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Prévention des maladies dans un camp de réfugiés syriens en Irak

A Syrian refugee toddler plays with a bucket of water in front of his tent at Domiz camp in Iraqi Kurdistan (2013) Wendy Bruere/UNICEF
Par une chaude après-midi de juin, Gharib Mohammed, 27 ans, se tient devant sa tente dans ce camp de réfugiés syriens en Irak, une pelle à la main.

Les eaux usées et les ordures ont bloqué le petit ruisseau qui coule le long du chemin poussiéreux et l’odeur a envahi sa tente.

« Il y a d’autres ruisseaux, mais je ne peux pas tous les nettoyer. Je nettoie juste celui qui passe devant ma tente. Si tout le monde faisait la même chose, le camp serait propre, mais certains ne le font pas ».

Le ruisseau qui coule près de la tente de Mohammed devrait contenir ce qu’on appelle techniquement des eaux « grises ». Ce sont les eaux de cuisson et les eaux de lavage qui ne sont pas contaminées par les ordures. Du moins, elles ne devraient pas l’être.

Mohammed pointe du doigt la fosse septique derrière sa tente et indique qu’il la partage avec 25 autres familles.

« En deux jours, elle se remplit, [puis] elle déborde et se mélange à l’eau [grise] ».

Depuis son arrivée il y a trois mois, la fosse a été vidée à trois reprises par des entreprises mandatées par le gouvernement, a-t-il dit. À l’une de ces occasions, il a dû donner 5 000 dinars irakiens (4,30 dollars) au chauffeur du camion pour la vider.

Selon les agences d’aide humanitaire, les conditions de vie dans le camp surpeuplé de Domiz (province de Duhok) menacent la santé des réfugiés. Construit pour héberger 25 000 réfugiés, le camp accueille désormais près de 50 000 personnes.

« Les services d’eau, d’assainissement et d’hygiène sur le site sont plus qu’insuffisants, ce qui accroît le risque de voir le camp devenir un terreau fertile pour la propagation des maladies », a dit au début de l’été Mahendra Sheth, Conseiller régional du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) en matière de santé et responsable des activités dans le domaine de l’eau et de l’assainissement.

Au mois d’avril, plusieurs cas de rougeole ont été signalés dans le camp et, entre la mi-mars et la mi-mai, le nombre de cas de diarrhée a été multiplié par trois, selon l’organisation caritative médicale Médecins Sans Frontières (MSF).

Une évaluation réalisée par MSF au mois d’avril a montré des « inégalités manifestes » dans les distributions d’eau, selon un communiqué de presse du 15 mai. Plusieurs zones du camp ne recevaient que quatre litres d’eau par personne et par jour, a indiqué MSF, alors que le minimum recommandé lors d’une urgence humanitaire est de 15 à 20 litres d’eau.

« Dans certains cas, les gens n’ont tout simplement pas accès à l’eau, ni à l’assainissement », a écrit Stéphane Reynier, coordinateur d’urgence pour MSF. « C’est inacceptable ».

Massoud Barzani, président du gouvernement régional du Kurdistan (KRG), a récemment accusé la communauté internationale de « négliger » les réfugiés syriens du Kurdistan et a demandé aux responsables étrangers de porter la situation à l’attention de leur gouvernement.

Saturation

Les agences d’aide humanitaire ont vacciné les résidents et s’efforcent d’améliorer les services d’eau et d’assainissement dans le camp, mais le problème, explique Jaya Murthy, responsable de la communication pour l’UNICEF, est le surpeuplement du camp.

« Les services étaient prévus pour [25 000] personnes seulement, alors lorsque l’on multiplie ce chiffre [presque] par deux, il est bien évident que les services sont saturés, ce qui veut dire que l’on a moins à offrir à chaque personne ».

Des abris de fortune et des zones de transit ont fait leur apparition, a-t-il dit, et certaines personnes installées à l’écart n’ont pas accès à une partie de ces services réguliers.

Les différences entre les zones initiales de campement, les abris de fortune et les zones de transit sont saisissantes. Les tentes installées dans les trois premières zones du camp disposent chacune d’une latrine et se partagent une fosse septique pour quatre tentes.

Dans les zones 1 à 3, l’organisation non gouvernementale (ONG) suédoise Qandil fait appel à une entreprise d’enlèvement des déchets pour vider les fosses lorsque les familles indiquent qu’elles sont pleines. « Les camions sont sur place 24 heures sur 24 », indique Salar Rasheed, coordinateur du programme en Irak, « ils sont donc disponibles même la nuit ».

Mais les personnes installées dans des abris de fortune et dans certaines zones de transit doivent partager une latrine avec entre 29 et 189 personnes, selon un rapport du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) qui reprend les informations fournies en février par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Le NRC a évoqué le cas de résidents obligés d’utiliser une latrine collective qui débordait, car ils n’avaient pas d’autre choix.

