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De l’importance de l’enregistrement des faits d’état civil en Asie

A young boy on the beachfront in Dili. Timor-Leste, the world's newest nation, is also one of the poorest David Swanson/IRIN

Selon les experts, il est nécessaire de renforcer les systèmes d’état civil en Asie afin de protéger les droits juridiques et humains de tous et de faciliter la planification sanitaire dans cette région qui abrite 60 pour cent de la population mondiale.

« L’état civil est la condition la plus élémentaire demandée aux individus pour établir leur identité juridique et officialiser leurs liens familiaux et cela relève donc de la responsabilité de l’État », a dit à IRIN Haishan Fu, directrice du département des statistiques de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP) à Bangkok. « En l’absence d’identité juridique, les individus peuvent être privés de leur droit d’accès aux services publics essentiels comme la santé, l’éducation, la protection sociale et la justice. »

Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), un quart seulement des sept milliards d’habitants de la planète vivent dans des pays disposant d’un système d’état civil qui enregistre correctement les naissances et les décès. Quatre-vingt-cinq pays fournissent des données de qualité inférieure sur les causes de décès, tandis que 74 autres ne disposent pas du tout de telles données.

Selon les statistiques sanitaires mondiales de 2012, les deux pays les plus peuplés du monde (la Chine et l’Inde, qui totalisent à elles deux 2,5 milliards d’habitants) ne disposent pas de systèmes d’enregistrement des faits d’état civil fonctionnels. Leurs statistiques de mortalité sont donc issues d’enregistrement par échantillons.

Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), chaque année dans le monde, 51 millions d’enfants ne sont pas enregistrés. En Asie du Sud, deux enfants sur trois ne sont pas déclarés à la naissance et n’ont donc aucune trace officielle de leur nom, de leur famille ou de leurs date et lieu de naissance.

Environ 60 pour cent des enfants indonésiens de moins de cinq ans n’ont pas d’extrait de naissance et la moitié ne sont enregistrés nulle part, a signalé l’UNICEF. De l’autre côté de la frontière, au Timor-Leste, on estime à 70 pour cent le nombre d’enfants de moins de cinq ans sans extrait de naissance. C’est l’un des taux d’enregistrement des naissances les plus bas de la région.

L’absence d’extrait de naissance rend les enfants vulnérables, préviennent les experts.

« Les enfants ont besoin que leur personnalité juridique soit reconnue, ce qui peut aider à les protéger contre des modifications illégales de leur identité — de leur nom ou de celui de leurs parents, par exemple », a expliqué Amalee McCoy, spécialiste de la protection de l’enfance de l’UNICEF pour la région. « Aucun enfant ne mérite de ne pas être déclaré et aucun pays ne peut se permettre de ne pas disposer de système fiable pour les enregistrer. »

Selon Mme Fu, de la CESAP, les extraits de naissance sont un élément essentiel de protection social pour les populations vulnérables et marginalisées telles que les personnes pauvres. Ils constituent également un outil efficace pour la prévention du trafic d’êtres humains et du mariage d’enfants.

« L’enregistrement des faits d’état civil est à la base du développement pour tous, car il offre l’identité juridique nécessaire pour s’exprimer, faire des choix et bénéficier d’une certaine protection », a-t-elle remarqué.

Selon un rapport publié en 2011 par le Réseau de métrologie sanitaire de l’OMS, une organisation basée à Genève qui évalue les systèmes d’information sanitaire dans le monde entier, les bases d’un bon système d’information sanitaire — registre d’état civil inclus — et les effectifs dans le domaine sont insuffisants dans de nombreux pays.

Tout pays a besoin d’un système d’état civil, a conclu le rapport, car cela constitue un outil juridique essentiel pour établir et protéger les droits civils des individus et représente une source de données essentielles pour établir des statistiques démographiques.

En effet, en l’absence d’état civil, les personnes qui ne sont pas enregistrées, notamment les populations vulnérables comme les femmes et les enfants, sont juridiquement invisibles aux yeux des décideurs et sont donc exposées à l’exploitation, aux mauvais traitements et au trafic d’êtres humains.

Planification sanitaire

Les données concernant la fertilité et les différentes causes de mortalité que l’on peut obtenir grâce à un système d’état civil fonctionnel sont essentielles pour élaborer des politiques nationales et mondiales en faveur du développement sanitaire.

« Si les enfants ne sont pas déclarés à la naissance, ils n’existent pas dans les programmes gouvernementaux. Ils sont exclus des campagnes de vaccination et du système scolaire. Les adultes ne reçoivent pas de soins de santé appropriés, ils n’ont pas accès aux services publics et n’ont aucun droit juridique. Ces gens souffrent, ils ne sont pas protégés est demeurent invisibles », a dit Alan Lopez, professeur en santé mondiale à l’École de santé de la population de l’Université du Queensland.

Les enfants et adultes non enregistrés qui appartiennent à une minorité ethnique comme les Rohingya, au Myanmar, qui sont apatrides de jure en vertu de la loi birmane, ont par défaut un accès limité à la nourriture et aux soins de santé. Ils sont donc exposés à des maladies évitables et à la malnutrition. De nombreux enfants dans cette situation ne peuvent pas aller à l’école et sont contraints à travailler.

