Les progrès rapides des technologies de l’information et des communications (TIC) ont cependant eu un profond impact sur les activités humanitaires en Afghanistan au cours de la dernière décennie, à l’instar de ce qui s’est produit dans certains coins de l’Afrique, la seule autre région au monde ayant des infrastructures aussi médiocres.
Pour de nombreux Afghans, la seule option pour faire un appel en 2001 était de se rendre au Pakistan voisin. Aujourd’hui, 85 pour cent des habitants bénéficient d’une couverture mobile, et les organisations d’aide humanitaire en tirent pleinement parti.
Malgré l’isolement de nombreuses régions (les trois quarts de la population vivent dans des zones rurales), le réseau de téléphonie mobile s’est rapidement développé. En 2010, une étude menée par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) estimait que 61 pour cent des habitants possédaient ou avaient accès à un téléphone portable.
Selon un rapport publié en 2012 par Research and Markets, les quatre principaux opérateurs du pays (Roshan, AWCC, Etisalat et MTN) se partagent 18 millions d’abonnés.
Cinq initiatives technologiques afghanes
Mobile Money, l’un des services TIC les plus couramment utilisés, permet aux Afghans de transférer de l’argent en toute sécurité, à l’étranger dans certains cas, en utilisant leur téléphone portable. À l’heure actuelle, les quatre principaux opérateurs d’Afghanistan offrent le service de transfert d’argent. En mars, l’USAID s’est associé avec d’autres organisations pour faire la promotion d’un nouveau système électronique de versement des salaires. L’objectif est de parvenir à verser par voie électronique les salaires de plus de 30 000 enseignants de quelque 200 écoles réparties sur l’ensemble du pays d’ici 2014.
Les SMS ou les serveurs vocaux interactifs (Interactive Voice Response, IVR) permettent aux agriculteurs et aux commerçants afghans d’obtenir des informations sur les prix des produits agricoles et du bétail dans des endroits spécifiques. En 2010, Roshan a lancé le service Malomat en partenariat avec l’USAID et Mercy Corps. Près de 600 agriculteurs et 19 commerçants opérant sur 15 marchés provinciaux utilisent actuellement le service. Malomat permet aux agriculteurs et aux commerçants de connaître les prix de gros de divers produits agricoles. L’objectif est d’améliorer les moyens de subsistance des agriculteurs afin de décourager la production d’opium.
Télémédecine : Les médecins afghans ont commencé à utiliser un nouveau service TIC pour l’apprentissage en ligne, la formation, les conseils de gestion et la téléradiologie (partage électronique des scans des patients). Les hôpitaux peuvent par ailleurs consulter en temps réel des experts médicaux basés à l’extérieur du pays. « Dans de nombreuses régions, les gens ne peuvent se rendre dans un hôpital ou dans un dispensaire en toute sécurité. En outre, avec la fin de l’hiver, on a tout lieu de craindre une recrudescence des combats, ce qui risque d’aggraver encore la situation », a dit Gherardo Pontrandolfi, chef de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), lors d’une conférence de presse organisée à Kaboul à la fin avril. « Les combats, les barrages routiers, les attentats à la bombe et l’insécurité généralisée empêchent les blessés et les malades d’accéder aux soins de santé et à l’aide humanitaire, souvent au moment où ils en ont le plus besoin », a-t-il dit.
Service d’assistance d’urgence : Le Bureau pour la rétroaction des bénéficiaires (Beneficiary Feedback Desk) du Programme alimentaire mondial (PAM) offre un exemple intéressant de la façon dont un tel service peut améliorer la distribution de l’aide. La création de la ligne téléphonique spéciale a été annoncée l’an dernier dans trois provinces par une série de publicités radio. Les opérateurs de la ligne téléphonique ont dit à IRIN qu’ils avaient rapidement commencé à recevoir des appels en provenance des quatre coins du pays. Les opérateurs rappellent les personnes qui raccrochent après quelques sonneries parce qu’elles n’ont peut-être pas suffisamment de crédits téléphoniques. Ils disent recevoir des plaintes et des suggestions concernant la distribution de l’aide. Une jeune femme afghane a notamment utilisé la ligne téléphonique pour dénoncer un homme qui avait créé de fausses classes d’alphabétisation dans son village pour bénéficier des fonds du PAM. Dans un autre cas, des étudiants d’une région pauvre et dangereuse de la province de Ghor ont utilisé le service pour organiser la livraison sécuritaire de l’aide du PAM, dont ils n’avaient pu bénéficier au cours des huit années précédentes.
Logiciel d’enseignement sur téléphone portable : L’application Ustad Mobile a été conçue pour contribuer à résoudre le problème de l’analphabétisme en Afghanistan. La Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) utilise l’application dans le cadre d’un projet visant à améliorer le taux d’alphabétisation au sein des forces de police. On estime en effet à 70-80 pour cent la proportion des agents qui sont analphabètes. Le programme national d’alphabétisation a été adapté pour pouvoir être enseigné sur des téléphones portables équipés d’une caméra à l’aide de diapositives, de vidéos et de jeux-questionnaires. « Nous avons reçu des commentaires positifs », a dit Mike Dawson, PDG de Paiwastoon Networking Service, le concepteur d’Ustad Mobile. « Nous nous attendons à ce que les étudiants atteignent le niveau trois, ce qui signifie qu’ils seront capables de lire et d’écrire. »
Avantages et défis
Si plusieurs de ces nouvelles technologies ne sont pas bien intégrées et sont essentiellement utilisées dans le cadre de projets autonomes, les TIC ont malgré tout permis de faciliter l’accès aux populations vulnérables et aidé les organisations d’aide humanitaire à améliorer leurs mécanismes de contrôle, leur transparence et leur redevabilité.
« L’accès est l’une des principales difficultés dans un pays comme l’Afghanistan. On peut seulement aider les populations que l’on peut atteindre. Or, le pays est toujours en conflit et il est impossible de se rendre dans toutes les régions pour identifier qui est vulnérable et qui a besoin d’aide », a dit Wahidullah Amani, chargé de l’information auprès du PAM.
« Nous avons également réussi à empêcher le détournement de l’aide alimentaire et à exercer un meilleur contrôle sur les distributions de vivres, ce qui nous a donné l’occasion de nous montrer plus transparents et redevables face à la population. »
Ces développements n’ont cependant pas que des avantages.
Les téléphones portables font souvent l’objet d’un examen minutieux lors des passages aux postes de contrôle des talibans. Ces derniers tentent de vérifier si les habitants entretiennent des liens avec des responsables gouvernementaux ou des organisations occidentales. La découverte d’un numéro de téléphone ou d’un contact suspect peut entraîner la confiscation du téléphone et, dans certains cas, un passage à tabac.
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