Les Nations Unies travaillent en collaboration avec les autorités kurdes pour trouver des terrains où construire de nouveaux camps et répondre à la question du surpeuplement. Le KRG a autorisé la construction de deux nouveaux camps de réfugiés dans la région. Le premier, situé dans la province d’Erbil, devrait ouvrir ce mois-ci et pourra accueillir 2 000 familles. Le second sera construit à Sulaymaniyah et accueillera 1 500 familles.

Au départ, les autorités souhaitaient installer des réseaux d’assainissement dans les deux camps, mais le coût de ces constructions – environ cinq millions de dollars pour chaque camp – était trop élevé au vu du budget limité de la région.

« On peut le faire », indique M. Rasheed, de Qandil, « mais cela demande beaucoup d’argent ».

Une crise négligée ?

En juin, les Nations Unies ont lancé le plus important appel de fonds de leur histoire pour répondre aux besoins humanitaires liés à la crise syrienne. Cet appel inclut notamment un programme d’un montant de 37 millions de dollars pour la mise en place de services d’eau, d’assainissement et d’hygiène en Irak, y compris pour assurer l’accès à l’eau potable et à l’assainissement à Domiz.


Cependant, selon les travailleurs humanitaires, la communauté internationale a négligé les conséquences de la crise syrienne dans le Kurdistan irakien et s’est concentrée sur la Jordanie et le Liban, où les bailleurs de fonds considèrent que les besoins sont plus importants. Les agences d’aide humanitaire présentes en Irak n’ont reçu que 14 pour cent des fonds demandés pour répondre aux besoins humanitaires des réfugiés syriens en 2013. En pourcentages et en chiffres bruts, l’Irak est celui des quatre pays voisins de la Syrie visés par le Plan d’action régional qui reçoit le moins de fonds.

« Les réfugiés syriens ont le droit de recevoir une aide vitale, où qu’ils aillent chercher protection. Malheureusement, pour diverses raisons politiques et économiques, il a été très difficile d’attirer des fonds pour les projets en Irak, et ce sont les réfugiés qui en paient le prix », a dit Toril Brekke, secrétaire général par intérim du Conseil régional pour les réfugiés, qui vient de publier un rapport accusant la communauté internationale de « manquer à ses devoirs » envers les réfugiés syriens de la région kurde de l’Irak.

Augmentation du risque de maladies

De leur côté, les autorités gouvernementales et les agences d’aide humanitaire s’efforcent de prévenir une catastrophe avec le peu de fonds dont elles disposent. Alors que les températures s’élèvent (en juillet, elles dépassent souvent les 40 degrés), le risque de maladies hydriques augmente.

« Pendant plusieurs semaines, [le nombre de cas de diarrhée signalés] a diminué, mais il peut remonter à tout moment, il est donc absolument vital d’assurer l’accès à l’assainissement et à l’eau potable », a dit M. Murthy de l’UNICEF. « Alors que les réfugiés continuent d’affluer et de s’installer dans ces zones non autorisées, nous devons rester très attentifs pour nous assurer que [l’approvisionnement en eau] est correctement maintenu et que les services sont accessibles à tout le monde. Dans le cas contraire, des maladies contagieuses comme la diarrhée et d’autres maladies hydriques risquent de se propager rapidement ».

Les autorités de la province de Duhok ont mis en place un réseau d’eau dans les premières zones d’installation et, pour l’instant, des camions assurent l’approvisionnement du reste du camp.

Grâce à une subvention de 4,5 millions de dollars du gouvernement japonais, l’UNICEF prévoit d’installer un réseau de canalisations dans l’une des zones les plus récentes du camp, la zone 7.

L’UNICEF et le NRC s’apprêtent à lancer un projet de surveillance des eaux afin de s’assurer que les niveaux de chlore sont corrects.

Outre la mise en œuvre d’un programme de prévention du choléra, l’UNICEF et MSF ont déployé des équipes chargées de fournir des informations sur la santé et l’hygiène dans le camp. Ces dernières vont de tente en tente pour apprendre aux familles à réduire le risque de maladie et d’infection. Il est particulièrement important d’aider les résidents habitués à des environnements urbains modernes et à s’adapter à leurs nouvelles conditions de vie, a dit Mme Murthy.

« La promotion de l’hygiène est l’un des domaines que nous devons améliorer. C’est vraiment notre priorité ». Dans le camp de Domiz, 64 personnes sont chargées de la promotion de l’hygiène, « mais il nous faut multiplier ce chiffre par deux ou trois ». 

Cliquez ici pour d’autres articles sur la façon dont les difficultés d’accès à l’eau, à des services d’assainissement et à une hygiène adéquate menacent les Syriens et d’autres habitants de la région.

hg/ha/cb-mg/ld


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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