Des membres du Front de libération islamique Moro (MILF), fort de 12 000 hommes, se trouvaient parmi la foule. Cette fois, ils n’étaient pas armés, conformément à la promesse faite au gouvernement de maintenir l’ordre et le calme lors du scrutin du 13 mai.
C’est la première fois que le MILF soutenait ouvertement un candidat. Tucao Mastura, âgé de 66 ans, s’est ainsi posé en rival de dernière minute face à Esmael Mangudadatu, gouverneur de Maguindanao, l’une des cinq provinces de la Région autonome musulmane de Mindanao (ARMM), depuis 2010. M. Mastura a perdu, mais il a déclaré que l’élection avait été un exercice « fructueux » qui avait donné une bonne leçon de démocratie aux rebelles et aux « Bangsamoro » (musulmans locaux).
Le MILF avait refusé de participer aux élections locales précédentes pour ne pas donner l’impression d’abandonner la lutte.
« On peut dire que j’étais un candidat par procuration du MILF », a dit M. Mastura, dont le frère aîné est membre du comité central décisionnaire du MILF. « Je ne voulais pas me présenter pour le poste de gouverneur de Maguindanao, mais étant donné les circonstances, les Bangsamoro ont décidé de me convaincre à prendre part à cet exercice politique. »
M. Mastura dit que s’il avait gagné, le MILF aurait fait ses premiers pas dans l’administration des affaires publiques avant la signature d’un accord de paix définitif avec le gouvernement, en négociation depuis octobre. M. Mastura espérait que cela mette fin aux quarante années de violences sanglantes qui ont fait des dizaines de milliers de morts et plongé le sud du pays dans une profonde pauvreté.
M. Mastura est un vétéran grisonnant qui a combattu dans la jungle au plus fort de l’insurrection, dans les années 70, avant d’abandonner les armes pour préparer un diplôme de comptabilité. Selon lui, un accord de paix réel ne peut être atteint qu’en donnant plus de pouvoir aux musulmans locaux et en leur permettant de gérer eux-mêmes les affaires les concernant.
Si M. Mastura avait obtenu le poste de gouverneur de Maguindanao, cela aurait selon lui permis au MILF d’avoir un pied sur la scène politique locale traditionnellement dirigée par des clans riches et puissants. M. Mastura a cependant assuré qu’il n’était pas désenchanté par sa défaite.
« Nous aurons encore une chance avec la nouvelle entité politique », a-t-il dit.
Le MILF a en effet signé un accord « cadre » avec Manille en octobre 2012 par lequel le gouvernement a accepté de créer une nouvelle entité politique autonome gouvernée par le MILF d’ici 2016, au terme du mandat de six ans du président réformiste Benigno Aquino.
Une commission de transition doit proposer une loi-cadre au Parlement avant l’année prochaine. Le Parlement devra alors organiser un référendum par le biais duquel les zones proposées pour la nouvelle région autonome accepteront ou non d’en faire partie. Cette nouvelle région remplacera l’actuelle ARMM, créée en 1990 et qualifiée d’« expérience ratée » par le gouvernement qui lui reproche de ne pas avoir réussi à améliorer la vie des 4,5 millions de musulmans de la région.
Les deux camps sont encore en train de débattre de la meilleure manière de partager les ressources dans les zones proposées et de désarmer et réintégrer les combattants à la société.
« J’espère que d’ici 2016, nous, les Bangsamoro, serons capables de nous gouverner et d’impliquer la population », a dit M. Mastura. « Nous allons continuer à travailler avec le gouvernement pour atteindre cet objectif ».
Une négociatrice en chef optimiste
La négociatrice en chef du gouvernement auprès du MILF, Miriam Coronel-Ferrer, a récemment dit à IRIN qu’un accord de paix définitif pourrait être signé avant la reprise du Congrès en juillet. Elle a précisé que le MILF avait non seulement participé à maintenir l’ordre et le calme, mais avait également aidé le gouvernement à arrêter des exploitants forestiers illégaux et interpeler des « terroristes » et des criminels présumés dans des zones se trouvant sous son contrôle, dont la plupart appartiennent à l’ARMM.
Mme Coronel-Ferrer a ajouté que le MILF avait cédé à la « suprématie du processus de paix » et avait même permis à M. Aquino de faire une visite dans les zones rebelles en février, une première pour un président en exercice.
Les organisations d’aide humanitaire sont par ailleurs escortées dans les zones où des programmes de développement sont en cours.
En janvier, les rebelles ont signé un pacte avec le gouvernement visant à soutenir une interdiction des armes à feu le jour des élections et assurer la libre circulation des agents électoraux dans les « secteurs sensibles sur le plan de la sécurité », notamment les villes et villages reculés revendiqués par le MILF comme faisant partie de son territoire ancestral.
« Mon homologue au sein du MILF a dit à plusieurs reprises qu’un échec était inenvisageable. Je partage tout à fait cette opinion », a dit Mme Coronel-Ferrer.
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