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L’Irak 10 ans après - Les effets de la guerre sur la santé

A child sleeps on the floor at al-Rustumiya settlement on the outskirts of the Iraqi capital Baghdad. He is sick but his family cannot afford healthcare. More than 100 families - displaced first by Saddam Hussein's de-Arabization policies, then by Iraq's Heba Aly/IRIN
L’invasion menée par les États-Unis en Irak il y a dix ans a eu un impact négatif sur tous les secteurs de développement, et en particulier le système de santé.

L’invasion de 2003 et les conflits récurrents ont eu un impact indéniable sur le système de santé irakien. (Consultez les articles sur les conséquences du conflit irakien sur la santé publiés dans la revue médicale britannique The Lancet.) Le conflit a sévèrement perturbé la fourniture des soins de santé de base, les services de contrôle et de prévention des maladies ainsi que les infrastructures de recherche. Diverses contraintes – notamment la situation sécuritaire fragile et le manque de services liés à l’eau et à l’électricité – entravent les initiatives visant à remettre le système de santé irakien sur les rails.

L’impact des dommages infligés au pays par l’invasion se ressent encore aujourd’hui.

Des séquelles durables

L’Irak avait fait des soins de santé une priorité depuis les années 1920 au moins, époque à laquelle le Collège royal de médecine a été créé pour former les médecins dans le pays. Dès les années 1970, le système de santé irakien est « l’un des plus avancés » de la région, selon Omar Al-Dewachi, chercheur et docteur en médecine qui a travaillé en Irak dans les années 1990 avant d’émigrer aux États-Unis. Les indicateurs de santé se sont améliorés de manière rapide et significative dans les années 1970 et 1980 avant de se détériorer après la première guerre du Golfe en 1991, qui a provoqué la destruction des infrastructures de santé, et sous l’effet des sanctions imposées pendant dix ans, qui ont entraîné une réduction drastique des dépenses publiques en matière de santé et une fuite des cerveaux dans le secteur médical.

Suite à l’invasion de 2003, le système de santé s’est sensiblement dégradé, et Mac Skelton, un contributeur du projet Costs of War, craint qu’il ne se rétablisse jamais. Entre 2003 et 2007, la moitié des 18 000 médecins que comptait encore l’Irak a quitté le pays, selon Medact, une organisation caritative internationale basée en Grande-Bretagne. Rares sont ceux qui pensent revenir un jour.

« Retrouver un système [de soins de santé] solide et d’excellente qualité va demander du temps », a dit à IRIN M. Skelton. «Il est facile de reconstruire des infrastructures, mais il est plus difficile d’inverser des mouvements migratoires ».

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2011, l’Irak disposait de 7,8 médecins pour 10 000 habitants – le ratio médecin-patient est deux, trois ou quatre fois plus élevé dans les pays voisins, comme la Jordanie, le Liban, la Syrie et même le Territoire palestinien occupé. Dans le monde musulman, seuls l’Afghanistan, Djibouti, le Maroc, la Somalie, le Soudan du Sud et le Yémen comptent moins de médecins par habitant que l’Irak.

Dans un article récemment publié dans The Lancet, l’organisation non gouvernementale (ONG) Médecins sans Frontières (MSF) a indiqué que « jusqu’à maintenant, il est extrêmement difficile de trouver des médecins irakiens prêts à travailler dans certaines zones, car ils craignent pour leur sécurité ».

Selon MSF, plusieurs zones isolées n’ont pas bénéficié des efforts déployés par le gouvernement pour la reconstruction et le développement du pays, « privant d’accès aux soins de base des milliers d’Irakiens ».

La grande majorité des familles – 96,4 pour cent – ne disposent d’aucune assurance santé et 40 pour cent de la population considère que la qualité des services de soins de santé de leur région est mauvaise ou très mauvaise, a révélé l’Iraq Knowledge Network (IKN), une enquête conduite en 2011.

La mauvaise qualité des soins de santé en Irak pousse bon nombre d’Irakiens à se faire soigner à l’étranger : ils sont de plus en plus nombreux à vendre leur maison, leur voiture et d’autres biens pour obtenir l’argent nécessaire, selon M. Skelton, qui s’est entretenu avec des Irakiens soignés au Liban.

Les chercheurs essayent encore de déterminer dans quelle mesure l’utilisation de phosphore blanc et d’uranium appauvri – un métal radioactif contenu dans les obus perforants utilisés par les Britanniques et les Américains - a contribué à l’augmentation des taux de cancer et des anomalies congénitales.

Les dommages environnementaux causés par la guerre – la détérioration des forêts et des zones humides, la destruction de la faune, les émissions de gaz à effet de serre, la pollution de l’air – auront également un impact à long terme sur la santé, selon le projet Costs of War.