Parallèlement, l’absence d’enregistrement des décès — et donc d’indication des causes de mortalité (maternité, VIH/SIDA, paludisme, etc.) dans les pays à faible et moyen revenu — entrave la capacité des professionnels de la santé à estimer la charge de morbidité imputable à telle ou telle maladie, ce qui est pourtant essentiel pour mettre en place des programmes de prévention et de traitement efficaces.

« Tous les pays sont dotés d’une forme quelconque d’état civil, mais avec des niveaux de qualité et de contenu variés », a dit Mme Fu, de la CESAP. Selon elle, la meilleure façon d’améliorer les systèmes d’état civil à long terme serait de se baser sur les systèmes déjà en place et d’identifier en quoi l’état civil peut être complémentaire aux autres activités de gestion des affaires publiques.

« Il ne faut pas sous-estimer la valeur de la collaboration et du partage des savoirs à l’échelle régionale pour améliorer les systèmes d’enregistrement des faits d’état civil. Les pays peuvent apprendre les uns des autres, notamment en comparant la façon dont ils ont résolu des difficultés similaires », a-t-elle dit.

Les obstacles à l’enregistrement des naissances, des décès, des mariages, des adoptions, etc., sont assez nombreux et comprennent notamment la géographie, les différences culturelles, l’inadéquation des cadres juridiques et le coût pour les individus.

Selon Mme McCoy, de l’UNICEF, les coûts afférents à l’enregistrement des naissances, la bureaucratie et les lois discriminatoires à l’encontre de certaines populations comme les réfugiés, les migrants, les minorités ethniques et les apatrides sont les principales raisons pour lesquelles les systèmes d’état civil ont tendance à négliger les plus vulnérables.

« La plupart des pays disposent de systèmes [d’état civil] — même si ceux-ci n’atteignent pas toujours les enfants et les familles marginalisées. Ils sont plus efficaces là où les parents peuvent enregistrer leurs enfants rapidement et facilement après la naissance pour un coût limité, voire nul », a-t-elle remarqué.

Responsabilité des gouvernements

Les experts s’accordent à dire que la mise en place de systèmes d’état civil incombe au gouvernement et nécessite un engagement à long terme de la part des hautes sphères de l’État, une implication forte des dirigeants et une certaine volonté politique.

« Puisque l’état civil dépend de nombreuses instances, un engagement à long terme est une condition sine qua non à l’amélioration du système », a dit Mme Fu. « Le cas échéant, il est également essentiel d’impliquer les gouvernements locaux au processus d’amélioration, car ils sont en première ligne dans l’enregistrement des faits d’état civil. »

Pour augmenter les taux d’enregistrement, il peut être crucial de sensibiliser les populations ou de mettre sur place des mesures incitatives, comme des allocations sous condition d’enregistrement des naissances.

Dans la région reculée de Karnali, au Népal, les mères doivent enregistrer leurs nouveau-nés pour pouvoir recevoir une subvention destinée à leur acheter des aliments nutritifs. Au Népal, la priorité n’est pas donnée à l’enregistrement des naissances, mais les enfants doivent être déclarés pour bénéficier des services publics comme les soins de santé et l’éducation.

Technologie

Les technologies peuvent, elles aussi, jouer un rôle décisif pour lever les obstacles à l’enregistrement des habitants des zones rurales ou reculées.

Avec l’aide de l’UNICEF, le gouvernement du Bangladesh a lancé une campagne d’enregistrement des naissances en ligne afin de lutter contre le mariage infantile, particulièrement élevé en milieu rural.

Environ un tiers des Bangladaises âgées de 20 à 24 ans étaient mariées à 15 ans. Les extraits de naissance peuvent être un instrument efficace pour éviter de telles unions.

La communauté internationale a un rôle important à jouer dans l’amélioration de l’enregistrement. Selon les experts et les universitaires, elle peut apporter un soutien technique et financier et faciliter l’échange de meilleures pratiques.

M. Lopez, de l’université du Queensland, a remarqué que l’intervention de la communauté internationale était essentielle pour inciter les gouvernements à présenter des statistiques fiables, notamment par le biais de pressions pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement. Il a cependant ajouté que « les politiques sociales et sanitaires nécessitent surtout une implication forte des dirigeants ».

Efforts d’amélioration des statistiques

Décembre 2012 représente un tournant pour la région Asie et Pacifique. Des statisticiens influents et de hauts fonctionnaires de 46 pays se sont réunis à Bangkok et se sont mis d’accord sur des mesures ambitieuses visant à améliorer les statistiques sociales et environnementales, qui sont déterminantes pour l’Agenda pour le développement post-2015. Ces mesures comprennent notamment l’adoption d’une stratégie visant à améliorer les systèmes d’enregistrement des faits d’état civil et de statistiques de l’état civil dans la région, car les participants sont partis du constat que les dysfonctionnements des systèmes existants faisaient obstacle à un développement à long terme pour tous.

« L’amélioration des systèmes d’état civil est tout à fait justifiée », a dit Mme Fu. « Si les gouvernements comprennent l’intérêt d’un meilleur enregistrement des faits d’état civil, ils pourront donner la priorité à cette question ».

fm/ds/cb –ld/amz
 


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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