-ci est inédit. La situation est encore très mauvaise », dit-il.

Il est tenaillé par la culpabilité de passer ses journées entre quatre murs de béton gris au Liban.

« Même à mon âge, mon corps me demande de me battre aux côtés de ces héros [en Syrie] ».

HelpAge et Handicap International vont mener une étude plus détaillée sur les réfugiés syriens âgés au Liban, en Jordanie et en Turquie dans les semaines à venir, dont les conclusions devraient être connues à l'automne.

*nom d'emprunt

tq/ha/cb/rz-xq/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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