Santé mentale

Une étude menée en 2007 par le gouvernement et par l’OMS a conclu que plus d’un tiers des personnes interrogées présentaient « une détresse psychologique significative » et relevaient potentiellement de la psychiatrie. Selon une étude sur la santé mentale menée par le gouvernement en 2009, les déplacements de masse, le climat de peur, la torture, les morts et la violence ont contribué au taux élevé de maladies mentales dans le pays.

Selon un nouveau rapport rendu public le mois dernier par MSF, la santé mentale est encore un problème majeur dans le pays.

« Le pays a été dévasté par des décennies de conflit et d’instabilité, ce qui a poussé un grand nombre d’Irakiens jusqu’au bout de leurs limites », a indiqué Helen O’Neill, chef de mission pour MSF en Irak, dans une déclaration.

« Mentalement épuisés par les expériences qu’ils ont vécues, bon nombre d’entre eux ont du mal à comprendre ce qu’il leur arrive. Le tabou de la maladie mentale et le manque de services de santé mentale accessibles à la population aggravent les sentiments d’isolement et de désespoir ».

Des améliorations ?

Les statistiques, comme toujours en Irak, laissent entrevoir une situation plus contrastée.

Le pourcentage d’enfants ayant bénéficié d’une vaccination complète, par exemple, a baissé, passant de 60,7 pour cent en 2000 à 38,5 pour cent en 2006 avant de remonter à 46,5 pour cent dès 2011 – un taux inférieur au taux d’avant l’invasion, selon les Enquêtes à indicateurs multiples (Multiple Indicator Cluster Surveys, MICS) menées par le gouvernement et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). Les taux de malnutrition aiguë et chronique des enfants de moins de cinq ans ont également enregistré une légère baisse.

Cependant, d’autres indicateurs montrent une amélioration par rapport aux niveaux d’avant 2003 – ce qui est peu surprenant, selon certains, si l’on prend en compte le « régime de sous-alimentation » de nombreux Irakiens pendant la période des sanctions.
Selon les Rapports de développement humain établis par les Nations Unies, l’espérance de vie à la naissance est passée de 58,7 ans avant 2000 à 69,6 ans en 2012. (Ces chiffres sont assez proches de ceux fournis par l’OMS, mais sont sensiblement différents de ceux de la Banque mondiale, qui montrent une baisse de l’espérance de vie de 71 à 70 ans à la moitié des années 1990 et au début des années 2000 à 69 ans en 2011)

La dernière décennie a été marquée par une baisse importante du taux de mortalité infantile, non seulement par rapport au niveau de l’avant invasion, mais aussi par rapport au niveau enregistré au début des années 1980, lorsque le taux atteignait environ 80 pour 1 000. Dès 1990, ce chiffre était tombé à 50 pour 1 000, et avait continué à baisser pour atteindre 31,9 pour 1 000 en 2011, selon un rapport réalisé en 2012 par le gouvernement pour suivre les progrès réalisés pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).

Toutefois, ce taux reste deux fois plus élevé que la cible nationale fixée à 17 pour 1 000 pour 2015; et si le taux enregistré en Irak au début des années 1980 était parmi les meilleurs de la région, il figure aujourd’hui parmi les plus élevés.

Le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans a également baissé, passant de 42,8 décès pour 1.000 naissances en 2000 à 37,2 décès pour 1 000 en 2011, soit un taux bien moins élevé que celui observé dans les années 1960, mais très loin de la cible nationale fixée à 21 pour 1 000 pour 2015, selon le rapport établi par le gouvernement, qui contrôlait les indicateurs relatifs aux OMD au niveau du gouvernorat. Le pourcentage de naissances assistées par du personnel de santé qualifié a également augmenté, passant de 72,1 pour cent en 2000 à 90,9 pour cent en 2011, selon les MICS.

(Les chiffres fournis par l’OMS indiquent également une tendance à la baisse des taux de mortalité, mais ces statistiques sont assez différentes : elles montrent une baisse plus importante du taux de mortalité infantile, passée de 108 décès pour 1 000 naissances en 1999 à 21 décès pour 1 000 naissances en 2011, et une baisse du taux de mortalité juvénile de 131 décès pour 1 000 en 1999 à 25 pour 1 000 en 2011.)

Les dépenses publiques de santé ont augmenté au cours de la dernière décennie. Élevées dans les années 1980, elles ont sensiblement diminué en raison de la guerre du Golfe de 1991 et des sanctions. Mais les dépenses sont passées de 2,7 pour cent du PIB en 2003 à 8,4 pour cent du PIB en 2010, selon la Banque mondiale. D’après Yasseen Ahmed Abbas, directeur de la Société de la Croix-Rouge irakienne, les sommes allouées à la santé ont augmenté, pour passer de 30 millions de dollars par an sous le régime de l’ancien président Saddam Hussein à 6 milliards de dollars par an aujourd’hui.

Pour d’autres indicateurs du développement, consultez la série d’IRIN : L’Irak, 10 ans après.

af/ha/rz-mg/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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